Moi je veux vivre

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Marilyn (2002)


Il est 20h43 et voilà que les lumières de la salle s'éteignent après quatre heures d'attente. Aujourd'hui, Isabelle avait un rendez-vous téléphonique important pour son travail et nous n'avons donc pu partir qu'en fin d'après-midi. Je sentais que June bouillait ; moi aussi, il faut le dire. Mais maintenant que nous y sommes, toute la colère s'en est allée ! J'attendais tellement ce moment que je sens déjà l'excitation grimper en moi. Dans le même temps, apparaît une station spatiale au-dessus de nous. Pardon ? Une station de spatiale ? AU-DESSUS DE NOUS ?

La qualité des écrans est si extraordinaire que, très vite, on a la sensation d'y être, dans cette station. Elle s'ouvre et nous laisse d'abord voir un magnifique ciel étoilé. En son centre, la Lune. Cette vue est simplement magnifique. Mes yeux me piquent d'émotion devant un tel spectacle. Devant le génie du groupe qui a pu penser à tout ça. Juste pour nous. Ils sont fous ! Ils sont complètement fous d'avoir imaginé un truc aussi beau ! 

Enfin, le décollage ! Tout le Millésium se trouve dans cette station et s'envole pour l'espace. À travers le bruit que fait le moteur de ce vaisseau, un astronaute parle, comme si c'était à nous, les passagers, qu'il s'adressait.

Nous dépassons la Lune, puis Mars. Une musique de faible intensité se fait entendre de plus en plus. Jupiter, Saturne. Le public frappe dans ses mains au rythme de cette musique qui s'élève de plus en plus, dont le rythme accélère petit à petit. Mes mains deviennent moites, je suis en hypervigilance, dans l'attente que quelque chose vienne interrompre cette attente insoutenable.

La station prend de la vitesse, elle aussi. Puis retentissent enfin les premières notes de « Black Sky ». Mes yeux s'écarquillent lorsque quelques lumières illuminent la salle. Tel un enfant, sans doute. L'astronaute se fait toujours entendre, en fond. Puis je les vois. Tout le groupe est là, devant moi. Les images sur les écrans au-dessus de nous et derrière eux sont magnifiques. Ils sont tous sublimes. Mes sens sont saturés tellement il y a de choses à voir, à entendre et à ressentir.

Lorsque je pose mon regard sur Nicola, je crois distinguer une mèche blonde dépasser de sa capuche noire. Il n'aurait pas fait ça ? me questionné-je, le sourire aux lèvres amusée par sa capacité à se renouveler, à nous surprendre, à nous émerveiller. Mais c'est bien un Petit Prince qui est là ce soir. Le Petit Prince d'une autre galaxie et il nous emmène la visiter.

Le concert continue, les musiques s'enchaînent ; le voyage vers une autre galaxie se poursuit, me faisant – comme toujours – passer d'un état à un autre. La surprise, les larmes, l'émerveillement, l'admiration, le plaisir intense.

Je suis complètement transportée. Mon cœur bat tellement fort. Je vis tellement plus fort, ici, avec Indochine.

Ils nous font danser comme des fous sur « Adora » qui éveille en moi un tas de sensations plus qu'agréables.

Dis-moi, est-ce que tu voudras encore, te coucher sur moi, chante Nicola. Le public le suit en complétant ses paroles. Enlève-moi. Enlève-moi, m'égosillé-je alors avec June. Nous chantons comme des casseroles, mais on s'en fiche, parce que c'est magnifique, ce public qui chante sans que Nicola ait besoin de le faire. Nous le faisons à sa place, tous ensemble. En harmonie. Les émotions qui circulent dans cette salle sont incroyables. June et moi ne nous lâchons plus. J'ai besoin de sa main, sentir quelque chose de concret pour ne pas trop m'envoler, pour ne pas partir je-ne-sais-où. C'est drôle, pour une fois, c'est moi qui ai besoin d'elle pour garder les pieds sur Terre.

Et puis, les premières notes de « Tes Yeux Noirs » résonnent dans le Millésium. Du haut de mes 1,60m, je ne vois pas où est Nicola à ce moment. Je le cherche du regard, sans croire une seule seconde que je trouverai. Alors quand la foule s'écarte, juste devant nous, je n'ai pas compris. Pourquoi y avait-il un passage vide, là, juste là ? Pourquoi cet espace est-il aussi parfait ?

En même temps que ces questions, j'entends des « Oh putain, oh putain, il arrive » de June. Lorsque je me penche, naïvement, je suis d'abord éblouie par une puissante lumière. Mes pupilles s'adaptent à cette luminosité et c'est là que je vois ce qu'il se passe, sans véritablement comprendre : je distingue sa chevelure blonde qui s'avance. Nico se dirige droit sur nous, il s'approche de plus en plus. Et il est là, à quelques centimètres de moi. Je tends mon bras, sans même y penser. Pour le toucher, sentir qu'il existe vraiment, pour me prouver que tout ça n'est pas un rêve, que tout ce bonheur est bien réel.

Sans que je réfléchisse à ce geste, ma main droite se pose délicatement sur son bras. Si doucement que je doute qu'il ait senti la moindre pression. Le temps semble s'arrêter, se distendre. Ce n'est que lorsqu'il s'en va, que je prends conscience que j'étais si près de lui.

Lui, mon héros.

Et en même temps qu'il s'éloigne de moi, un poids s'en va. Un poids qui m'était si encombrant, si lourd et que je sens partir avec lui. Comme s'il aspirait le négatif en moi, tout ce qui me rend triste. Et je le regarde, continuer sa route.

Je ne vois plus que lui. Je n'entends plus que ses mots.

Lorsque je me retourne vers June, je me rends compte qu'elle me regarde déjà. Et, tout d'un coup, comme si nous voyions à travers l'autre, tout ce que nous avions gardé en nous jusqu'à présent explose subitement. Et nous pleurons. En même temps. C'est fou cette relation que nous avons toutes les deux. C'est comme si les émotions passaient de l'une à l'autre, comme ça. Et nous nous libérons, ensemble.

Alors je ne peux retenir mes larmes. Elles coulent, encore et encore. Elles sont le témoin de mon lâcher prise. Un sentiment qui m'est presque inconnu tellement le contrôle me dirige et me guide constamment.

À ce moment-là, je ne comprends pas ce qu'il vient de se passer. Pourtant, je pleure à ne plus pouvoir m'arrêter. Je pleure, comme beaucoup de fans qui, comme moi, ont vécu le même moment. Non, le même type de moment, parce que ce que j'ai vécu, c'était à moi. Il n'est qu'à moi.

Mes yeux restent humides pendant un temps qui m'est indéfinissable. Plusieurs chansons s'enchainent. Mais les émotions, elles, restent. Elles s'intensifient, même. Elles ne veulent pas me quitter. Et c'est tellement bon.

Je me sens si apaisée, soudainement, par ce contact physique. C'est peut-être bête, mais cette espèce de rencontre a provoqué un déclic en moi. Je me sens tellement légère et libérée. 

Je reste dans cet espèce d'état second pendant un moment. Pendant les deux, voire trois chansons suivantes. Et tout le reste du concert prend une toute autre coloration. C'est encore plus fort, plus intense, plus authentique.

Et puis vient une autre chanson. « Tomboy ». Avant, je l'écoutais, de temps en temps, mais elle ne faisait pas partie de mes préférées. À vrai dire, je n'avais jamais réellement prêté attention aux paroles. Mais là, avec cette vidéo d'un mec qui se découvre à travers les vêtements et accessoires qu'il enfile au fur et à mesure, je suis prise d'une sidération impressionnante. Mon corps se paralyse au moment où je comprends enfin la signification de cette chanson.

From the outside I'm a girl but I'd rather be the boy that I am deep inside.

Puis la salle se remplie petit à petit de confettis, me ramenant un peu à la réalité. Je prends alors conscience de ce que je ressens : une sorte de soulagement mélangé à de la honte et à de la culpabilité.

Étrangement, ces paroles résonnent en moi. La façon qu'elles ont de me toucher me perturbe. Sans que je ne puisse dire pourquoi ni comment.

Sans doute la magie de la musique. 

Ma Seconde Naissance [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant