L'amour est un pissenlit

31. Des gestes discrets, l'amie et Nestor

31. Des gestes discrets, l'amie et Nestor

Depuis la présentation d'Urbain à son père et leurs petites aveux sur leur ressenti, Nestor et Urbain avaient trouvé des parades pour détendre l'autre discrètement pendant les longues journées de cours. Leurs sentiments étaient comme une bombe prête à exploser tandis que les petites astuces se chargeait de la désamorcer. Quelles étaient-elle ? Des échanges de stylo en cours d'histoire. Se passer la carafe d'eau à la cantine. Ou encore les genoux qui se croisent en avançant leurs chaises. Des petits contacts brefs et discrets dont ils se contentaient et les faisaient sourire béhatement pendant une dizaine de minutes.

Pendant qu'ils trouvaient des astuces, Aglaé jubilait à l'approche de leur voyage scolaire. C'était devenu son sujet de prédilection et ils en avaient droit à toutes les sauces. Ils déjeunaient à la cantine, elle leur parlait des smørrebrød qu'elle espérait goûter. Ils attendaient le bus, elle leur racontait ses aventures avec Nikita la première qu'elles avaient pris le bus pour aller au lycée. Au début, ça amusait Luce, Aline, Urbain et Nestor mais avec le temps ils s'y mettaient à tour de rôle pour calmer son enthousiasme un peu trop débordant et envahissant.

Il y eût aussi ce fameux devoir sur les half-time et étonnamment, Nestor s'en sortit plutôt bien. Il espérait que sa note le refléterait. Urbain l'avait aidé à comprendre cette notion vague et au passage Luce en avait un peu profité pour l'intégrer elle aussi. La jeune fille était presqu'aussi bavarde qu'Aglaé mais parlait beaucoup de sa famille et d'elle alors qu'Aglaé pouvait entamer une conversation sur un seul mot comme carroussel. Nestor pouvait en témoigner : l'une des premières fois qu'ils avaient discutés, elle était parti dans un débat sur le mot anniversaire et avait fini par lui raconter celui qu'elle avait le plus raté. Luce était plus posée mais gardait une part d'elle bien cachée bien qu'elle l'évoquait parfois. À vrai dire, Aline et Aglaé ne s'intéressait pas à cette facette de Luce et Nestor n'avait pas le courage de lui demander plus d'informations. Il savait seulement qu'elle écrivait dans son temps libre et qu'elle avait envoyé une nouvelle à un concours.

Nestor avait aussi remarqué qu'elle avait des jours avec et des jours sans. Parfois, elle n'adressait que quelques mots de politesse pour faire un effort mais ne parlait pas plus. Ce mutisme, il n'arrivait pas à l'expliquer alors un jour où elle était enfermée dans sa bulle de silence, il décida de lui tenir compagnie.

"Salut, lança-t-il.

-Salut, répondit Luce du bout des lèvres en regardant dans le vide.

-Je vois bien que ça ne va pas alors je vais rester ici et juste te dire que si tu veux parler, je suis là."

Il s'assit sur le banc à côté d'elle sans un mot et attendit.

"Je ne me sens pas à ma place, déclara-t-elle après un long blanc.

-C'est à dire ?

-C'est difficile à expliquer... En fait, j'ai l'impression que tout le monde me déteste. À commencer par Manu et Sana. J'essaie d'être sympa et d'avoir une conversation avec eux mais il soupire et elle lève les yeux au ciel. Je pense que j'ai une conversation intéressante mais je gâche toujours tout en quelques mots. Et c'est hyper gênant. Plus d'une fois, je les ai surpris à converser entre moi.

-Entre toi ?

-Avec moi au milieu mais faisant comme si je n'existais pas. Des chuchotements par-ci, des murmures par-là, accompagnés de mimiques montrant leur agacement à mes côtés. J'ai l'impression qu'ils ne me supportent plus alors ça fait mal.

-Mais tu as Aline, affirma Nestor.

-Oui, mais elles ne sont pas dans ma classe alors je m'éloigne d'Aline et de ses histoires de littéraire. Je ne savais pas si je tiendrais longtemps encore avant de briser notre amitié et puis, Aglaé est arrivée avec Urbain et toi. J'y ai vu de l'espoir mais mes paroles qui détruisent tout sont revenues et j'ai peur de vous perdre tous. C'est pour ça que je suis silencieuse. Si je dis un mot, j'ai l'impression que je vais tout casser.