0.2 Prologue

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À la place, il y avait un dragon.

Un putain d'énorme dragon gros comme un bus, tout en griffes, en ailes et en écailles luisantes, qui se dirigeait droit vers nous. Je ne sais plus quand je m'étais levée, mais je dus me retenir à mon bureau pour ne pas tomber, et il me semble que mes entrailles tentèrent de se faire la malle par mes pieds. Madame Biche, elle, choisit ce moment pour s'évanouir, s'étalant de tout son long dans l'une des travées. Chacun ses limites.

« – Putain de bordel de merde . » Furent je crois mes premiers mots dans ce nouveau monde.

La suite, et c'est la partie la plus vague, fut beaucoup moins drôle.

Je me souviens d'observer le dragon se rapprocher à toute vitesse de la classe, pétrifiée sur place. J'arrivais à entendre quelqu'un hurler par dessus les sirènes du lycée, et c'était peut-être moi.

Une seconde avant de percuter le bâtiment, la bête redressa violemment sa trajectoire, et nous entendîmes une masse énorme se poser sur le toit. Un grincement métallique, suivi de l'arrêt brutal de la sirène, nous indiqua assez clairement que notre nouveau copain n'aimait pas beaucoup le bruit... Je crois qu'un instant de torpeur s'empara de l'école toute entière.

Puis un vent de panique s'abattit sur nous, et ce fut le chaos. Oubliant amitié, camaraderie ou simple civilité nous tentâmes de nous ruer, tous autant que nous étions, dans les couloirs de l'établissement pour mettre le plus de distance possible entre le monstre et nous. A notre décharge, lors de nos gentils exercices d'évacuation anti-incendie trimestriels, personne ne s'était jamais donné la peine de nous dire que nous devrions peut-être faire ça parce qu' « un putain de dragon » s'était posé sur le toit.

C'est alors que survint la « vague ». Les Surnat' appellent ça la « Libération ». Pour beaucoup d'entre nous, pauvres petits humains quelconques, ça s'appelle le « Désastre », avec un grand D.

Je jouais tant bien que mal des coudes pour avancer dans le couloir du premier étage, quand je vis les premiers élèves commencer à tomber.

A nouveau, je fus prise de vertiges, puis d'une migraine atroce qui me donna l'impression qu'on tentait de me percer le crâne à l'aide d'un clou en fusion, et je remerciais ma bonne étoile d'être tellement collée-serrée aux autres que ça m'empêchait de m'écrouler. La douleur était telle que je dus m'arrêter, pliée en deux, pour rendre mon petit déjeuner sur les baskets de mon voisin. Il ne m'en voulut pas longtemps, car je le vis s'effondrer une petite minute plus tard, pris de convulsions.

Je ne sais pas vraiment comment j'ai finis par sortir. Mais l'essentiel c'est que, au bout du compte, je parvins à m'extraire du bâtiment, et à prendre un peu de distance avec la cohue qui se précipitait vers les grilles de l'établissement. J'avais besoin d'air. Je me souviens m'être retournée, hors d'haleine, pour observer mes camarades tombés qui parsemaient le chemin vers la sortie. Certains se tordaient étrangement sur le sol, en proie à quelque torture invisible. D'autres étaient inconscients, peut-être morts, qu'est-ce que j'en savais ? De toutes façons, je ne pouvais rien faire pour eux. Puis un mouvement attira mon attention vers le toit du lycée, et j'oubliais tout le reste.

Le dragon était là, perché sur une corniche, tout en muscles roulants, en griffes noires comme le charbon et en écailles écarlates resplendissant au soleil. Une gigantesque machine de guerre, monstrueusement belle.

Au milieu de la foule hurlant de terreur, moi, je restais là, pétrifiée d'admiration pour cette créature fabuleuse.

En y repensant, j'aurais eu le temps de me faire bouffer cinquante fois à rester plantée là bouche bée comme la dernière des andouilles...

Quoi qu'il en soit, j'appris deux choses fondamentales sur moi-même ce jour là.

Un : Ce n'était pas l'instinct de survie qui m'étouffait à l'époque...

Deux : Je suis absolument fascinée par les créatures surnaturelles.

Et croyez moi, quand on allie la première chose à la deuxième, je m'estime littéralement dégoulinante de chance d'avoir survécu jusqu'à mes vingt-cinq ans sans une égratignure. Je ne sais toujours pas s'il existe des anges gardiens, mais si c'est le cas, le mien a fait un putain de bon taf. Merci Bibi.

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