1. La soirée de réveillon d'Opaline

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1. La soirée de réveillon d'Opaline

— Bonne année !

Ces deux mots que l'on utilisait qu'une fois par an venaient d'être criés partout en France. Mais Opaline se contenta de regarder le sol. Elle en avait assez de cette soirée, même si elle était venue de son plein gré. Elle était même très motivée, à tel point qu'elle avait enfilé sa tenue de fête préférée et organisé ses cheveux pour une fois, plutôt que de les abandonner à leur état naturel. Pourtant, tout ne s'était pas déroulé comme elle le souhaitait : tout d'abord, elle avait dû trainer son frère avec elle, comme un boulet, un poids mort dont elle n'avait aucune envie de s'occuper.

Nestor et Opaline étaient différents sur de nombreux points bien qu'ils soient sortis le même jour du même endroit. Ils avaient beau être jumeaux, ils étaient aussi semblables que le jour et la nuit, la lune et le soleil ou encore les étoiles et les nuages : incomplets sans l'autre, indissociables, inaliénables et pourtant opposés. Et Opaline n'aimait pas être associée à l'image qu'il représentait. Heureusement pour elle, ils ne se ressemblaient pas vraiment, donc peu de personnes à cette soirée avaient fait le lien entre eux deux.

Ensuite, son petit-ami l'avait trompée avec une pouf avec de plus gros seins et du maquillage dégoulinant le long de son visage de truie. Elle sentait l'alcool à des kilomètres, un peu comme lui. Au final, Opaline relativisait à propos de cette rupture soudaine : ce n'était peut-être pas plus mal, elle ne s'était jamais vraiment sentie à l'aise dans ses bras. Dans aucun des bras de ses ex petits copains en réalité. Ils lui avaient tous reproché d'être distante et froide, comme si elle ne les aimait pas. Elle n'était à l'aise avec personne en général, seulement avec sa meilleure amie Alya et, elle ne l'avouerait probablement jamais, son frère.

Opaline continua de ruminer ses pensées déprimantes sur sa relation avec le reste du monde et les débats interminables que sa tête aimait avoir avec elle-même. Puis, elle eut une envie pressante qui la força à sortir de son état de végétation dans le canapé, s'évitant par la même occasion de s'incruster intégralement entre les coussins. Et puis, les couples s'allongeaient à moitié sur elle pour s'embrasser à pleine bouche et se peloter. Tout le monde avait l'air de s'amuser, Opaline croisa même sa meilleure amie dans un coin avec son petit-ami. Elle continua son chemin pour accéder aux toilettes. Elle réussit enfin à entrer dans la salle de bains et put vider sa vessie. Lorsqu'elle eut fini, elle entendit quelqu'un entrer dans la salle d'eau. Sa première réaction fut la surprise : elle était persuadée d'avoir fermé la porte à clé. Et puis, elle relativisa en se disant que l'alcool lui avait joué un tour. Enfin, elle paniqua : elle n'avait pas franchement envie de croiser un inconnu, probablement éméché, dans la salle de bains, surtout si c'était pour qu'il finisse en lui vomissant dessus après avoir raté les toilettes.

Elle tenta alors de sortir discrètement de la pièce, mais fut arrêtée dans son élan par des pleurs. L'intrus n'avait pas été jusqu'aux toilettes : il s'était arrêté contre la porte. Opaline hésita longuement sur ce qu'elle devait faire : elle ne se sentait pas d'humeur à consoler quelqu'un, en réalité, elle ne l'était jamais, mais elle savait que les personnes dans le mal aimaient avoir une oreille pour les écouter et une épaule pour les consoler. Elle décida de proposer son aide et elle espérait sincèrement qu'on l'enverrait chier, comme ça elle pourrait retrouver le canapé et passer la soirée à somnoler.

Elle s'approcha de la personne en pleurs en lui demandant si elle voulait parler.

— Non merci, lui répondit-elle.

— Est-ce que je peux sortir du coup ? demanda alors Opaline, contente d'avoir obtenu une réponse négative et pressée de pouvoir s'échapper.

Il n'y eut qu'un blanc pour réponse.

L'amour est un pissenlitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant