Je tâchais de paraître décontractée, et me forçais à le regarder dans les yeux -ses beaux yeux couleur d'ambre- mais franchement, ça ne m'aidait pas du tout. J'avais l'impression d'être atteinte d'un déficit de l'attention...Une pure godiche. Je finis par m'agacer toute seule, et me résignais à plonger le nez dans ma tasse pour pouvoir écouter correctement ce qu'il avait à dire.
Un problème d'objet perdu semblait-il. C'était probablement dans mes cordes. Une petite boite de grès, plus précisément, scellée et couverte de runes, qu'on lui avait dérobé une semaine plus tôt. Son explication se fit soudain hésitante, et il s'interrompit.
– Vous allez bien ? Demanda-t-il. Vous n'avez pas l'air dans votre assiette...
Évidemment, quand votre interlocuteur se concentre de toutes ses forces sur les détails de son bureau, vous pouvez penser qu'il a un problème... Je finis par relever les yeux en lui adressant un sourire gêné derrière ma tasse, mais décidai de jouer franc-jeu.
– Je ne pense pas être la première à qui vous faites cet effet là...
Il resta interdit une poignée de secondes, ne comprenant pas. Puis ses yeux s'écarquillèrent, et la peau pâle se mit à rosir.
– Oh...oh !
Ce coup là, je ne l'avais pas vu venir. Cette fois ci, ce fut lui qui détourna les yeux, et il se mit à marmonner.
– Désolé...
Je répondis sans réfléchir, en partie parce que je me sentais d'un coup beaucoup mieux, mais aussi parce que, une fois que j'ai décidé d'être franche, je ne connais plus de limites...
– Vous n'avez pas à vous excuser d'être beau.
Là, il vira carrément à l'écarlate comme s'il venait d'entendre la pire des insanités, et parut vouloir disparaître dans son siège. Apollon en timide maladif, on aura tout vu. Je ne pus m'empêcher de rire.
La plupart des gens courent après la beauté comme un summum, un modèle à atteindre mais, ce dont on ne se rend pas toujours compte, c'est que les gens naturellement beaux n'ont pas forcément envie de l'être...Des fois, on a juste envie qu'on nous foute la paix. Dans mon cas, il me suffit de virer mon maquillage et mes escarpins, et le tour est joué. Dans le sien, c'est probablement plus compliqué que ça. Je finis donc par avoir pitié de lui et changeai de sujet.
– Revenons à notre boite, d'accord ?
Il acquiesça avec soulagement.
– Vous dites que vous savez peut-être où elle est ?
Une nouvelle fois, il hocha la tête. Un détail me chiffonnait.
– Dans ce cas, pourquoi ne pas aller la chercher vous-même ?
Il grimaça.
– Comme vous venez de le souligner, je ne suis pas un modèle de...discrétion. À la minute où on m'apercevra, la vente sera annulée, et je n'aurait peut-être plus les moyens de la retrouver.
Je haussai un sourcil sarcastique.
Oh, et moi, vu que j'étais banale à pleurer, c'était tout à fait dans mes cordes. Chouette. Enfin, même si ce n'était pas agréable à entendre, il n'avait pas tout à fait tort, alors passons...
– Bon, mais cette affaire ressemble à une simple histoire de vol, pourquoi ne pas aller voir la police ?
Son regard d'ambre me fixa comme si j'étais la dernière des idiotes, si bien que j'eus la fulgurante envie de me tortiller sur mon siège.
– Vous avez senti ce que je suis mademoiselle Reed, je suis un loup-garou. Même s'ils essaient de sauver les apparences, la police ne nous aime pas beaucoup. Et encore moins en ce moment. Je n'ai pas envie de me retrouver enfermé ou criblé de balles en argent alors que j'essaie juste de retrouver un bien qui m'appartient.
J'avais en effet entendu parler d'une série de meurtres qui avait fait trembler la ville récemment. Des cadavres de femmes avait été découverts dans la rivière, déchiquetées par ce qui ressemblait très fort à des crocs et des griffes de garous. Pour tout dire, une véritable paranoïa était en train de s'installer...
Je me pinçais l'arrête du nez en tentant de chasser ces images morbides de ma tête, et résumais.
– Donc, vous voulez que j'aille à cette vente, que je me faufile discrètement parmi les acheteurs, et que je « récupère » votre boite ? Fis-je en mimant les guillemets avec mes doigts.
Il fronça les sourcils.
– Je ne vous demande pas de faire quoi que ce soit d'illégal mademoiselle Reed, je vous demande simplement d'aller à cette vente, et de racheter ma boite.
Bon. Je dois admettre que je n'en étais plus à ma première surprise, mais là j'étais quand même foncièrement perplexe. Au final, cette histoire me paraissait ridiculement simple.
– Vous voulez me payer, pour que j'aille acheter un objet qui vous appartient déjà ?
Il hocha la tête.
– L'argent n'a pas d'importance. Je veux récupérer cette boite, et vous pouvez sentir les objets magiques. Vous la reconnaîtrez sans problème j'en suis certain.
Je me permis d'insister malgré son air mortellement sérieux.
– Même si elle est ridiculement chère ?
– Même si elle est ridiculement chère.
Soit. Au bout d'un moment, il allait falloir que j'arrête de pinailler, avant qu'il ne finisse par se tourner vers quelqu'un d'autre. « à cheval donné on ne regarde pas les dents » comme on dit.
Alors, j'acceptais.
Mais quand même, être d'une beauté indécente et, semblai-t-il, ridiculement riche. Le monde n'était vraiment pas juste parfois... Çà, ça n'avait pas changé.
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Calice
FantasyJe m'appelle Kal, de mon petit nom Kalypso Bélinda Morgane Reed, sans doute la plus grande victime des lubies excentriques de ma mère, et accessoirement de mes vingt-cinq ans d'existence banale à pleurer. Mais croyez-le ou non, j'essaie de me soign...