Prologue

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La nuit du grand départ était une nuit noire, sans lune. Un nuit d'encre qui allait aveugler les Hommes ;  tantôt les empêchant de voir ce qui arrivait comme une sombre nuée ardente, tantôt protégeant les yeux innocents d'un carnage qui marquerait la fin de l'ère sédentaire de la cité.

 L'empire était à bout de souffle. Après avoir longtemps guerroyé contre les seigneurs pour unir le continent , le jeune empereur Maximilien avait dû faire face à une nouvelle menace. Des bêtes monstrueuses avaient été aperçues par les premiers explorateurs en mer - En effet, la paix dominant enfin le continent, l'empereur avait mis en avant la recherche et l'exploration du monde maritime - Ainsi, les premiers bateaux adaptés à la haute mer avaient vu le jour avec la victoire de l'empire sur les royaumes se partageant le continent. Ils apportèrent ironiquement la cause  de la chute de ce dernier.

 A propos de monstruosités, on crut d'abord à des histoires racontées par les marins, mais la rumeur enflant, l'empereur alla lui-même constater l'existence de ces bêtes. Le vent de panique qui montait fut calmé par un discours de l'empereur à la population: les monstres ne sauraient être capable de nager jusqu'au continent. L'empereur décida toutefois, appuyé par ses conseillers, de faire un blocus autour de l'île aux monstruosités.

 Les bateaux du blocus ne revinrent cependant jamais et l'on constata l'apparition de monstres sur le continent. D'abord, il s'agit de cas isolés, mais rapidement, les bêtes vidèrent les forêts et montagnes de tout gibier. Elles s'attaquèrent alors au bétail et aux humains.  La situation empira encore. On fit d'abord état d'attaques isolées, puis des caravanes furent attaquées, puis des villages, puis des villes. Les battues organisées disparurent purement et simplement. Les monstruosités dévoraient tout; la moindre nourriture leur permettait de se multiplier, et rapidement  on passa de l'estimation de quelques individus à plus d'une centaine. Les bêtes se répandaient depuis le sud et les premières armées qui descendirent du Nord, envoyées en toute urgence par l'empereur ne firent pas le poids face aux meutes des monstruosités. Les suivantes partirent en déroute et la désertion de masse acheva de dissoudre les forces armées de l'empire.

 En deux mois, les quelques individus avaient produits plusieurs meutes concurrentes composées chacune de près d'une centaine d'individus. L'espèce était son propre prédateur, mais l'humain était une proie privilégiée, et la progression des monstruosités vers le nord était inarrêtable, provoquant un véritable exode vers les cités fortifiées du nord, siège de l'empire.

 C'est au bout de quatre mois que le savant Valeri Igniaccio dévoila un plan d'évacuation de l'humanité pour les dernières cités. La population restante était regroupée en quelques dizaines de villes autonomes. Des messagers circulèrent pour apporter les mystérieux plans. Le trafic d'information continua autant que possible pour organiser le futur jusqu'à ce que les messagers ne reviennent plus. Les cités, coupées les une des autres pressaient les travaux et toute la population dû mettre la main à la pâte. Dans la cité de  Blanche-Elliarum, les hommes et femmes les plus aptes surveillaient le mur tandis que la totalité du reste de la population réorganisait la cité. Toute la haute-ville fut transformée en une sorte de navire gigantesque qui devait, à défaut de fendre les flots, fendre les cieux. Le jour du grand départ arrivait mais les hordes se faisaient de plus en plus pressantes. Les murs les intimidaient mais viendrait l'heure où la faim insatiable des monstruosités l'emporterait. 

Le drame commença aux abords de deux heures du matin. La relève allait se faire lorsque, profitant de l'obscurité d'une nuit sans lune, les monstruosités mirent à profits leur capacité de nyctalopie et lancèrent une attaque silencieuse dans un noir total. Les gardes du murs tombaient de sommeil; aussi furent-ils massacrés sans pouvoir même donner l'alarme. La relève fut elle même prise au dépourvu, mais cette fois, un cor sonna. En panique, la population fut réveillée et courut se réfugier dans la ville haute.

 Thibault était épuisé; il avait passé les trois dernières semaines à déplacer des pierres qui faisaient son poids. Il avait alors douze ans.  Sa mère, de bonne constitution faisait partie de la garde de jour. Son père avait disparu en mer avec les navires du blocus. Les membres de Thibault étés noirs et meurtris, mais sa mère le poussa jusqu'à la ville haute avant de se retourner. "Maman!  appela l'enfant,viens!" Mais sa mère, pointant les défenseurs du doigt lui répondit: "Du temps; il reste beaucoup d'enfants, je dois vous offrir du temps. Elle dégaina son épée et partit vers le mur en courant. La dernière vision que Thibault eu de sa mère fut la seule où il la vit pleurer...









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