Chapitre 2

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Tara se réveilla les joues chaudes, la peau brûlante et constata que les premières lueurs de l'aube étaient dangereuses. Elle tira le rideau pour se plonger dans l'obscurité alors que les rayons du soleil baignait sa nouvelle chambre. La nuit avait été difficile et très courte. Elle avait osé espérer que ces longues heures de vol allaient la fatiguer suffisamment pour tomber dans un profond sommeil. Mais hélas, toutes les heures Tara se souvenait avoir sursauté au moindre bruit. Ses lèvres étaient sèches et son corps endolori. Elle pouvait déjà entendre les filles de la clinique s'affairaient dans un sourd vacarme. Alors Tara enfila une nouvelle blouse, honteuse de ne rien avoir dans sa valise qui lui donne l'impression de ne plus être une simple patiente. Elle ne se souvenait plus la dernière fois qu'elle avait enfilé une robe ou un pantalon. Ses vêtements ne lui allaient plus. Ses cheveux manquaient de vitamine et s'allongeaient un peu plus chaque jour.

- Tara ? Le petit-déjeuner va être servi et j'aimerai que tu m'ouvres la porte.

L'inflexion dans la voix de la directrice trahissait son impatience de la voir ouvrir cette porte pour s'assurer qu'elle allait bien.

Tara déverrouilla la porte, constatant avec effroi que deux hommes se tenaient prêts à la défoncer.

- Je suis suffisamment lucide pour tenir un temps soit peu à ma vie.

Tina referma la porte derrière elle.

- Je le sais mais je m'inquiétais Tara.

Tara jeta sa blouse sale dans un sac de linge et ferma les yeux en lâchant un soupir tremblant.

- Je vais bien, affirma-t-elle en lui tournant le dos ; Du moins je fais de mon mieux pour aller bien.

- Nous allons certainement partir en ville ce matin et...

- Non merci, coupa-t-elle en sachant pertinemment de quoi il en retournait.

- Tara...

- Vous m'aviez promis de ne pas me brusquer, lui rappela-t-elle en faisant son lit ; Nous venons tout juste d'arriver et il me reste un mois entier pour prendre la décision de sortir.

Tina semblait désespérée par sa réponse et ne s'en cachait pas.

- Tara je te connais, commença-t-elle d'une voix prudente ; Aujourd'hui tu sembles ouverte à discuter mais demain...

Tara s'installa au bord du lit en regardant ses mains.

- Demain, rien ne sera différent que la journée d'hier ou celle d'aujourd'hui, murmura-t-elle faiblement.

Tina ne s'avouait pas vaincue et tira l'une des chaises pour l'approcher du lit.

- Je veux t'aider à aller mieux Tara mais si tu ne m'aide pas je...

La directrice ne termina pas sa phrase.

- Il y a d'autres filles qui attendent de l'aide, elles en ont plus besoin que moi, rétorqua-t-elle en relevant la tête.

Tina posa les armes et se leva.

- Viens déjeuner Tara.

L'ordre était concis. Tara s'exécuta alors et l'accompagna jusqu'à la salle principale. Richement décorée, la pièce se révélait absolument magnifique. Mais Tara n'était pas dupe quant à l'histoire de ce royaume reclus. Avant de partir, elle avait fait des recherches très précise sur l'histoire de Khazban. L'architecture était bien celle qu'elle avait vu en photo et si on en croyait les journalistes à l'origine des articles, Tara ne se trouvait pas dans une ancienne étable mais dans l'ancien harem du roi Murath Al Zahar. Savoir qu'il y avait eu des femmes dans cet endroit lui donna la nausée. D'autant plus que selon les récents dires, celui qui lui avait succédé était le roi le plus impitoyable de tout les temps. Autrement dit, Tara sentait au plus profond d'elle-même qu'elle avait fait une regrettable erreur.

Sa présence à table ne manqua pas de commentaires. Tara ne se souvenait plus la dernière fois qu'elle avait dénié faire acte de présence autour d'une table. Elle avait pris pour habitude de manger seule, à l'abri des regards. Aujourd'hui, elle allait devoir affronter une première difficulté et pas des moindres. Louise, la jeune anorexique qui perdurait dans ce centre depuis deux ans, faisait mine de manger sous le regard de Tina. Mais tout le monde savait que Louise passait plus de temps à duper le monde que d'essayer de guérir. En fait, elle se complétait dans sa maladie, désireuse d'être parfaite. A vingt-six ans, Louise se démarquait des autres patientes pour sa réputation de meneuse. Tara sentait sur elle son regard lourd et méprisant.

- Voyez-vous qui daigne nous faire acte de présence, déclara celle-ci avec une sourire en coin ; Tu es tombée du lit Tara ?

Le regard baissé sur son assiette, Tara s'efforçait tant bien que mal à dominer la peur qui la rongeait de l'intérieur.

- Je n'ai pas vraiment eu le choix, répondit-elle simplement avec un soupir bruyant.

Louise pouffa en regardant tour à tour ses amies.

- Pour être franche avec toi, quand je t'ai vu dans le bus, je n'en croyais pas mes yeux. Moi qui pensais que tu terminerais ta vie dans ta chambre clinique.

- Surprenant, n'est-ce pas ? S'enquit Tara sans relever la tête.

Louise ne répondit rien et se contenta de sourire à ses amies. Tara aurait voulu disparaître à jamais dans un abîme.

- Tu comptes garder ta blouse ? Chuchota Lindsay.

Tara porta la naissance de ses doigts sur sa tempe qui commençait à devenir douloureuse.

- Toutes les filles se moquent de toi Tara, la prévint-elle à voix basse.

- Cela m'importe peu Lindsay, murmura-t-elle en secouant sa jambe sous l'angoisse qui peu à peu l'empêchait de respirer.

- Je pourrais te prêter des vêtements si tu veux, proposa celle-ci en lui donnant un coup de coude.

Tara sursauta et s'écarta d'elle en se frottant les yeux.

- Non, je ne veux rien, je veux simplement être seule.

- J'espère que tu vas venir en ville avec nous ? Insista Lindsay sans prendre en compte ce qu'elle venait de dire.

Mais par prudence, Tara lui répondit d'un sourire désolé. Lindsay souffrait de troubles mentaux. Il suffisait d'un mot pour qu'elle change radicalement de comportement.

- Je ne pense pas non.

- Quel dommage.

Lindsay n'insista pas plus longtemps et reporta son attention sur les autres filles. Difficilement, Tara avala quelques fruits secs et se leva pour prendre congé lorsqu'un homme pénétra dans la salle pour échanger quelques mots avec Tina.

Celle-ci se pressa aussitôt et frappa dans ses mains pour exiger le silence.

- Mesdemoiselles, le roi ne va pas tarder à venir se présenter, j'exige de vous respect et politesse.

Tara recula lentement et disparut à travers les teintures. D'un coup d'œil furtif elle distingue une petite pièce étriquée dans laquelle était exposé des tableaux à faire froid dans le dos. Mais il lui était impossible de regagner sa chambre devant tous ses hommes. Surtout pas dans cette tenue. Alors elle se laissa tomber sur le petit banc en bois les genoux serrés, mains jointes, lèvres pincées.

Et quand les grandes portes s'ouvrirent en grand dans un son presque religieux, Tara remercia le ciel d'avoir trouvé refuge. Des hommes...encore des hommes. Il y en avait partout. Saisie d'angoisse Tara crispa sa main sur le tissu rêche de sa blouse, le regard porté sur l'armée qui se tenait autours des filles. Puis tous s'écartèrent pour laisser passer leur souverain. Tara retint sa respiration, fixant cette entrée à travers les voiles.

- Votre altesse.

Dissimulé derrière ces hommes, le roi fit enfin son apparition.

Dans un fauteuil roulant.

La promesse du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant