Broken.

Chapitre 13

Suite à cette discussion, le temps s'écoula sans que Camille n'eut conscience de quoi que ce soit. Les heures, les jours, et les semaines défilèrent sans que la douleur ne diminue d'une once. Elle se sentait piégée dans un tourbillon de souffrances sans fin. Le reste avait cessé d'exister. Elle-même n'était plus. 

L'adolescente replongea rapidement. La parenthèse de bonheur prenant brutalement fin, le désespoir l'engloutit, toute entière cette fois. Elle ne luttait plus,  succombant avec indifférence. A quoi bon se battre ? A qui sourire ? Elle était seule, complètement seule. Et cette solitude rongeait ce que la tristesse n'avait pas ravagé.

Le cutter la suivait partout à présent. Au lycée, dans les champs, dans sa chambre... N'importe quel lieu pouvait être le théâtre de sa déchéance. Mais si se blesser était la seule façon de calmer le temps de quelques minutes sa peine, elle ne comptait pas s'en empêcher. Qu'importe si les marques la couvraient toute entière ! Qu'importe si elle souffrait aussi physiquement que mentalement ! Qu'importe si elle avait abandonné tout espoir de survie et se tuait chaque heure un peu plus. 

Un  matin, Camille ouvrit les yeux. Elle prit soudainement conscience que six mois s'étaient écoulés depuis l'accident.  Où est-ce que le temps s'était enfui ? Pourquoi ouvrait-elle encore les yeux ? La réalité lui fit l'effet d'un coup de poignard dans le ventre. Recroquevillée dans son lit, sous les draps, elle pleurait sans pouvoir s'arrêter, respirant difficilement. L'angoisse croissait, l'envahissait, l'engloutissait. C'en était trop, elle n'en pouvait plus.

Cherchant à s'enfuir, elle attrapa son blouson, ses chaussures et sortit de la maison en trombes. Il fallait qu'elle s'en aille, qu'elle s'échappe. Mais elle n'avait nulle part où aller, la douleur la poursuivrait où quelle aille. 

Ses pas la guidèrent seuls vers le pont, le fameux pont de leur rencontre. A la vue de l'édifice, sa gorge se serra un peu plus. Aujourd'hui, si elle tentait de mettre fin à ses jours, il n'y aurait personne pour l'en empêcher. Un calme artificiel l'emplit à cette pensée. S'approchant du bord, elle se hissa sur la rembarde, regardant l'eau s'écouler tranquillement. Il suffisait d'une simple poussée en avant pour que tout cesse...

Alors, elle se pencha et ferma les yeux. C'en était fini de sa pénible existence, elle voulait le revoir. Elle voulait le rejoindre, et le serrer dans ses bras. Elle voulait...

- Hé mais ça va pas !

Rouvrant les paupières, elle se rendit compte qu'elle ne flottait plus dans le vide. Un garçon légèrement plus grand qu'elle mais d'une familiarité déconcertante la tenait dans ses bras, mais tout était si flou... Elle se sentait cotonneuse, engourdie, incapable de prononcer le moindre mot. 

- Tu pensais vraiment te débarrasser de moi comme ça ? Je t'ai dit que je te laisserais pas mourir ! Tu es impossible...

La voix était reconnaissable entre toutes, elle n'avait plus aucun doute. Levant une main tremblant pour tenter d'effleurer le visage de son sauveur, tandis que l'obscurité se faisait pas à pas. Avant qu'elle ne l'engloutisse complètement, elle murmura d'une voix pleine d'émotion, aux larmes à peine voilées.

- Théo...