Chapitre 11 : Le fardeau de Timon

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Thibault se réveilla en sursaut. Cela faisait deux ans qu'il était apprenti voilier; deux ans qu'il n'avait pas fait de cauchemars. Il se leva et alla s'accouder à la barrière, au dessus de la cité. Il préférait ce paysage à tout ce qu'il avait pu voir. Même à celui qu'il avait eu l'occasion d'observer auparavant, aux côtés de Timon. En plus du vaste ciel et des étendues immenses d'eau, il voyait de là haut l'espoir et la fierté de l'humanité; une citadelle ailée. La "Citad'ailes" avait-il un jour écrit. 

Malheureusement, cette fierté était en péril depuis un temps déjà. On redoutait une série d'accident en chaîne au niveau des voiles, car suite à l'accident de la voile majeure deux ans plus tôt, on avait pu constater une fragilisation générale de toutes les voilures causée par l'effort supplémentaire qu'elles avaient toutes due fournir pour pallier à l'absence des deux grandes voiles momentanément.  Il fallait rénover, mais le temps et la matière présente manquaient. Inévitablement, il fallait se poser, où la cité finirait par chuter d'elle-même. 

En regardant le mur, Thibault pensa que le vieux Timon devait se sentir bien seul désormais. Nitram lui avait promis de rendre visite au vieux garde, mais le jeune voilier se doutait que ce n'était pas pareil. Dans le creux de l'aurore, Thibault se fit alors la promesse de tous aller les revoir avant que la cité ne soit forcée à atterrir; Khalli, Haru, Bren, Timon et Nitram.

Dés le lever du jour, il s'empressa d'aller voir Mikaal pour lui demander quand serait sa prochaine permission. Il l'obtint deux jour plus tard et put descendre dans la cité. Tout d'abord, il alla voir Khalli qui était déjà au courant de l'état de la cité en tant que navigatrice. Son amie l'accueillit avec le luxe dont on pouvait s'attendre de la part d'un navigateur. personnage important de la citadelle. Sans avoir à expliciter sa pensée, Thibault compris qu'elle savait pourquoi il venait. 

Elle aussi y avait pensé, comme l'indiquait son regard. Le temps de vérité approchait et tout comme Thibault, Khalli voulait revoir ses amis avant que leurs vies à tous ne soient menacées. Après que Khalli ait elle aussi obtenue une permission de quelques jours, les deux amis partirent retrouver le reste de la bande. Ceux-ci ne purent se libérer aussi facilement qu'eux, mais finalement, ils purent fixer une date de rendez-vous. Ils se retrouvèrent chez Nitram qui avait spontanément proposé de les héberger. 

La veille du rendez-vous, au soir, Thibault alla retrouver Timon à son poste habituel sur le mur. S'approchant de la silhouette du garde, Thibault se rendit compte qu'il ne s'agissait pas de son vieil ami. 

"Qui va là ? apostropha la sentinelle 

-C'est Thibault, je suis voilier, je venait voir Timon, Il était à ce poste avant... répondit le voilier une vague d'inquiètude dans la voix. 

- Il n'est plus en faction, tu le trouveras chez lui", répondit le garde.

Thibault le remercia prestement et se rendit hâtivement à la maison de Timon. Comme il s'y attendait, il remarqua en arrivant que la maison était toujours éclairée, le vieux garde n'avait pas reprit le rythme de la vie diurne. Thibault toqua et entra. Le veilleur était là, assis sur un tabouret, emmitouflé dans une écharpe et ses vêtements de garde. Un triste sourire s'afficha sur ses lèvres quand il reconnut le garçon.

"Il fallait prévenir, je t'aurais préparé quelque chose, les occasions sont si rares ces temps-ci.

- Qu'est ce que tu as Timon, qu'est ce qui ne va pas ?

- Tu sais, je n'avais plus l'âge de veiller dans le froid, j'ai pris un coup de froid, et j'ai eu du mal à m'en remettre. Ils ont pensé que je devais prendre ma retraite. 

- Mais ça fait combien de temps ? Nitram m'avait promis de te rendre visite et..

- Oh il l'a fait, ça fait une semaine à peine... Nitram a bien fait ce que tu lui a demandé.  Ils m'ont déclaré inapte au service. Les longues nuit dans le froid ont fini par avoir raison de ma carcasse, je ne suis plus bon à rien. De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais déjà été utile..

- Ne dis pas ça Timon, moi j'ai besoin de toi."

Une larme coula de l'œil de Timon, 

"Si, je le suis bel et bien, un bon à rien. Tu ne t'es jamais demandé pourquoi je n'étais pas mort?

- Mais ?! Ne dis pas n'importe quoi !

- Je te parle de la nuit du grand départ, en tant que garde et ainé, j'aurais dû aller me battre, comme l'a fait ta mère, pour permettre de sauver plus de jeune ! 

- Mais je...

- Laisse moi parler ! Coupa Timon d'un ton soudainement brusque. Ce soir là j'étais de faction dans le mur intérieur, j'aurais du accourir en renfort, avec tous les autres qui se sont sacrifiés, mais je m'étais endormi ! Pendant que ta mère offrait sa vie à la cité, moi, je m'étais permis de m'abandonner au sommeil, quel incapable j'ai fait ! Depuis, je ne peux plus dormir la nuit, et veiller tous les soirs me sert de repentir, mais je sais que ce ne sera jamais suffisant !  J'aurais dû aller mourir à la place de ta mère, Thibault, mais j'ai failli à la seule mission que l'on m'avait confier ! Depuis, je monte la garde la nuit sans plus fermer l'œil, et quand le jour arrive, en fermant mes paupières j'entends les cris de tous les malheureux que nous avons laissé au sol, en partie par ma faute ! Désormais, je ne peux même plus faire cela, je n'ai plus qu'à mourir.

- Ne dis pas tant d'horreurs ! 

- C'est la vérité Thibault, je suis coupable de paresse ! La meilleure chose que je puisse faire maintenant, c'est disparaître en laissant place nette!"

Thibault recula, titubant presque sous le choc de la révélation de Timon. Il ne sut que répondre et après un instant d'éternité, il sortit en courant.  De son côté, Timon s'affaissa dans son fauteuil. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il s'était levé. Il fixa son tabouret d'un air pitoyable, comme s'il en attendait une réponse.

Cytad'ailesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant