Dans les griffes de la peur

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Miss Paramount (1983)

Comme presque tous les jours depuis que je suis entrée à la fac – il y a un mois déjà –, c'est la panique !

Là, je suis à la recherche de ma clé USB. Comme d'habitude, je me dis que si je préparais mes affaires la veille, et que je ne traînais pas au lit jusqu'à la dernière minute le matin, je pourrais commencer la journée plus calmement. Moins speed.

Mais j'ai beau me le répéter chaque matin, c'est toujours la même chose : je fais tout à la dernière minute.

À force de courir dans tous les sens, j'en viens à m'énerver de plus en plus. Au bout d'un moment, je m'arrête net, en plein milieu de mon salon, et je respire un bon coup. Je n'ai rien mangé depuis hier soir et je sens que je n'ai déjà pas beaucoup d'énergie. En plus, quand je suis énervée comme ça, je suis quasiment certaine de ne pas retrouver ce que je cherche.

« Si j'étais une clé USB, dans quel endroit je me cacherais ? », me demandé-je à moi-même, maintenant assise sur mon canapé, ma tête dans mes mains, comme pour tenter de trouver une connexion avec cette fichue clé.

Fichue clé que je me dois pourtant de retrouver si je ne veux pas aller aux rattrapages. Parce que, pour notre promo, c'est matinée-exposé ! Et ma présentation, ainsi que mes notes, se trouvent dans cette clé !

Ces exposés se font dans le cadre du cours de « sociologie de la déviance ». Au début de l'année, le prof nous avait expliqué que chaque étudiant devrait présenter un type de déviance et l'analyser à travers le spectre de la sociologie. Il avait précisé que, immanquablement, la notion de norme devrait être explicitée dans le détail. C'est ce qui nous permettrait de mieux cerner cette soi-disant déviance et ainsi choisir notre sujet.

En bref - très bref -, je devais trouver quelque chose que peu de monde fait ou pratique. Un comportement qui ne soit pas considéré comme normal et logique par tous. Qui soit présent en minorité.

Immédiatement, mon sujet était trouvé. Et il était déjà parfaitement clair dans ma tête. C'était important pour moi de travailler là-dessus et je suis d'ailleurs plutôt fière de ce que j'ai fait !

Après cette auto-gratification, je recentre mon attention sur ce qui est censé me préoccuper à cet instant. Je tente alors de me souvenir de l'endroit où j'ai bien pu ranger cette clé. Quelques secondes plus tard, je me rappelle l'avoir posée au moment où mon téléphone a sonné. C'était... C'était un appel de June ! Oui c'est ça. C'était hier donc. Et j'étais en train de... Mais merde, qu'est ce que je faisais au moment où elle m'a appelée ? Oh, ça y'est, je sais !

Je me dirige alors vers la cuisine, maintenant persuadée qu'elle s'y trouve.

Bingo ! Elle est là, derrière le paquet de pâtes que je n'ai pas rangé hier.

« Parfaitement à sa place donc », dis-je ironiquement à moi-même.

Axelle, apprends à ranger au fur et à mesure, tu vas finir par te retrouver dans un appart dégueulasse.

J'attrape mon perfecto et mon sac à la volée, ferme la porte de mon appartement et descends rapidement les deux étages de mon immeuble.

Lorsque je pousse la porte, un vent frais et agréable me caresse le visage. Instantanément, il m'apaise. Cette ville en général m'apaise. C'est impressionnant.

Lorsque j'étais au lycée, dans le village de chez mes parents, je n'arrivais pas à me débarrasser de ces crises d'angoisse. J'en faisais pratiquement tous les jours. Je n'ai jamais vraiment su dire quel était le responsable, s'il s'agissait de l'école en elle-même, des autres - élèves et profs - que je sentais trop jugeants ou du simple fait de devoir me lever le matin.

En tout cas, c'étaient de véritables crises d'angoisse. Pas des inventions de ma part. C'étaient des crises qui, à plusieurs reprises, m'ont fait douter de ma santé physique et mentale.

C'est comme ça que ma mère a décidé de m'emmener voir une psychologue. Madame Marchal. C'était notre dernier recours. Notre dernière option. On avait déjà essayé tout le reste.

Sur le chemin qui mène à mon université, je repense à ces souvenirs douloureux qui ont laissé derrière eux une cicatrice encore à vif. Quand se refermera t-elle complètement ? Parce que, aujourd'hui, j'ai la sensation que je ne pourrai jamais totalement oublier cette souffrance. Cet isolement. Cette violence que j'ai subi. Violence, certes, psychologique, mais bien destructrice car elle peut plus facilement passer inaperçue.

Mais pourtant je le sais, ici, c'est une nouvelle vie qui commence. Et je compte bien en profiter.

J'attendais ce renouveau avec tellement d'impatience. C'était si important pour moi de quitter mon village pour venir ici, là où les gens semblent plus ouverts et plus tolérants. C'est exactement de ça dont j'ai envie aujourd'hui. J'ai besoin que l'on m'accepte comme je suis. Je compte en tout cas là-dessus pour enfin parvenir à m'accepter à mon tour. Enfin, j'ai fini par m'accepter. C'est juste que le regard des autres est encore douloureux pour moi. En réalité, c'est dur de se sentir différente. C'est dur de l'être. D'être perçue comme tel.

Alors c'est vrai, je mise beaucoup sur ce déménagement et cette entrée à l'université. Beaucoup trop pour June. Je crois surtout qu'elle essaye à tout prix de me protéger, du mieux qu'elle le peut. Mais ce n'est pas toujours facile depuis qu'un océan nous sépare. Nous essayons de nous appeler régulièrement, malgré le boulot et les occupations de chacune.

Lorsque j'arrive enfin sur le campus universitaire, je les vois, assises sur les grands escaliers du bâtiment des Sciences Humaines, en train de m'attendre. Vraiment, même si je ne les connais que depuis la rentrée, je peux malgré tout parler d'amies, plutôt que de copines. Bien sûr, elles sont loin de détrôner June, ma meilleure amie depuis toujours, mais elles ont véritablement une grande place dans ma vie.


Mél, plus particulièrement, occupe un bel espace dans mon cœur. D'ailleurs, c'est assez drôle, quand on y pense : Mél et moi nous connaissons depuis le lycée, même si nous ne nous étions jamais réellement parlées. Peut-être ne savait-elle pas quel était mon prénom jusqu'à ce que je lui envoie un message sur Facebook pour lui demander si elle serait bien sur le campus à la rentrée. En tant que toute bonne timide qui se respecte, j'avais cherché, parmi les élèves de Terminale, qui seraient présents le jour de ma rentrée ; je ne voulais pas y aller seule. Mél m'avait alors confirmé qu'elle s'était inscrite en Droit. Nous nous étions données rendez-vous directement sur le campus.

Depuis, les choses ont changé. Entre elle et moi, quelque chose de particulier a vu le jour. Ce n'est pas le genre de relations que je pourrai entretenir avec d'autres personnes. 

Avec elle, c'est tout autre chose. 

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant