Bien évidemment, je n'eus pas fait un pas dans en direction de la sortie qu'il me remarqua.
- Mademoiselle Reed, vous êtes réveillée.
Il était exactement comme je l'avais visualisé. Tourné vers la cafetière, je ne voyais que son dos. Il portait toujours le même ensemble T-shirt noir et jean parfait que la veille, et son chignon lâche à moitié défait laissait échapper quelques longues mèches argentées qui dégringolaient sur ses épaules. Toujours ridiculement beau, donc.
Il se retourna, deux tasse de café fumantes dans les mains, et haussa les sourcils lorsqu'il aperçu ma batte improvisée. Il eut un sourire qui se voulait rassurant.
- Détendez-vous mademoiselle Reed, je ne vous veux aucun mal.
- C'est un peu tard pour ça. Fis-je remarquer d'un ton sec.
Je m'applaudis intérieurement. Ce n'était pas sa beauté indécente qui allait me faire perdre la tête. Enfin, pas deux fois en tout cas...
Son front se plissa en une mine contrite, et il fit deux pas dans ma direction pour poser ses tasses sur la petite table à manger qui nous séparaient. Moi, je fis deux pas aussi, en direction de la sortie. Comme le reste de mon appartement, ma cuisine est minuscule. Elle ressemble à un couloir un peu large au fond duquel s'alignent une gazinière, un petit plan de travail et un évier, plus quelques placards au dessus. J'avais réussi à y caser une table et deux petites chaises en plastique, disposées de façon à laisser un passage dégagé allant directement de l'entrée à ma chambre. Je pouvais donc voir, d'où j'étais, ma porte de sortie me tendre les bras. Mais pour l'atteindre, je devais esquiver le loup et, cela va sans dire, sa vitesse surhumaine...
Le loup en question fit glisser l'une des tasses dans ma direction, sans doute pour m'inciter à m'asseoir. Il prit une voix basse et posée, de celles qu'on utilise pour s'adresser aux hystériques et aux fous à lier.
- Calmez-vous mademoiselle Reed. Je peux vous appeler Kalypso ? Et posez-donc cette lampe, vous n'en avez pas besoin.
Je déglutis en fixant la tasse, mais ne lâchai pas mon arme. Je ne voulais pas de café. C'était la deuxième fois en deux jours, et pour des raisons bien différentes certes, mais c'était un constat alarmant.
Ce type me filait la trouille pour tout un tas de raisons. Il se comportait comme si ce qui s'était passé dans la voiture était tout à fait normal, et que j'étais la seule imbécile ici assez stupide pour paniquer. C'était peut-être le cas, mais je n'allais pas m'asseoir pour autant.
Voyant que je ne réagissais pas, il s'approcha un peu plus et tendit un bras pour saisir ma lampe. Je reculai précipitamment, me cognant contre le mur au passage, et, brandissant l'objet comme pour frapper une balle imaginaire, je glapis.
- Ne vous approchez pas !
Il leva les mains comme pour montrer qu'il n'était pas armé. C'est ça ouais. Comme si un loup-garou avait besoin de quoi que ce soit pour être dangereux.
- Je vous en prie mademoiselle Reed, Kalypso, calmez-vous. Répéta-t-il.
Son ton avait pris un accent presque implorant cette fois, et je ne compris pas vraiment pourquoi, mais je m'en fichais. L'entendre dire mon nom complet me fit grincer des dents. Seule ma mère avait le droit de m'appeler comme ça, et encore, j'avais rendu les armes parce qu'elle était plus têtue que moi.
Je m'accrochais à ma colère comme à une bouée de sauvetage, et me sentis tout de suite un peu mieux. Je ne me mettais pas dans cet état très souvent, mais je crois que ce coup-ci, j'en avais gagné le droit.
- Qu'est-ce que vous m'avez fait ? Cinglais-je.
Un millier de bons points pour moi. Une lueur inquiète passa brièvement dans les yeux mordorés de mon interlocuteur. Que quoi avait-il peur au juste ? De moi ? C'était la meilleure !
Il grimaça.
- Techniquement, je ne vous ai rien fait. Je vous en supplie Kalypso, asseyez-vous et je vous expliquerai tout ça calmement. Implora-t-il à nouveau. Ben voyons.
Une bouffée de rage me gagna, et je l'accueillis à bras ouverts. J'étais fatiguée, j'avais mal partout et mes bras commençaient à tirer sérieusement à force de brandir la lampe. Et ce type prétendait qu'il n'avait rien fait ! Mais bien sûr ! Alors surtout, surtout, je ne voulais pas être calme. Je crois que ma voix claqua comme jamais elle ne l'avait fait auparavant alors que je laissais libre cours à toute la colère qui tourbillonnait en moi.
- Je ne veux pas m'asseoir, je veux savoir ce que vous m'avez fait ! Je veux savoir pourquoi j'ai mal partout, pourquoi un inconnu se balade dans ma cuisine, et ce qu'il y avait dans cette putain de boite ! Je veux qu'on m'explique et tout de suite ! Et il n'y a que ma mère qui m'appelle Kalypso ! Vous êtes ma mère ? Je ne crois pas non !
D'accord, je piquais carrément une crise. J'avais les larmes au bord des yeux et j'étais bien partie pour continuer à hurler mais, à ces derniers mots, le globe de verre de ma lampe explosa.
Il y eut une seconde de silence flottant où, haletante, je fixais l'extrémité de ma lampe sans comprendre. C'est nouveau, ça.
Puis, comme si quelqu'un avait appuyé sur un bouton, ma crise d'hystérie se mua en panique. Je relevai les yeux sur Grey et ne pus empêcher les larmes de commencer à couler.
- Qu'est-ce que tu m'as fait, bordel ? Répétais-je d'une voix tremblante.
Il tendis la main vers moi comme pour me toucher, mais c'était hors de question. Je reculais à nouveau en glapissant, et lui balançais ma lampe au visage.
Je ne pris pas le temps de voir si je l'avais touché. Tournant immédiatement les talons, je me précipitai vers la porte.
Je l'ouvris à la volée alors qu'un grondement animal m'informait qu'il n'était pas très content.
La peur donnant des ailes, je me jetai dans l'escalier.
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FantasyJe m'appelle Kal, de mon petit nom Kalypso Bélinda Morgane Reed, sans doute la plus grande victime des lubies excentriques de ma mère, et accessoirement de mes vingt-cinq ans d'existence banale à pleurer. Mais croyez-le ou non, j'essaie de me soign...