Chapitre 2.

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À 6 heures le réveil sonna et Camille se força à se lever. Il lui fallait puiser dans ses réserves d'énergie pour réussir à affronter chaque jour les coups, les insultes, la peur. Cette dernière ne la quittait jamais, même dans ses rêves.

Une heure plus tard, elle s'installa seule dans le bus, au fond, comme à son habitude. L'adolescente regardait le paysage défiler lentement à travers la vitre. Encore 15 minutes de paix et de calme avant que le cauchemar quotidien ne recommence. Si seulement ce chemin pouvait durer des heures... Ou si le bus pouvait se renverser, et qu'elle soit la seule victime. Mais le bus arriva à bon port sans encombres, et elle dû passer les portes du lycée, les portes de son enfer personnel.

À la fin de la journée, elle reprit le même bus pour rentrer chez elle, une marque noire sous son œil droit. Ses longs cheveux bruns étaient coiffés devant son visage afin de le cacher. Il fallait toujours qu'elle se cache de tout. Pas de blessures, ni de détresse, tête basse et bouche close. Ne pas parler, ne pas pleurer, oublier.

Une fois enfermée dans sa chambre, le rituel recommença. Une trace, une plaie, du sang. Le tout accompagné d'un sentiment de délivrance incomparable. La tête lui tournait, le vertige s'accentua jusqu'à ce qu'elle s'effondre sur son lit. Obscurité délicieuse, salvatrice. Ne jamais se réveiller.

Au bout de quelques minutes d'inconscience, elle ouvrit les yeux et nettoya ses plaies, profondément troublée par ce qu'il venait de se produire. Serait elle allée trop loin ?
Et si un jour, elle ne se réveillait pas ? Si seulement...

Cette pensée la fit sourire amèrement. Elle aurait tellement voulu ne pas ouvrir à nouveau les yeux , que les coups, la douleur, que tout s'arrête une bonne fois pour toutes ! Était-ce si égoïste de vouloir être heureuse ? Si le bonheur n'était pas sur terre, elle se contentait de le chercher ailleurs. Six pieds sous terre, elle n'aurait plus de raison de souffrir, ni d'avoir peur. Elle serait libérée de son quotidien insupportable.

Mais le jour de la délivrance éternelle n'était pas encore venu. Pour l'instant, elle devait changer ses draps souillés de tâches rouges et reprendre sa routine habituelle, comme si de rien était. Jouer la comédie était devenu si simple avec le temps. Personne ne remarquait ses blessures, ni ses faux sourires quand elle trouvait la force de les esquisser. Personne ne s'intéressait suffisamment à elle pour deviner ce qu'il se passait.

Et plus les jours s'écoulaient, plus l'envie de disparaître se faisait forte. Qui, de toute façon, regretterait sa présence ? Tous semblaient vouloir l'aider à creuser sa propre tombe. Sans une once de regret. La vie était décidément odieuse. Vraiment, sincèrement odieuse. Même envers une adolescente de 15 ans.

Ses tâches terminées, elle s'éclipsa à nouveau dans sa chambre. Et dire qu'on lui reprochait de ne plus prendre part à la vie de famille ! Elle ne voulait plus prendre part à la vie, tout simplement. Ne voyaient-ils pas sa détresse ? Peut-être se contentaient-ils de l'ignorer. Elle ne le saurait jamais. Les reproches ne la touchaient qu'à peine à force. Ils rythmaient son quotidien en dehors des coups et des traits. Comment lui reprocher d'être une bombe à retardement sur le point d'exploser ? Il n'y avait rien ni personne pour la désamorcer.

Broken.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant