Thibault se réveilla en sursaut. Encore ! Depuis l'accident d'Aelis, ses rêves se mélangeaient et il la voyait, elle et sa mère défigurées, chutant du haut de la cité vers une horde de monstres sans visages. Il s'apprêtait à retrouver Timon sur sa muraille quand il se rappela qu'il était apprenti voilier et qu'il était désormais trop loin pour ses visites pré-matinales à son ami. Il songea alors que le vieil homme devait maintenant se sentir bien seul et se jura de passer le voir des que possible. Une fois l'équipe levée, Mikaal leur maître les invita à le suivre le long des échafaudages. Ces derniers jours ils avaient appris un ensemble de règles strictes à suivre afin d'éviter les accidents car toute chute depuis l'étage des voiliers était mortelle.
Ce jour-ci, le groupe allait effectuer un parcours dans lequel ils croiseraient tout type de voiliers et qui passerait par de nombreux passages difficiles autour du ballon. Ainsi, ils feraient le tour des types de comportement à adopter. Mikaal en tête, le groupe s'élança pour faire le tour du ballon. Les passages les plus dangereux étaient balisés par des marques rouges et à ces zones, ils fallait être au moins deux pour pouvoir s'assurer correctement. Sans cesse, on devait fixer, dé-fixer des anneaux de cuivre à la ligne de vie; de sorte à toujours avoir un des deux filins accroché à cette ligne. Cela rendait la progression lente et laborieuse, mais Mikaal certifia à ses élèves qu'avec l'habitude, on avançait bien plus vite, et ces manœuvres devenaient des réflexes. Chez les voiliers, plus qu'ailleurs, les novices devaient être ménagés. Les erreurs arrivant plus vite avec la fatigue, on évitait de favoriser les erreurs mortelles.
Finalement, le groupe arriva au niveau de voiles majeures sur les flancs de l'énorme ballon. Ils virent en action une équipe de voiliers confirmés actionner l'une d'elles, actionnant poulies et engrenages. Au bout de quelques minutes, une voile auxiliaire fut repliée puis rapidement démontée.
"Elle est dans un sale état, commenta Mikaal dans une grimace. Le passage au travers d'un nuage de la semaine dernière ne lui a pas fait du bien. On va la remplacer et la réparer en atelier."
Les voiles majeures, elles, devaient être réparées sur place; trop indispensable pour être repliées sans menacer l'équilibre du ballon. Après le passage des voiles, le groupe s'arrêta sur une équipe de voiliers qui versait de la cire fondue sur une partie endommagée du ballon. La cire permettait de renforcer le ballon et de conserver sa forme. Elle le rendait beaucoup moins perméable à l'air en plus de le rigidifier. Il fallait à tout prix éviter une fuite d'air, les gaz seraient irrécupérables. La moindre déchirure pouvait se propager et être fatale.
Le tour du ballon poursuivit et s'étala sur deux jours. A la fin du deuxième, ils arrivèrent à leur point de départ, la plateforme des voiliers où ils logeaient. Ils allaient désormais suivre les cours dispensés par Mikaal et prendre part à des interventions d'équipe visant à réparer, démonter, fabriquer implanter ou manœuvrer des systèmes de vol. Si Thibault avait le cœur serré chaque soir en pensant à Aelis, il passait tout de même des journées merveilleuses et se sentait parfaitement intégré au sein des voiliers, dont il partageait les passions.
Aelis se réveilla en sursaut. Sa gorge était desséchée. Son corps entier était douloureux et son visage la brûlait d'une façon insupportable. Elle voulut se redresser, mais elle ne pouvait pas bouger; elle voulut appeler, mais sa voix lui fit défaut. Son cœur accéléra et sa respiration suivit. Elle paniquait. Pour la première fois de sa vie depuis le grand départ, la situation lui échappait et elle se sentait impuissante. Elle finit néanmoins par parvenir à se calmer et tenta de se remémorer ce qui avait pu lui arriver. Elle revoyait un ciel étoilé, une lumière vive; aussi vive que la douleur qui avait suivi. Ensuite, tout était chaotique; nausées, cris, douleur...
Alors qu'elle tentait de remonter plus tôt dans ses souvenirs, un homme en robe grise entra, une chandelle à la main, dans la pièce jusque là dans le noir.
"Tu es réveillée, remarqua-t-il. Je ne sais si je dois m'apitoyer sur ton sort ou sévir. Tu as enfreint au moins trois règles majeures et agit complètement inconsciemment et cependant, tu a survécu à une terrible explosion et tu en souffriras toute ta vie. En plus de cela, tu ne leur a pas laissé le choix.... Tu es renvoyée des artilleurs."
Renvoyée? non! Elle ne pouvait pas! Les renvoyés, peu importe d'où ils venaient, étaient automatiquement et irrémédiablement intégrés à...
"La garde va s'occuper de toi maintenant."
La nouvelle sonna comme le glas dans le crâne douloureux de la jeune fille. Elle s'agita du mieux qu'elle put et voulut protester, mais elle était sans force et sa gorge meurtrie ne put émettre qu'un gémissement pitoyable. Elle sombra de nouveau dans un silence sombre, mais qui cette fois fut apaisant.
A son réveil, elle se sentait mieux. Elle ne saurait dire combien de temps elle avait dormi et sa gorge était sèche, mais seule une partie de son visage était encore douloureux, le reste de son corps était engourdi. En ouvrant les yeux, elle découvrit une salle grise très sobre et très propre. Haru était là. Adossé au mur, un bol à la main. Il avait l'ai perdu dans ses pensées mais les mouvements d'Aelis bien que discrets avaient attirée son attention.
"Tiens", dit-il avec douceur en lui tendant le bol. A ce moment-ci, Aelis remarqua que le flanc de son ami était bandé et que sa tête portait plusieurs cicatrices qu'il n'avait pas avant. Remarquant son regard, Haru répondit simplement:
"Un simple accident d'exercice, ce n'est rien."
Audrey osa alors demander si elle allait intégrer la garde. Haru acquiesça, visiblement partagé entre la joie de voir son amie saine et sauve le rejoindre et la peine provoquée par la déception de cette dernière. Elle demanda alors à quel point l'explosion l'avait défigurée. Elle avait toujours pris soin de son corps et tout particulièrement de ses cheveux; elle s'inquiétait des douleurs persistantes sur son visage et tout son crâne. Haru qui hésitait à répondre lui présenta un petit miroir qu'elle saisit avidement.
L'infortunée poussa alors un cris. Comment pouvait-elle ressembler à... ça!? Il était donc si cher le prix de cette leçon? Voilà donc ce qu'elle était devenue?
Sa belle chevelure n'existait plus, sa belle peau lisse couleur pêche s'étirait désormais en hideuses cloques boursouflées. L'ensemble de son corps auparavant si harmonieux ressemblait maintenant à celui d'une sorcière en putréfaction. Elle eut un haut-le-cœur, dégoûtée par sa propre image. Elle serra poings et dents et sentit alors une main se poser sur son épaule.
"Je t'attends dehors" dit simplement Haru. Puis il sortit. Aelis se jeta alors sur le matelas, criant, pleurant, vociférant. Elle laissa éclater toute sa rancœur sur le malheureux matelas qui subit sont courroux. C'est d'une pièce calme et parsemée de la dépouille du dit matelas que sortit la blessée.
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Cytad'ailes
FantasyL'humanité a toujours su s'adapter; à chaque marche de l'évolution, chaque pallier à franchir. Serait-elle cette fois acculée pour de bon? Les derniers progrès datent d'il y a à peine trois ans. Grâce à l'Empire, tout juste imposé par Maximilien, u...