0.1 Prologue

687 53 11
                                    


J'avais tout juste dix-sept ans lorsque les Surnat', les « êtres surnaturels » au sens général du terme, ont fait leur coming out.

Ils sont sortis de leurs cavernes, de leurs tombes ou autres je-ne-sais-quoi de bosquets enchantés par un beau matin de printemps 2010, changeant la face du monde à jamais.

Moi, j'étais au lycée à ce moment là.

Je me rappelle encore de l'ambiance morose de ma classe, où tous les élèves, studieux ou pas, n'attendaient qu'une chose... : En finir avec ces interminables deux heures d'histoire pour pouvoir enfin sortir se dorer la pilule sous les doux rayons du soleil printanier.

Madame Biche, alias l'Imperturbable, et accessoirement notre prof d'histoire, déblatérait comme à son habitude son monologue comme s'il s'agissait d'une litanie religieuse, se fichant bien de qui l'écoutait ou pas, lorsqu'un téléphone se mit à sonner. Je me souviens qu'elle hésita une seconde en fronçant les sourcils mais, comme elle méritait bien son surnom, elle prit une grande inspiration pour repartir dans une de ses phrases incommensurablement longues (sérieusement, cette femme aurait pu être championne d'apnée) quand une deuxième sonnerie se fit entendre. Puis trois, puis cinq.

Je dois avouer que mes souvenirs de ce qui se passa ensuite sont un peu flous.

D'abord, croyant à une mauvaise blague, Madame Biche commença à gueuler pour le faire entendre par dessus la cacophonie qui montait. Je crois que c'est à ce moment qu'un des élèves lui montra une photo sur son téléphone. Je la vis blêmir, puis se mettre à bégayer quelque chose que je ne parvins pas à comprendre sous la masse de beuglements primaires qui s'élevait de la meute d'adolescents.

Pour ma part, je n'avais pas de portable, donc j'étais encore plus paumée qu'elle... Oui, j'étais ringarde à ce point. Ne jugez pas, je le fais très bien toute seule.

C'est je pense à ce moment là que la sirène de la ville se mit en marche dans un vacarme retentissant qui nous rendit tous à moitié sourds, puisqu'elle était installée sur le toit, à quelques mètres à peine de nos têtes... et une poignée de secondes plus tard, celle du lycée hurla de concert. Je sentis la panique monter, et fus forcée de fermer les yeux un moment, prise de vertiges.

Quand je les rouvris, le monde réel, -mon monde, le monde des smartphones, des ligues de football et des soirées jeux vidéos- était mort.

À la place, il y avait un dragon.

CaliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant