Helen
Tic tac
Le son mat de l'horloge résonne dans tout l'appartement. Le son du temps qui passe.
Tic tac
Mes yeux ne se détachent pas de la peinture écaillée du plafond. Et, sans être à côté d'elle, je sais que les siens ne quittent pas l'horloge. Je lui avais demandé une fois pourquoi elle passait son temps libre à la fixer.
J'attends quelqu'un.
J'avais déduis sans grande difficulté qu'il s'agissait de lui. De l'homme qui l'avait mise enceinte. De celui qu'elle aimait toujours depuis plus de 15 ans. De celui que je rêve d'appeler papa si je le croise. De celui que je n'appelerai jamais papa, même si il revenait. De celui que je déteste autant qu'elle l'aime. Parce que si il y a bien une chose que son absence m'a prouvé, c'est qu'il est moins difficile de se persuader qu'on déteste quelqu'un qui nous a causé de la peine plutôt que d'assumer qu'on souffre toujours.
Je me lève brusquement. Oui je le déteste mais il reste mon père. Et je veux savoir qui il était. Je veux mettre un nom sur ce visage dont la photographie s'estompe avec les années. Je veux lui donner des souvenirs, une histoire, un rire, un caractère. Je veux le connaître sans le connaître. Je veux le connaître assez pour le retrouver, mais pas assez pour avoir envie de lui parler et lui pardonner.
Je veux... Il y a tant de chose que je veux. Mais là, maintenant, je veux qu'elle me donne enfin les réponses que j'attends en silence depuis des années.
- Maman ?
Elle fait un petit signe de tête, prouvant qu'elle m'a entendu mais qu'elle ne quittera pas la grande horloge du regard.
Je m'avance doucement, à contre temps de mon cœur tambourinant. Je prends place lentement face à elle et tente de fixer mes yeux dans les siens. Lorsque j'y parviens, je prends une grande inspiration et commence.
-Maman, je sais que tu n'as pas fait le deuil de son départ et qu'en parler te fais mal. Mais j'ai besoin de savoir. J'ai besoin que tu me racontes vos souvenirs, votre rencontre, la première fois que vous vous dit que vous vous aimiez. Comment tu lui as annoncé ta grossesse. Comment vous avez vécu ces neuf mois ensemble. Comment il était... Et pourquoi il est partit.
Ma mère continue de me fixer, les yeux brillants des larmes qu'elle retient. Sa bouche est si pincée qu'on l'a devine à peine.
-S'il te plaît maman. J'ai au moins besoin de savoir comment il s'appelait. Si tu ne veux pas m'en parler j'irai chercher les informations moi même. Mais j'ai besoin de son nom.
-Tu lui ressembles tellement... Dit elle dans un murmure sanglotant. Il était un père formidable.
-Comment il s'appelait ?
-Vous jouiez tous les deux dans le square près de notre appartement... Des heures à vous courir après.
-Maman... Donne moi son prénom.
-Je... Il...
Elle se remet à pleurer, le son des ses larmes masqué par le Tic tac de l'horloge. Elle se lève et se rend dans ma chambre. Je la suis sans comprendre. Elle attrape un crayon, un petit bout de papier et écrit dessus en tremblant.

VOUS LISEZ
Minuit moins vingt
RastgeleHelen a 17 ans, une mère silencieuse, un père incconu et une colère contenue contre le monde, contre celui qui s'est barré quand elle n'avait que 4 ans, contre celle qui depuis reste a fixer la grande pendule. Et puis la voilà au milieu d'une manif...