La première chose qu'il décida en rentrant, fut de m'envoyer prendre une douche.
- T'as vraiment une sale tronche, me fit-il remarquer pour la deuxième fois.
Ouais, bienvenue à moi aussi...
Pour la peine, je lui vidais le chauffe-eau.
Lorsque je finis par sortir, je trouvais sur le lavabo un T-shirt gris extra large, -comment Kilian pouvait-il porter un truc aussi grand alors qu'il faisait quasiment ma taille ? Ce concept me dépassait- ainsi qu'un jogging de sport noir qui se nouait à la taille par une ficelle. Celui-ci m'allait comme un gant. Vive les hommes petits.
Savoir qu'il était passé dans la salle de bain sans me prévenir ne me dérangeait pas plus que ça. Nous ne nous étions pas vus depuis longtemps, mais nous avions quand même grandi ensemble...
Lorsqu'elle déplore que nous ne soyons plus aussi proches qu'avant, ma mère se plaît à rabâcher à qui veut l'entendre -et qui ne veut pas aussi, d'ailleurs- que nous faisions toujours tout en même temps, même le bain...Ouais. Bon. Entre prendre innocemment le bain à quatre ans, et faire pareil à vingt-cinq, le concept est un peu différent...
Avec tout l'amour que je porte à ma chère maman, je dois avouer qu'elle a une notion de l'embarras plus que relatif. Ou alors elle s'en fout.
Quoi qu'il en soit, je pense que si Kilian me voyait à poil maintenant, il ne broncherait même pas, ou balancerait une remarque désobligeante du genre « t'as grossi, non ? » pour tuer dans l'œuf toute gêne éventuelle. Kilian, ou l'incarnation de la délicatesse... Mais au moins, ça simplifie les choses.
Après avoir observé d'un œil morne mon visage bouffi, et tenté d'effacer les traces de mascara dignes d'un panda qui me dégoulinaient sur les joues, je me résignai à rejoindre Kilian dans la cuisine. J'étais épuisée, et ma seule envie du moment était de me coucher, mais je savais pertinemment qu'il ne me lâcherait pas tant que je ne lui aurait pas expliqué mon problème.
Je lâchais un sifflement en entrant dans la pièce. Du temps de ses parents, cette cuisine était une belle pièce rustique et chaleureuse, brillamment éclairée par de grandes fenêtres qui donnaient sur le jardin. Elle était en permanence encombrée d'ustensiles, de fleurs et d'objets du quotidien, qui la rendaient un peu surchargée mais incroyablement vivante. À présent, j'avais l'impression qu'elle avait doublé de volume. Les plans de travail noirs et brillants qui s'alignaient sous les fenêtres étaient quasiment déserts mais immaculés. J'aperçus un micro-ondes et une machine à café, non loin d'un grand frigo à l'américaine flambant neuf et d'un jeu de plaques à induction rutilante. Seule la grande table de chêne massif patinée n'avait pas bougé, toujours au centre de la pièce, mais on avait remplacé ses chaises de rotin clair par d'autres en cuir sombre. L'ensemble était sobre et un peu froid, mais très fonctionnel. Un peu comme Kilian en fait.
Celui-ci était adossé au plan de travail près de la cafetière, et je vis avec soulagement qu'il avait lancé la machine. Une odeur de café frais planait dans l'air, donnant une touche un peu plus accueillante à la pièce.
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Calice
FantasyJe m'appelle Kal, de mon petit nom Kalypso Bélinda Morgane Reed, sans doute la plus grande victime des lubies excentriques de ma mère, et accessoirement de mes vingt-cinq ans d'existence banale à pleurer. Mais croyez-le ou non, j'essaie de me soign...