Un Lou(p)rd Secret - Tome III

5. Amy

Assise au sol, pleurant toutes les larmes de son corps, Amy commença à envisager la possibilité qu'on l'avait peut-être suivie ou que les autorités avaient peut-être été appelées.

Elle commença à paniquer. Sa respiration se fit plus courte, plus douloureuse. Comment avait-elle pu croire qu'elle s'en sortirait seule ?

Elle rassembla ses affaires à la hâte. Son corps était pris de violents tremblements. Et sa louve intérieure était encore agitée. Amy pouvait sentir que la pleine lune était proche. Plus que quelques jours et sa louve exploserait. Menaçante. Meurtrière.

Amy tenta de chasser ces pensées de son esprit. Elle était déjà assez paniquée, elle n'avait pas besoin d'empirer la situation.

Elle descendit à la réception négocier l'annulation de la deuxième nuit. Après quelques minutes de débat dans un anglais approximatif mêlé de beaucoup d'espagnol, la jeune louve renonça. Il fallait absolument qu'elle parte de toute façon. Elle n'avait pas le choix. Tant pis si elle laissait derrière elle une chambre qu'elle n'utiliserait pas.

Elle sortit ensuite prudemment de l'hôtel, regardant les alentours, tentant de repérer une voiture de police ou un des serveurs du bar à tapas. La voie était libre. Elle s'élança alors sur le trottoir et remonta vers le centre-ville.

Elle ne savait pas comment procéder. Quel moyen de transport utiliser. Comment s'y rendre pour l'emprunter. Dans quelle direction choisir d'aller.

Elle recommença à paniquer. Il fallait absolument qu'elle se calme avant d'attirer l'attention des passants sur elle.

Au loin, elle vit un banc libre sur une petite place animée. Elle décida d'aller s'y asseoir pour reprendre ses esprits. Elle prit de grandes inspirations, ferma les yeux un moment et souffla doucement. Lorsqu'elle réussit à réguler sa respiration, elle rouvrit les yeux et se concentra sur son but.

Elle ne se sentait plus en sécurité ici. Elle devait partir. Quelque part où elle pourrait se fondre dans la masse. Quelque part où elle pourrait mettre sa paranoïa actuelle de côté. Un endroit tellement grand qu'elle serait comme une aiguille dans une botte de foin.

Elle pensa aussitôt à la capitale. Mexico semblait une alternative appropriée.

Elle sortit de son sac l'album photo de sa mère. Elle souhaitait vérifier si cette dernière y était passée. Elle n'oubliait pas sa volonté de suivre ses traces.

Elle découvrit à la deuxième page de l'album des photos mettant en scène sa mère devant un certain nombre de monuments à Mexico. Cela confirma sa conviction que se rendre dans la capitale était une bonne idée. Il fallait maintenant qu'elle trouve un moyen de s'y rendre.

Elle rangea l'album photo dans son sac et releva la tête pour regarder les alentours. Au loin, elle aperçut une station de taxi. Est-ce qu'un taxi pourrait l'emmener à l'aéroport d'Hermosillo ? Se pouvait-il qu'il reste encore un vol à destination de Mexico ce soir ?

Amy s'avança jusqu'à la station et s'arrêta net lorsqu'elle repensa au fait qu'elle ne parlait pas un mot d'espagnol. Elle allait encore avoir des difficultés à se faire comprendre. Elle se fustigea, repensant à la connerie qu'elle avait faite en jetant son téléphone à la poubelle sur le coup de l'impulsivité.

Prenant son courage à deux mains, elle s'avança vers la première voiture qui lui semblait libre. Le conducteur du taxi fumait sa cigarette, appuyé sur la portière du côté conducteur. Elle se racla la gorge, fit signe au chauffeur et demanda simplement :

- Mexico ?

L'homme se mit à débiter tout un discours qui plongea Amy dans l'incompréhension la plus totale. Mais au bout d'un moment, un mot attira son attention et elle vit une issue à son problème.

- Aeropuerto, si ! répliqua-t-elle enthousiaste.

C'était une chance que l'espagnol pouvait ressembler au français pour certains mots, sinon elle ne savait pas comment elle aurait pu s'en sortir.

L'homme lui fit signe de la suivre à l'arrière de la voiture et ils chargèrent le sac d'Amy dans le coffre. Elle s'installa ensuite à l'intérieur, soulagée de pouvoir fuir Hermosillo sans trop de difficultés.

Après quelques vaines tentatives, le chauffeur comprit vite qu'il aurait du mal à avoir une conversation avec la jeune louve. Le trajet s'effectua donc dans le silence. Amy observait avec passivité l'architecture des bâtiments devant lesquels ils passaient. Ses pensées étaient bousculées par ses inquiétudes.

Elle considéra avec sérieux l'éventualité qu'elle s'était peut-être lancée dans ce voyage avec trop d'impulsivité. Elle n'était pas sûre de pouvoir assumer sa condition de louve seule. Peut-être devait-elle rentrer auprès d'Esteban et demander à Lucie de sauter dans le premier avion.

Une partie d'elle s'imaginait déjà prendre un avion en direction de Phoenix quand une vague de colère la submergea. Elle ne pouvait pas renoncer. Pas maintenant. Elle en avait marre de dépendre des autres. Elle en avait marre d'être faible.

Elle repensa à sa dernière transformation. Celle qui l'avait traumatisée. Celle où elle avait tué. Elle avait été seule et rien ne s'était passé comme prévu. Elle avait besoin de vivre la prochaine seule, à l'air libre, sans chaînes et sans sortilèges. Elle avait besoin de se prouver que cette partie d'elle n'était pas si ingérable. Elle avait besoin de laisser aller sa louve sans crainte. Elle avait besoin d'apprivoiser cette partie d'elle si prédatrice. Elle avait besoin que ça se passe bien.

Arrivée à l'aéroport, elle paya le chauffeur de taxi et récupéra ses affaires. Elle passa la porte du hall d'un pas déterminé. Si un dernier avion était sur le point de décoller, elle ne voulait pas le rater.

Elle consulta le tableau affichant tous les vols et constata que le dernier avion était déjà en train de voler. Le prochain à destination de Mexico ne décollerait qu'au petit matin. Elle devait passer la nuit à l'aéroport à attendre l'embarquement.

Maintenant qu'elle avait repris ses esprits, cela ne lui faisait pas peur. Elle savait où elle allait et quels étaient ses objectifs.

Bientôt, elle ne craindrait plus la foule.

Bientôt, elle ne craindrait plus sa louve.

Bientôt, elle serait libre.