Chap. 7 Froideur apparente

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Aomine se déteste : il ne sait exprimer ce qu'il ressent, il hurle et insulte... et blesse. Bonne lecture !
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Chap. 7 Froideur apparente

[Aomine]
"Putain tu me les brises ! Arrête de me soûler ! Je t'ai dit que je voulais pas jouer ! Demande à Kise !
-Daiki...
-Arrête avec mon nom ! Je sais comment je m'appelle ! Tu fais chier !
-Calme-toi... Si tu veux pas jouer, c'est pas grave... Je... C'est pas grave..."
Il soupira et s'approcha de moi, un peu apeuré. J'entourai sa taille d'une main douce et amicale.
"Viens, on va au terrain. Mais je jouerai pas.
-Ça me soûle, gémit le numéro neuf. Je progresse, mais il suffit que je te regarde pour comprendre que je suis pas à ton niveau... Ça m'énerve... On a toujours été pareil, et là..."
Le jeune adolescent, livide, semblait penser m'avoir trahi.
"Je veux que tu joues.
-Casse pas les couilles... grognai-je, menaçant.
-Daiki, il faut que tu joues.
-Putain mais ferme ta gueule !"
Je m'énervais trop vite. Et il restait à mes côtés.
"Casse-toi, Taiga, j'ai pas envie de te parler..."
Je baissai les yeux sur ma main qui l'enveloppait toujours ; je le lâchai. Mais ce fut lui qui me retint, en entourant mon cou d'un bras puissant.
"On se fait une bouffe et un film chez moi ?"
Je finis par accepter et le suivis calmement.
Mais je ne restai pas longtemps ; j'élevai la voix, il tenta de me calmer mais finit par se laisser emporter. Je préférai quitter le lieu pour ne pas avoir à recommencer une engueulade.

"Pourquoi t'es toujours là ?
-Parce que je suis ton pote.
-Taiga... Pourquoi t'es toujours là ? répétai-je plus sérieusement.
-Je viens de te le dire. J'abandonne pas les gens. Et surtout pas toi.
-Tu devrais partir, je te retarde.
-T'es con..."
Mais moi, moi je ne pouvais plus jouer sans lui. Je ne pouvais plus rien faire... à part m'adonner à de tristes plaisirs.
Mes yeux tombèrent sur lui. Cet homme qui me donnait tout. J'avais l'impression qu'il s'abandonnait à moi, qu'il m'offrait le calme qu'il devrait avoir... Mais je ne culpabilisais pas. J'étais trop mal pour cela.
"Je sais que tu crois même plus que tu me battras."
Les iris du jeune garçon s'emplirent de larmes.
"Tu me connais trop c'est ça ?!"
Il froissa ma chemise et enfouit son visage contre mon épaule.
"Ça se voit que tout est perdu ? Mais j'essaierai toujours, même si j'y crois plus... Au fond, je sais que je peux, pas vrai ? On a toujours eu le même niveau... gémit le rouge en mouillant le tissu bleu. Je peux pas te laisser partir... Je veux que tout redevienne comme avant.
-Ça sert à rien de penser à ça. Je suis le meilleur maintenant, y a rien à ajouter.
-Mais je suis là..."
Il se redressa brusquement et sécha ses larmes ; la tête haute, il fixait l'horizon.
"C'est moi le meilleur," sourit l'américain.
Je ne comprenais pas...
"Tu verras."

Il s'écartait de moi... Toujours, je le voyais avec le blond ou avec mon ancienne ombre ; il riait. Avec moi, il ne riait plus.
Murasakibara avait, comme moi, décidé d'arrêter de s'entraîner. L'équipe n'était qu'une loque qu'une ombre tentait de garder en vie. Ridicule. C'était voué à l'échec bien sûr, mais personne ne semblait l'avouer. Moi je le clamais.
Il m'arrivait - bien que rarement - de retourner au gymnase, d'observer distraitement mes coéquipiers. Et je voyais bien que Teiko n'était plus.
Midorima tirait sans relâche et demandait le silence ; Akashi donnait des ordres en tirant quelques paniers pour la forme ; Tetsu... je ne sais pas ; Kise et Kagami jouaient brutalement. Le mannequin semblait se croire supérieur, perdait toujours pourtant, et l'américain se concentrait vraiment, progressait. C'était le seul.
Il ne cherchait pas à redonner vie à l'équipe, il voulait juste progresser. Ses iris déterminés brûlaient sa passion ; mais une lueur froide, au fond, témoignait d'une flamme éteinte : celle de la rivalité. Ou peut-être celle de la combativité. Il avait abandonné. Je le savais. Kagami avait fini par admettre que j'étais le meilleur et qu'il ne me battrait jamais.
Il souffrait. Cependant je l'enviais : pouvoir toujours tenir une balle entre ses doigts sans sentir que quoi que l'on fasse, elle ira dans le panier adverse, il avait toujours cette sensation, non ?
Et puis, savait-il ce qu'était la zone, ce lieu où j'avais sombré une fois, seul sur un terrain abandonné, les yeux clos, en rêvant de lui en plus fort ? Je n'en avais pas parlé. Peut-être pour ne pas leur montrer que j'étais le meilleur, une fois de plus. Je n'avais pas besoin de le prouver ; ils le savaient. Seul Akashi ne semblait pas vouloir y croire, mais je me foutais de ce qu'il pensait ; vraiment.
Je m'ennuyais, je bâillais, mais je ne bougeais pas ; mes yeux désintéressés suivaient le rouge. Ses mouvements s'assuraient. Plus forts. Bruts. Fous. C'était beau, je devais bien l'avouer.
Cet homme était idiot de m'aider. Il n'y gagnait rien. Et il y perdait beaucoup. Mais il s'accrochait. Je ne l'en dissuaderais pas ; après tout, sans lui, qui serais-je encore ? Je me devais d'avouer qu'il me maintenait en vie... Taiga... Le voir me donnait presque envie de jouer...
Mes yeux se perdirent sur lui. Je connaissais chacun de ses gestes, parfaitement, chaque parcelle de son corps aussi. J'avais l'habitude de le contempler, particulièrement lors de ses dunks ; j'aimais la courbure parfaite de ses doigts, la cassure violente et soudaine de son poignet... Des gestes qui lui étaient propres. On pourrait penser que son jeu était purement académique, mais il se l'était adapté, le rendant presque parfait. Petit, son jeu m'aurait fasciné. Aujourd'hui c'était l'homme qui me fascinait. Sa résistance...
"Daiki, tu viens jouer ?
-Taiga... à quoi ça te sert de demander ?"
Il sourit et s'assit à côté de moi. Je lui tendis une gourde et déposai une serviette sur sa tête.
"Je sais pas..."
Il posa une main humide autour de mon cou.
"Dommage..."
Je déposai ma joue sur une de ses épaules et fermai les yeux.
"T'es fou, Bakagami...
-Mm, je sais..."
Un bras lui entoura la taille et le resserra encore contre moi. C'était ma manière de le remercier.
Je finis par m'écarter en me laissant tomber sur l'estrade. Une main frôla mon bras ; et l'adolescent se redressa en souriant. Il me tendit son poing.
"Tu m'aimes encore ?
-Taiga..."
Je tapai dans sa main avec une certaine dureté qui mordit ses doigts de froidure. Une lueur de tristesse parcourut ses volcans cendrés.
"On joue samedi. Viens au match, s'il te plaît.
-Mm, si tu veux... 113/23, ça te va ?"
Il haussa un sourcil.
"Je parle des scores, ris-je.
-Si tu veux. Je dis ça à Kise."

Un sourire moqueur se peignit sur mes lèvres. Le buzzer retentit et la balle entra dans l'arceau. 113 contre 23, parfait. Mais cela ne témoignait qu'un peu plus de notre supériorité.
Dans les vestiaires, je n'écoutais pas les recommandations de l'entraîneur et commençai à me déshabiller. Je pénétrai dans une cabine de douche individuelle et retirai mon dernier vêtement. L'eau froide heurta ma peau, se mêla à ma peine. Et s'échauffa. Peu après, j'entendis les douches collectives se déclencher. Pourquoi n'y étais-je pas allé ? Je ne voulais pas qu'ils me voient nu. Pourtant, il y a quelques mois encore, je n'y faisais même pas attention. Leurs corps nus autour de moi ne me dérangeaient pas. Je ne savais pas pourquoi je refusais qu'ils me voient, après tout, je n'étais pas pudique.
Je sortis, en boxer, une serviette sur les cheveux. Et je sentis des yeux sur moi ; il n'y avait rien de sexuel. Inquisiteurs, tous tentaient de capter min regard pour comprendre pourquoi je m'étais tenu en retrait. Je l'ignorais moi-même. Peut-être ne m'identifiai-je plus à eux. Peut-être me sentais-je étranger.
Je m'habillai calmement, pris bien le temps de me sécher - mis à part mes cheveux. Puis je sortis, sans un regard derrière moi, sans un mot à Satsuki. J'attendis devant, personne, mais quelqu'un...
Et quand il sortit, fier et fort, grand et imposant, je quittai le lieu. J'avais juste voulu le voir. Le voir. Lui.
Je le connaissais si bien... Les yeux clos, je pouvais le reconnaître parmi les autres, le dessiner dans mon esprit, retracer sa voix au fil du temps, son visage, ses yeux pétillant. Et son sourire.
Sans lui. Je ne serais plus rien. Mais ça, il ne le savait pas, n'est-ce pas ? Il était si insouciant... Je n'avais plus ça, moi, depuis longtemps déjà. J'étais passé dans un monde plus dur et froid. Peut-être n'aurais-je pas dû... je donnerais tout pour redevenir celui que j'étais, pour que nous soyons à nouveau si complices. Avec lui...
Avec lui... je riais avant. Et désormais, je ne faisais que l'insulter, l'éloigner de moi, le rabaisser ; mais pas aux autres. Il était le seul, l'unique à connaître l'immensité de ma douleur infinie. Qu'il m'aide ! Je ne demandais que cela... mais il ne pouvait pas...
Si je pouvais, je le protègerais de la haine qui m'habitait ; qu'elle ne gagne jamais son cœur, que jamais ses yeux ne s'éteignent, que son corps se consume de rivalité et de désir de vaincre. Mais je ne pouvais l'aider à ne pas être comme moi ; je ne pouvais ne pas l'entraîner dans ma peine.
Je relevai le visage, interpelé par mon environnement ; mes pas m'avaient menés au terrain de notre enfance. Au terrain où nous nous étions rencontrés. Mes plus beaux souvenirs étaient gravés dans le sol, malgré ses éraflures, malgré ses lignes écaillées que mes pieds avaient tant foulés. Le panier grinçant, nous ne pouvions l'atteindre, mais le poteau avant tant eut de traces de nos mains qui tentaient obstinément d'aller plus haut, toujours, jusqu'à ce que nos jambes et nos tailles nous le permettent.
Mes doigts s'enlacèrent au grillage froid et s'y serrèrent. Mes yeux devaient être emplis de souvenirs. Ou vides. Vides tant ils débordaient. À moins que des larmes ne s'y cachent, je ne savais pas, je ne pouvais le dire. Avant... c'était si bien...
Et lui, attentif, présent, protecteur.
"Tu m'aimes encore ?"
Voici ce qu'il m'avait dit. J'aurais dû laisser mon cœur s'ouvrir : jamais il n'avait été si important pour moi que depuis que j'allais mal. Et je ne l'en aimais que plus. J'aurais dû... mais c'était trop tard maintenant. Froid. Et distant. Voici tout ce que j'étais.
Et j'avais besoin de lui, de la chaleur de son amitié, de la compassion de ses gestes, de notre solitude.
Le moi d'avant me manquait. Mais je ne pouvais le faire revenir.
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Kagami est toujours là, mais combien de temps encore va-t-il tenir devant le tanné ? Rendez-vous demain ! Bye, Kagamine

Présent malgré ma froideurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant