Cela faisait maintenant plusieurs mois que Khalli apprenait des lois physiques, des propriétés, l'organisation de la ville et la géographie du continent. Elle apprenait surtout à "penser à tout", à voir l'ensemble de la cité et des paramètres à prendre en compte pour chaque décision qu'elle pourrait avoir à prendre plus tard.
La situation de la cité volante était bien plus précaire qu'elle n'avait pu le penser avant d'intégrer les navigateurs et le calme de la cité n'était dû qu'au bluff spectaculaire de l'équipe de commandement. La cité volait, mais de nombreuses fois, un incident ou un imprévu avait bien failli précipiter l'édifice dans l'océan. Il devenait pressant de trouver un lieu où se poser.
En effet, malgré le brillant travail des voiliers, inexorablement, le ballon perdait du gaz. Progressivement, à chaque entaille dans son revêtement de cire, un peu de gaz s'échappait le temps que l'on repère le trou et que les réparations soient effectuées. On avait envisagé un amerrissage, mais les champignons, principale source de nourriture de la cité, s'étaient avérés intolérant à la présence de sel, et exposer ainsi la cale de la cité à de l'eau salée revenait à condamner toute la population à une douloureuse famine.
Il fallait retrouver une terre, et si celle-ci s'avérait être le continent, alors il faudrait poser la cité et la défendre le temps de s'approvisionner en gaz et de faire des réparations.
Khalli apprit que si la cité volante avait perdu le continent de vue, ce n'était pas par accident comme elle l'avait souvent entendu, mais tout simplement pour chercher une autre terre où poser la citadelle. C'est donc dans une ambiance lourde de responsabilités que la jeune navigatrice apprit à jouer son rôle. Pour elle, les choses allaient commencer à se corser...
Pour Thibault aussi. Un jour, c'est toute une voile majeure qui faillit se décrocher et entraîner la cité dans une chute fatale.
Thibault faisait partie d'une équipe de contrôle ce jour-là. Le vent venait de bâbord et les bourrasques devenaient de plus en plus violentes. Il était treize heure, mais le soleil ne parvenait pas à réchauffer Thibault. Il mangeait en tentant de conserver sa chaleur, trempé.
La pluie montante était un phénomène dû à l'obstacle que représentait la cité pour le vent. La résistance provoquait de forts tourbillons qui catapultaient les gouttes de pluie vers le haut.
Lorsque l'information fut envoyée aux navigateurs, ceux-ci décidèrent de s'orienter face au vent pour réduire la résistance et protéger les ailes autant que possible. La cité était profilée de sorte à ce que les vents de face soient fendus par la proue et forment des tourbillons qui portaient la cité sans trop forcer sur les voiles.
Thibault sentit la voile sur laquelle il était assis commencer la manœuvre. Il se leva pour aller se placer dans un coin moins mobile et soudain, il se figea. Son arrêt net était dû à un bruit tout à fait inhabituel.
Les voiliers apprenaient très tôt à reconnaître les divers sons de leur environnement, les craquement caractéristiques du bois ne sont pas inquiétant, ils témoingnent simplement que le bois travaille. En revanche, le bruit que fait une voile majeur lorsqu'elle commence à se fendre n'a rien à voir, on sait en l'entendant que quelquechose ne va pas du simple fait que l'on ne peut pas le reproduire lors des exercices.
Un frisson parcouru le dos du jeune voilier qui héla son collègue le plus proche. Ce dernier avait lui aussi entendu le bruit, malgré le tumulte provoqué par le vent.
"Elle va craquer !" Hurla Thibault pour couvrir le sifflement des bourrasques. Le voilier acquiesça gravement et tout deux bondirent sur le flanc de l'armature et enroulèrent le plus de cordages possible à de gros anneaux de bronze accrochés sur le flanc du ballon. Des cris retentirent et ses équipiers les imitèrent rapidement avant qu'un ultime craquement ne retentisse.
Sous les yeux effarés de Thibault, l'aile se décrocha, entraînant trois voiliers avec elle. Trois secondes semblèrent une éternité. Le temps s'arrêta. Un choc terrible secoua le pont de bois. Thibault chût, déséquilibré, avant que son filin de survie ne se tendent, le retenant à plusieurs centaines de mètres des pavés de la cité. Il resta ainsi une bonne minute, ballotté au gré du vent, suspendu par un fil au-dessus du vide. Les yeux écarquillés, il appela en entendant des voix se rapprocher. On le remonta.
Grâce à leurs réflexes, l'équipe de Thibault avait sauvé la voile et par là aussi la vie de trois de leurs compagnons, ainsi que bon nombre de victimes potentielles de la chute de la voile sur la cité. Les trois voiliers qui n'avaient pas eu le temps de rejoindre le pont de bois avaient eu l'heureux réflexes de s'accrocher à la voile. Deux d'entre eux cependant avaient mal encaissé le choc et pendaient, visiblement inconscients. Ils étaient en vie. Soulagé, Thibault poussa un grand soupir avant de se laisser raccompagné dans les baraquement des voiliers. Des vétérans allaient se charger de réparer les dégâts et de remplacer la voile au plus vite.
De leur côté, les navigateurs aux commandes n'avaient rien perdu de vue et avaient replié la voile symétrique de l'autre côté du ballon. Ils conservaient ainsi l'équilibre de la citadelle, mais sans ces voiles, la cité ne pouvait maintenir son altitude. Elle descendait lentement, passant désormais au travers d'un nuage. Heureusement, il ne s'agissait là que d'un nuage de pluie aux courants aérien modérés. Certains nuage, orageux auraient pu être redoutable à la cité et provoquer de nombreuses victimes, voire la chute de la cité.
La population avait déjà été confrontée à la traversée de nuages, qu'il s'agissent d'exercices, ou de nuages de haute altitude inévitable, aussi personne n'ayant aperçu la chute de la voile, l'événement passa inaperçu. Personne ne se doutait que la cité tombait désormais vers la mer, s'alourdissant à son passage dans le nuage.
Nitram venait de rentrer ses bêtes. La pluie tambourinait à sa fenêtre. Une pluie descendante. Cela faisait un moment que la citadelle n'avait pas traversé un nuage, mais Nitram était confiant. Le commandement des navigateurs savait ce qu'il faisait. Ils étaient compétents et intelligents. Khalli serait sans doute l'une des plus brillants d'entre eux. Cependant, il avait la désagréable impression de tomber, alors que ses pieds touchaient bien le sol de la cité...
VOUS LISEZ
Cytad'ailes
FantasyL'humanité a toujours su s'adapter; à chaque marche de l'évolution, chaque pallier à franchir. Serait-elle cette fois acculée pour de bon? Les derniers progrès datent d'il y a à peine trois ans. Grâce à l'Empire, tout juste imposé par Maximilien, u...