15 | Nouvelle vie

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Les bruits qui sortirent Sophie de son profond sommeil furent les tintements des couverts posés sur la table de la cuisine. Des sons courts, aigus et nets, signes d'un petit déjeuner en train d'être servi. Elle regarda autour d'elle, les yeux entre-ouverts, réalisant à peine où elle avait passé la nuit ; un bureau en désordre, poussiéreux. Les rideaux sombres étaient encore en place sur la fenêtre, et seuls quelques rayons pâles réussissaient à passer pour éclairer la chambre. Elle pensa qu'il devait faire jour depuis longtemps.

Sophie s'étira lentement dans les draps chauds et elle poussa un mince geignement en sentant les fourmillements divins se propager dans ses muscles endormis. Ce moment du réveil sans pression ni travail en vue, sentir autour d'elle le douillet cocon la serrer délicieusement dans ses tissus moelleux ; il n'y avait pas mieux au monde.

Derrière la porte du bureau encore plongé dans l'obscurité, des pas résonnèrent, et Sophie se dit qu'il était temps pour elle de se lever. Malgré son désir de rester se prélasser dans le lit chaud, elle se doutait qu'émerger de la chambre à une heure trop tardive était bien trop mal se comporter. Elle était invitée, chouchoutée de la manière la plus gentille qui soit ; il lui fallait rendre la pareille et ne pas se sentir l'âme d'une bourgeoise toute permise.

Avec des gestes lents et paresseux, Sophie attrapa ses quelques vêtements posés aux pieds du canapé-lit et tenta de les enfiler tant bien que mal. C'est dans ces instants qu'elle priait pour que personne ne déboule dans la pièce. Agenouillée sur le matelas, les jambes nues et la tête coincée entre les manches de son T-shirt, elle aurait fait l'objet d'un spectacle plutôt gênant pour quiconque se serait décidé à pousser la porte de la chambre. Alors elle se hâtait de se couvrir, guettant attentivement les bruits de pas suspects provenant du couloir.

Les autres étaient dans la cuisine, serrés dans cette salle blanche et bleue trop petite pour eux. Marie avait sorti sur la table toutes sortes de pâtisseries, bols, confitures, et diverses pâtes-à-tartiner ; de quoi étancher la faim de ses nombreux invités. Et tout cela sentait si bon que lorsque Sophie entra dans la pièce, elle en oublia presque ses envies de grasses-matinées pour dévorer des yeux les appétissants pains au chocolat, scintillant sous le soleil.

– How was your night, babe ? s'enquit Lea d'un ton enthousiasmé.

– Perfect. Mais vous n'auriez pas dû me laisser le bureau, répondit Sophie. Je ne mérite pas tant de luxe.

Marie lui lança un regard amusé par dessus son épaule, tout en en scindant en deux la grosse miche de pain posée sur le plan de travail.

– Va falloir t'y habituer, je compte pas te changer de place de sitôt, ricana-t-elle gentiment.

Carl se tenait debout adossé au mur blanc. Il buvait tranquillement son café brûlant en observant le déroulement agréable de ce petit-déjeuner à la française. La fatigue le rongeait déjà. De tous, lui et son ami Dexter avaient le moins bien dormi et ils en payaient les conséquences ce matin. Effectivement, pour éviter tout problème concernant OCAPI, ils avaient passé la nuit à se relayer la surveillance du pare-feu. Ils voulaient être certains que rien ne soit envisagé de la part des agents et que tout soit réprimé au moindre mouvement. Le monde ne l'avait que trop bien remarqué : une seconde d'inattention et tout pouvait être ravagé d'un seul coup. Alors il fallait que la surveillance soit permanente et, au grand désarroi de Carl, son tour de garde débutait dans quelques minutes à présent. Les yeux fatigués, le regard dans le vague, celui-ci huma les vapeurs chaudes de sa boisson avant d'en reprendre une gorgée.

– Aujourd'hui va être tendu, fit Marie en se retournant vers les autres, tous en train de manger ou de boire dans une sérénité peu commune. Boby et Pug ont recueilli cette nuit des infos comme quoi OCAPI va tenter de passer à une seconde vague d'infiltrations. Je vous veux tous près à agir dans la seconde, c'est compris ?

NIRVANA [ EN PAUSE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant