Chapitre 3.1

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Je m'éveillais dans la tiédeur familière de mon lit.

Je n'osais pas bouger un orteil. Avais-je rêvé ? Quelle heure était-il ?

Je roulai sur le flanc pour aviser mon réveil, et poussai un grognement. Non, je n'avais pas rêvé. J'avais mal partout. Tout mon corps était perclus de courbatures comme si j'avais tenté un marathon.

Une pointe de peur me paralysa quelques secondes. Merde, merde, merde...Que m'était-il arrivé ? Et pourquoi étais-je tranquillement de retour dans mon appartement comme si de rien n'était... ? J'avais du mal à comprendre, et tentais de rester calme. La panique n'a jamais aidé personne...

Premier point relativement positif, j'étais encore toute habillée. Ça éliminait un tas d'hypothèses tout à fait désagréables. Tandis que je me tâtais pour être sûre que tout était encore à sa place, je vis que mes escarpins étaient sagement alignés au pied de mon lit, accompagnés de mon sac à main. Mes yeux s'agrandirent. Ce n'était qu'un détail certes, mais voyez vous, je suis une bordélique de premier ordre. Quand je rentre chez moi, je me débarrasse de tout élément désagréable en l'envoyant valser dans la pièce, comme pour le punir d'avoir été aussi inconfortable. Autant vous dire que des escarpins aussi hauts, bien rangés au pied de mon lit, ce n'était pas mon genre du tout. Je n'étais pas rentrée seule.

La peur fit son retour en fanfare, et je dus fermer les yeux et me forcer à respirer calmement. Puis je les rouvris, et plongeai la main dans mon sac en quête de mon portable. Plus de batterie. Évidemment. La magie existait dans notre monde depuis maintenant huit ans, et nous autres commun des mortels étions toujours dépendants de vulgaires batteries au lithium. Une honte !

J'allais le remettre dans mon sac en jurant, quand un bruit me figea sur place. Ma cafetière. Il y a quelqu'un dans ma cuisine. Oh.Mon.Dieu. L'image de Gueule-d'Ange se préparant nonchalamment un café s'imposa instantanément à moi. Il connaissait mon adresse, et mes clefs étaient dans mon sac. Ça ne pouvait être que lui. En temps normal, j'aurais hurlé de joie à l'idée qu'un type comme lui me ramène à mon appartement puis s'affaire dans ma cuisine.

Là, c'était juste carrément flippant.

Le plus discrètement possible, je reposai le portable dans ma pochette, puis passai la petite bandoulière autours de mon cou. Je voulais sortir de chez moi, et vite. Seulement pour ça, il fallait passer par la cuisine.

Mon regard fit le tour de ma chambre, en quête de quelque chose qui aurait pu m'aider. Un petit fauteuil en osier couvert de vêtements reposait dans le coin droit, à côté du lit. Il était flanqué, le long du mur, d'une armoire basse et longue, débordant de fringue plus ou moins inutiles... J'avais exposé au dessus quelques photos et souvenirs que j'avais récolté, la plupart pendant mes études. Un croc de dragon, un os de troll, une photo de ma mère et de mon beau-père, souriants sur le perron de leur petite maison de campagne...C'était le seul coin relativement rangé de la pièce, mon petit autel personnel. Le mur suivant était occupé par une grande étagère bourrée à craquer de livres divers, la plupart portant sur les créatures surnaturelles. J'aurais peut-être pu trouver là dedans un chapitre sur « comment sortir de chez soi sans que votre loup-garou ne vous remarque », mais j'en doutais fort. Sur le dernier mur étaient empilés des cartons remplis d'affaires, attendant que je trouve un brillant stratagème pour leur faire de la place... Ou un sort de compression dimensionnel. Vous savez, le fameux « c'est plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur » ? Et bien ça existe, et ce n'est pas extraterrestre. C'est seulement horriblement cher...Mais passons. Au dessus des cartons s'ouvrait une petite fenêtre donnant sur la rue. Je fis un rapide calcul. J'habitais au quatrième étage, et si je voulais absolument sortir de chez moi, je tenais aussi à faire ça vivante.

Pas de sortie épique par la fenêtre, donc.

Mes yeux finirent par se poser sur la petite table de chevet qui bordait mon lit, puis remontèrent sur la lampe élancée qui était posée dessus. Son pied métallique se terminait par une petite sphère de verre épais et presque opaque, qui lorsqu'elle était allumée diffusait dans la pièce une lumière douce et chaleureuse. J'aimais bien cette lampe. Mais elle pouvait aussi servir de batte improvisée. Soyons pragmatiques. Très honnêtement, j'aurais aussi pu utiliser l'os de troll mais, quitte à choisir, je préférais abîmer la lampe. Chacun ses priorités.

Ignorant la petite voix dans ma tête qui me faisait remarquer que, contre un loup-garou, une batte quelle qu'elle soit ne ferait pas de différence, je saisis mon arme de fortune et, rassemblant mon courage, me dirigeais vers la porte.

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