Broken.

Chapitre 11

Marcher pour rentrer ne comblait pas la sensation étrange, indescriptible qui serrait le cœur de Théo dans un étau. Que se passait-il ? Il ne parvenait pas à garder son calme. Son cœur battait la chamade, le souffle ne cessait de lui manquer. Il était complètement pris par ses sensations et le joyeux tumulte de pensées qui s'entrechoquaient dans son crâne. Tout était étrangement assourdissant, éblouissant. Mais pas autant que le coup de klaxon qui retentit à sa gauche, bien trop proche. Il eut à peine le temps d'écarquiller les yeux dans la lumière aveuglante des phares que le choc vida enfin sa tête de toute pensée. Ne restait que la violence du moment, la douleur insoutenable et, enfin, le vide.

Le lendemain, Camille patienta un long moment devant les grilles où le jeune homme avait promis de la rejoindre. Au bout d'une heure à parcourir nerveusement le bout de trottoir de long en large, elle finit par se résigner à aller en classe, sans comprendre pourquoi Théo n'était pas là. Elle passa malgré  tout la journée à chercher son ami, tellement préoccupée par son absence qu'elle n'entendais ni les injures ni les moqueries.

Mais lorsque la sonnerie marqua la fin des cours, l'adolescent n'avait toujours daigné montrer le bout de son nez. De plus en plus inquiète, elle décida d'aller voir s'il n'était pas à l'appartement dans lequel il l'avait emmené, la veille. Il avait dit que c'était chez lui après tout. Plongée dans ses pensées, elle fila directement vers l'immeuble, sans prêter attention à la déviation qui n'était pourtant pas là le jour précédent, ni aux discussions inquiètes des passants sur un accident.

Lentement, elle monta les escaliers, la gorge nouée. Un mauvais pressentiment la guettait, lui collait à la peau. Sans comprendre pourquoi, elle était terrorisée, immobile devant l'entrée. Au moment où, dans un élan de courage, sa main allait entrer en contact avec le bois brute, la porte s'ouvrit. Le cœur de Camille loupa un battement et l'espoir afflua en elle, bientôt remplacé par une tristesse sans nom lorsqu'elle vit que la personne se tenant devant elle était un homme légèrement plus vieux qu'elle, en fin de vingtaine, à la mine triste et lasse.

- Je peux vous aider ?                                                                     

Demanda-t-il difficilement, comme si chaque mots le faisaient incroyablement souffrir. Son regard vide semblait vaguement familier, mais si différent. L'adolescente était perdue, déboussolée. Qui était cet inconnu ? Mais surtout, où était son ami ? Elle avait l'impression de contempler un puzzle où une pièce manquait alors que la boîte était vide. Elle ne parvenait à comprendre une évidence que son esprit refusait de seulement supposer. 

- Je ... heu ... J-Je  chercher Théo.

Bégaya la jeune fille en fixant le sol, les joues en feu. L'homme eu un petit rire ironique et désespéré à la fois, qui lui glaça le sang. Décidément, quelque chose n'allait vraiment quoi. Son souffle se coupa, il lui sembla que son cœur cessa de battre, les oiseaux de chanter, le monde de tourner. L'attente pourtant de quelques secondes à peine, était interminable. Mais l'homme finit par prendre une longue inspiration et prononcer les mots qu'elle ne pourrait jamais oublier.

- Théo ? Ne le cherche plus gamine. Théo... Il est mort.