Chapitre 19 : L'étoffe des héros

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Depuis plus d'une heure, Anna avançait en solitaire dans la forêt. Les bruits de combats à l'avant s'étaient calmés, mais elle ne savait pas si c'était un bon signe ou non. Aux aguets, elle n'en fulminait pas moins. Comme le volcan que ses pieds foulaient, elle se sentait capable d'éructer des siècles durant, voire des millénaires. Le sentiment qui l'animait lui fit penser à d'anciennes légendes.

Petite, on lui avait conté les récits de Druss La Légende, un homme aussi bon que robuste, taillé comme un taureau, et dont les aspirations n'avaient jamais été que de vivre en paix avec son épouse. Malheureusement, il connu la guerre, et s'engagea pour protéger son aimée. Au champ de bataille, il se révéla être un vrai monstre. Incontrôlable, il tint tête à une légion entière sur une passe, terrassant de sa terrible hache quiconque s'approchait de lui. Il avait été dit-on victime d'une malédiction berserk. Une colère inexpugnable s'emparait de lui et le consumait de l'intérieur, sans aucune limite.

Plus tard, on avait appris que cette colère s'était déclenchée au moment même où sa femme mourrait en couche.

"J'ai vu ma mère mourir, et même si cela signifie une douleur permanente et un aller direct vers la folie, si cela peut m'aider à anéantir ces monstres, moi aussi je veux être berserk!"

Comme une réponse, Anna entendit un grognement. Ce mélange de tant de cris d'animaux qu'elle avait pu connaître avant la fit se dresser d'horreur. Elle vit alors la bête. Véritable chimère qui semblait avoir volé aux autres prédateurs tous les atouts pour traquer, poursuivre et tuer. L'artilleuse fit face. L'arquebuse légère serrée dans ses mains semblait ne plus rien peser. Un mélange de terreur, d'excitation de de rage battait dans ses veines et ses pupilles se dilatèrent. Et soudain... c'est comme si le temps s'était arrêté. Anna sentit son corps plus lourd et plus lent, mais tout autour d'elle tournait au ralenti. Armant son fusil avec un effort qui lui sembla bien trop important pour ce simple geste, elle constata que le monstre ne s'était que peu rapproché. Avec des mouvements qu'elle avait l'impression de faire dans l'eau, elle arma le chien et tira un premier coup.

Elle comprit que tout cela n'était pas une simple impression lorsqu'elle discerna la balle sortir du fusil et pénétrer la chair de l'animal dans une gerbe de sang, au ralenti. La bête arrivait malgré le coup, mais ses bonds semblaient ralentis; suspendu dans une autre réalité temporelle. Anna arma un nouveau tir et eu juste le temps de tirer avant que la bête ne lui saute dessus.

Grâce à son état, elle parvint à esquiver, mais ce encore une fois, au prix d'un effort supérieur à ce à quoi elle s'attendait. L'arquebuse inutile, Anna sortit sa baïonnette pour s'acharner sur le monstre. Celui-ci, bien que puissant et rapide, sembla décontenancé en recevant coup sur coup et ce, sans parvenir à atteindre sa proie.

"TU ES MA PROIE" hurla alors Anna en portant le coup final à la tête de l'animal. La baïonnette transperça de part  en part le crâne de l'animal avec un bruit sinistre qui fit frissonner Anna.

"Je m'y accommoderais, c'est un bien maigre fardeau pour qui a l'occasion de tuer ces bêtes."

Ayant pris soin de s'assurer que la bête était bien morte, Anna sentit l'adrénaline retomber et ses jambes commencèrent à trembler sous elle. Elle compris alors que la faculté qu'elle venait de réveiller en elle n'était pas sans prix. Elle rentra donc au rempart, non sans avoir prélevé en trophée du cadavre, la tête de l'animal.

En arrivant, le premier contact qu'elle eut avec son officier fut entre le poing du dit officier, et son estomac. C'était un homme grand et sec. Sans plus aucun cheveux sur la tête, il avait un visage anguleux et d'épais sourcils blancs.

"Qu'est-ce que c'est que ce bordel soldat Tchebitchev !? Depuis quand vous permettez vous d'abandonner votre poste alors que la survie de toute la cité en dépend! Croyez moi, en d'autres circonstances, je vous aurais exécutée moi-même! Mais l'heure est trop grave pour nous permettre de nous priver d'un seul de nos hommes, quand bien même ce serait une femme! Et d'abord, qu'est-ce que vous nous ramenez, hein?!"

Tout d'abord dubitatif, puis peinant à cacher son admiration, l'officier de ligne fit de son mieux pour garder sa contenance.

"Si ce que vous dites est vrai, cela ne change en rien votre abandon de poste! Ceci dit, je ne peux ignorer un soldat qui a fait plus que son simple devoir. Vous n'êtes pas faites pour faire parti du rang, suivez-moi, il faut que je vous présente quelqu'un!"

Sous les applaudissement de sa brigade, Anna suivit, encore chancelante, son officier de ligne, réagissant aux "bravos" et aux sifflements en brandissant la tête de la bête qu'elle avait vaincu.




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