17 | Première prise de risques

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L'homme avait conduit vite, slalomé autour des ronds points et s'était frayé un passage en un éclair même au cœur des boulevards, bruyants d'embouteillages. Noé, assit au fond de son siège, regardait les voitures défiler dans le rétroviseur et priait pour que son conducteur ne fasse pas de fausse manœuvre. A cette vitesse folle, n'importe quel choc pouvait être mortel, et Noé, effrayé, avait la forte envie de faire réviser les priorités de l'homme au volant. Arriver à l'heure, il le fallait, mais arriver vivant allait sûrement être plus utile d'un point de vue productivité.

Leur course endiablée semblait mener la voiture à la sortie de la ville, dans un quartier silencieux aux nombreux immeubles blancs. Noé savait qu'aujourd'hui, il allait devoir opérer sa toute première action au sein de l'OCAPI. On l'avait bien briefé les jours derniers, et malgré le fait que tout se soit déroulé de manière précipitée, il était absolument conscient de sa mission du jour : envoyer le « détecteur » - comme tout le monde tendait à l'appeler - dans le plus de systèmes possibles. L'objectif de l'OCAPI était clair à ses yeux : tenter de mettre en lumière un maximum de défaillances informatiques afin de sécuriser le réseau mondial. Et Noé était fier de participer à ce sauvetage général. Pour une fois, il se sentait réellement utile dans ce qu'il entreprenait. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti la joie de faire du bien au monde qui l'entourait.

- Tu montes au deuxième étage, le studio est à droite de l'escalier, fit l'homme en noir en écrasant son pieds sur la pédale de frein. Voilà la clé.

Noé prit le petit objet métallique de la main de son conducteur et le remercia d'un regard. Mais l'autre n'avait pas finis. Fouillant quelque instants dans sa mallette, il sorti divers papiers dont Noé devina immédiatement la nature : sa nouvelle identité.

- Tu t'appelles Pierre Petit, tu travailles chez OCAPI depuis sa création, et tu as toujours étudié à Nantes, dans l'informatique. Compris ?

Noé ne répondit pas, tétanisé par ce qui venait juste de se passer. Il en avait le souffle coupé, mais étrangement, le bouleversement qu'il ressentait aujourd'hui n'était absolument pas comparable avec ce qu'il avait autrefois éprouvé concernant le fait de changer d'identité. Il était conscient que son action était importante dans le monde du numérique, que sans lui, sans OCAPI, la technologie ne pouvait œuvrer en sécurité, et il lui paraissait logique que les recrues comme lui passent par un certain anonymat afin de préserver l'intégrité de la compagnie. Évidement, le choc était brutal, mais ce n'était rien comparé à son arrivée dans l'entreprise quelque jours plus tôt. Aujourd'hui, c'était comme s'il décidait de passer outre, de faire comme si ce changement dans sa vie n'était en fait que négligeable. La mission passait avant tout, et il était même fier de pouvoir donner de lui même pour cette noble cause que représentait OCAPI.

- Si t'as un problème, appelle moi directement, le QG est sous écoute.

- Compris.

Noé vérifia rapidement si il n'oubliait rien dans la voiture de l'agent et se hâta de quitter le véhicule à l'arrêt pour se diriger vers ce qu'on lui avait indiqué comme son lieu d'opération. Le hall était plongé dans une douce obscurité. Les néons étaient éteints, et les hauts miroirs trônant de part et d'autre du couloir marbré renvoyaient l'image sombre d'un jeune homme traçant son chemin vers l'intérieur du bâtiment. En gravissant les escaliers, ce dernier ressentit comme un vif sentiment d'excitation et, soudain, comme pour l'aider à agir, l'adrénaline se propagea violemment dans son sang. Ses pensées se firent plus claires, ses mouvements plus nets, et lorsqu'il passa la porte du petit studio blanc, Noé était complètement prêt à agir.

Un vrombissement puissant fit trembler les murs du minuscule appartement. L'agent était parti, et la jeune recrue se retrouvait seule avec elle même dans un cruel face à face avec le monde indéchiffrable du numérique, si grand et si complexe. Noé posa son ordinateur sur la pauvre table qui attendait sagement dans un coin de la pièce et pressa la mise sous tension.

NIRVANA [ EN PAUSE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant