Ma Seconde Naissance [PAUSE]

On n'a rien fait de mal

Juste toi et moi (1999)

Alors que Mél et moi dégustons le plat végane que je viens de nous concocter, je dis « J'ai vu qu'il y a avait une association LGBT+ en ville. Tu savais ? »

« Euh non, je ne connais pas », me répond t-elle brièvement, en se réfugiant dans la vaisselle, alors qu'elle n'a même pas fini son assiette.

J'ai remarqué que c'est ce qu'elle fait quand elle n'est pas à l'aise. Alors je m'approche d'elle et me colle contre son dos. Immédiatement, je sens son corps se raidir. Je l'embrasse sur ses magnifiques cheveux pour tenter de l'apaiser. Elle sent tellement bon.

« Tu ne voudrais pas qu'on y aille ensemble ? lui chuchoté-je à l'oreille. Ça nous permettrait de nous ouvrir un peu, d'être nous-mêmes avec des gens qui nous comprennent, qui défendent les mêmes valeurs que nous.

- Je... je ne sais pas, dit-elle sèchement. Et puis, je croyais que tu n'aimais pas aller là où il y a beaucoup de monde ?

- Tu as raison, et c'est justement pour ça que j'ai besoin de toi. Et puis, je crois que ça me ferait vraiment du bien, ajouté-je, comme pour la convaincre.

- Oui, mais..., commence t-elle en se dégageant de mon étreinte. Je crois que, pour le coup, c'est moi qui ne serais pas très à l'aise.

- Bon, très bien, conclue-je, surprise et extrêmement vexée de la voir se défiler comme ça.

- Mais vas-y toi ! » propose t-elle comme pour se déculpabiliser de me laisser tomber.

À ce moment, je ne l'écoute déjà plus. Je suis déjà partie, loin, dans mes pensées. Et je me demande ce qui cloche, ce que j'ai fait de mal, pourquoi elle veut fuir comme ça. Je me demande quelle peut bien être la véritable raison de son refus. Puis, finalement, ma dernière pensée devient des mots, sans que je ne le veuille réellement :

« C'est quoi ton problème en fait ?

- Qu'est-ce que tu dis ? s'étonne t-elle, sans doute autant que moi, en remettant une certaine tension dans tout son corps.

- Euh... je... pardon Mél. Mais c'est que... je ne comprends vraiment pas, m'expliqué-je.

- Tu ne comprends pas quoi ? grogne t-elle en me faisant face à présent.

- Mon dieu, pourquoi tu ne veux pas venir avec moi. Tu suis notre conversation ou quoi ? réponds-je en bondissant de mon siège, fortement agacée par ses réponses.

- Écoute Axelle, s'explique t-elle maintenant beaucoup plus calmement, je ne peux pas me montrer dans un endroit pareil. Pour mon travail.

- Pour ton travail ? répété-je.

- Oui ! Si mes futurs collègues, ou pire encore, mes futurs chefs, découvrent que je suis lesbienne, qu'est-ce qui se passerait ? me demande t-elle comme si elle attendait réellement une réponse de ma part.

- Mais, Mél, qu'est-ce que ça pourrait changer pour eux ? la questionné-je en m'approchant d'elle, beaucoup plus apaisée maintenant que je lis cette inquiétude sur son visage. Et je... je croyais que tu voulais cacher notre relation à ta famille.

- Axelle, je... n'insiste pas, s'il-te-plait. Pas encore une dispute ! C'est suffisamment difficile pour moi », conclue t-elle sans que je ne sache dire exactement ce qui lui paraît si complexe.

Je suis incapable de dire quoi que ce soit. Mais, finalement, peut-être n'y a t-il rien à répondre. Quand je sens les larmes me monter, j'attrape mon sac à dos à la volée et quitte l'appartement, sans même me retourner.