7. La reprise de contact d'Opaline

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7. La reprise de contact d'Opaline

Pendant que Nestor tentait d'oublier son aventure désastreuse et catastrophique avec Alya, et que cette dernière se remettait de sa peine de cœur, Opaline réfléchissait à l'éventualité de contacter Gwenaëlle.
Elle avait créé un mémo sur son portable pour y noter les possibilités de messages qu'elle pourrait lui envoyer. Mais malheureusement, pour le moment, il était vide. Cela faisait quelques jours qu'elle tournait en rond dans sa chambre, faisant les cent pas en cherchant des idées, mais nada. La page blanche. Zéro mot.

Que pouvait-elle dire ? La dernière fois qu'elle l'avait vue, elle décuvait.
Elle ne pouvait décemment pas s'excuser une fois de plus pour son comportement le jour-là. En plus, avec sa communication digne de Nestor lorsqu'elle sortait du cercle de ses amis et sa famille, elle était mal partie pour rédiger un message correct.

Elle décida de s'asseoir dos au mur et de penser à autre chose. Tant de souvenirs étaient liés à sa chambre. Opaline se rappelait de tellement de choses ; la pièce avait été le témoin muet de sa relation avec son jumeau : que ce soit des disputes pour un jouet ou une barre de céréales, des fous rire dus à des blagues enfantines, de la complicité lorsqu'ils planifiaient de convaincre leurs parents pour aller au cinéma, ou de la tristesse de l'un ou l'autre, consolée par le second et ses grimaces.

Les murs étaient bicolores, car Opaline et Nestor avaient eu un long débat sur le choix de la couleur et n'étaient jamais tombés d'accord. Leur père avait décidé de faire un compromis en partageant les murs en deux : un côté vert pour Opaline et l'autre beige pour Nestor. On aurait pu penser que cela serait rose et bleu, mais Opaline détestait le rose et Nestor n'aimait pas utiliser des couleurs dites « de garçon » pour rentrer dans les clous fixés par les autres. De même, les jumeaux avaient toujours joué ensemble aux poupées comme aux circuits de course et à la dînette comme au docteur. Jamais leurs parents ne leur avaient dit que c'était « trop fille » ou « trop garçon », l'essentiel était qu'ils s'amusent dans ce qu'ils faisaient.

Opaline se remémora l'histoire du stylo sur le mur. Un peu partout sur la peinture, on pouvait observer des traits au Bic en partie effacés. En fait, ils dataient d'une dispute des jumeaux : ils ne voulaient pas partager un feutre rouge et ils avaient donc décidé de s'approprier le plus de choses possibles. Au départ, ils prenaient des objets anodins comme une casserole de leur cuisine miniature ou un pantalon de Barbie, mais cela avait très vite dégénéré en « je m'approprie les murs, les meubles et les parents ». C'était lorsque Nestor avait déclaré que leur mère lui appartenait et qu'il allait l'écrire sur son bras que leurs parents avaient réagis. Ethéa avait découvert le bazar qu'ils avaient causé dans leur chambre et leurs prénoms griffonnés sur les lits, les placards et les murs.
Opaline se souviendrait toujours de la colère de sa mère : elle les avait forcés, pour les punir, à effacer tous les coups de crayon et de feutres qu'ils avaient faits sur le mobilier. Malheureusement, le feutre n'était pas bien parti du mur et il en restait des traces aujourd'hui encore. Si Opaline se concentrait, elle pouvait deviner la barre transversale du N de Nestor ou l'arc de cercle du P d'Opaline. À moins que ce soit le N d'Opaline et le R de Nestor.

En se souvenant de cela, elle regretta l'époque où tout était beau dans son petit monde. Son frère et elle s'entendaient parfaitement et partageaient toutes leurs pensées. Et puis le collège avait emporté leur fraternité dans une course à l'anonymat et l'amitié chez Opaline, pendant que Nestor travaillait pour réussir. Les jumeaux avaient toujours été en classe ensemble de la maternelle à la seconde. Le choix des filières avait permis à Opaline de s'affranchir de l'image de son frère et de faire sa vie à elle. Les profs ne l'associaient pas aux résultats excellents de son frère, ceux qu'elle n'avait pas, et ses camarades ne se moquaient pas d'elle à cause de Nestor. Avec du recul, elle réalisait que sa place dans cette histoire n'était pas si imparfaite, car Nestor vivait l'inverse : les profs critiquaient les notes de sa sœur et les autres le fuyaient comme la peste.

L'amour est un pissenlitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant