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Samedi après-midi, j'ai passé la journée avec Taehyung et les copains. C'était assez sympa de traîner un après-midi entier.

Dimanche, je n'ai rien fait non plus. C'est sympa aussi, de ne rien faire un dimanche.

Maman et John ont débouché les gouttières et réparé quelques-unes des fuites du toit. En fin de compte, Maman n'est pas très heureuse dans son bistrot. Ce n'est pas que ce travail la dérange, mais lorsque les clients s'adressent à elle comme à une domestique, alors, là, gare aux explosions nucléaires! John, c'est tout le contraire, ça ne lui pose aucun problème de recevoir des ordres ; il aime que les choses soient claires et précises. Ça donne parfois lieu entre eux deux à quelques discussions... intéressantes.

La journée de dimanche m'a donné le temps de prendre une décision sur un certain sujet.

Lundi, au lycée, j'ai commencé à chercher. J'ai croisé ce grand maigre de Chanyeol et, son petit collègue, Baekhyun, qui erraient côte à côte dans les couloirs comme un mât de bateau et une allumette. J'ai aussi croisé Lisa qui m'adressa un sourire distrait. En anglais, Jungkook m'a cassé les pieds avec son histoire de boum, samedi soir, où une meuf a essayé de le saouler, le but inavoué étant de me rendre jaloux, j'imagine. Enfin, à l'interclasse, j'ai trouvé la personne que je cherchais.

À la bibliothèque, à la même table, à moitié caché entre les rangées d'étagères.

Au moment où j'ai tourné le coin, il a baissé son bras gauche le long du corps.

— Salut! ai-je dit.

— Salut! a-t-il répondu.

À ce train-là, on ne risquait pas de gagner le Nobel du dialogue! Yoongi m'observait ; il était clair qu'il s'attendait à ce que je fasse un commentaire sur le concert.

Donc, je lui ai parlé de ce qui me trottait dans la tête depuis dimanche.

— Est-ce que tu as besoin de quelqu'un pour le journal?

Après les cours, on est rentrés ensemble à pied, sous les regards incrédules de tous ceux qui nous ont vus quitter le lycée, dont celui de Jungkook, qui en leva son joli bout de nez au ciel.

C'était pratiquement le seul moment libre de Yoongi. Deux fois par semaine, il avait des cours supplémentaires de physique et de maths.

— En plus, aujourd'hui, j'ai piano à quatre heures et demie.

Piano! Le mot fatidique était lâché.

— Normal, fis-je. On dit bien qu'après une chute de vélo, il faut toujours remonter en selle.

Ça ne l'a pas fait rire.

Je ne me suis pas démonté.

— C'est toute la différence avec l'écriture, tu ne crois pas? Difficile de s'arrêter au beau milieu d'une sonate ou d'un concerto pour dire : «excusez-moi, j'aimerais revenir en arrière et rayer ce que je viens de jouer...»

Il fixait obstinément le chemin.

— En effet, on ne peut pas.

Je voulais le pousser dans ses retranchements, découvrir ce qui se cachait sous le vernis.

— Comment va ta main?

Il la glissa aussi sec sous son sac.

— Bien. Pourquoi?

«Pour rien...»

Il releva la tête et me dévisagea. Le cou frêle au-dessus du chemisier attira mon regard. Il portait son pull d'uniforme par-dessus, les manches relevées juste à la hauteur du coude. Le souvenir des éraflures me revint en mémoire. Les choses commençaient à s'éclaircir.

— Qu'est-ce qu'il y a à faire pour le journal? demandai-je seulement.

— On sollicite les élèves par affichettes. On récupère des textes au club des Jeunes écrivains. On demande des articles aux profs. On établit une sélection.

— Équilibrée entre poèmes et récits, je suppose? Yoongi hocha la tête, les cheveux légèrement ondulés.

— Bien sûr. Et aussi entre textes courts et textes longs.

Je le questionnai sur les Jeunes écrivains. Lisa écrivait de jolis poèmes descriptifs ; Chanyeol, de bizarres histoires sur la nourriture et quelques fois d'horreur galactique. Baekhyun était doué pour les récits comiques. Au fur et à mesure qu'il parlait, Yoongi s'animait, sans jamais perdre son port de tête altier.

— Et Jungkook? demandai-je.

Il hésita.

— Jungkook? Il a beaucoup de bonnes idées mais je ne suis pas sûr... qu'il réussisse à toutes les rédiger.

J'éclatai de rire.

— Ça me paraît bien vu!

Yoongi me regarda sans trop savoir sur quel pied danser.

— Tu nous liras tes poèmes, un jour? demanda-t-il un peu plus tard dans la conversation.

Je haussai les épaules.

— Demain. Peut-être. J'écris vraiment de la merde en ce moment.

— Ça ne peut pas être pire que mon piano.

Surtout rester dans l'humour.

— On a tous nos «grandeurs et décadences».

Yoongi garda le silence quelques secondes, puis il me demanda comment je m'y prenais quand un vers ne fonctionnait pas, comme ça lui arrivait parfois avec les paroles des chansons qu'il écrivait, et on a continué notre route, tout en discutant de rythme, de mots et de rimes.

— Au fait, il s'arrêta en regardant autour de lui. C'est pas ta rue, derrière nous?

Une moitié de mon cerveau répondit : «oui, c'est exact» ; la deuxième : «il sait où tu habites!» ; quant à la troisième...

— Peu importe... Écoute, ça te dirait d'organiser un concours du meilleur poème ou de la meilleure nouvelle? Il pourrait même y avoir des prix. Tu crois que M. Do marcherait? demanda-t-il.

— Génial! Avec des bons-cadeaux pour des livres?

On a continué ainsi jusqu'à ce que Yoongi s'arrête à nouveau, devant un grand portail qui ouvrait sur une allée de gravier menant vers un grand garage et une grande maison... Je regardai autour de moi, surpris de constater où nous étions.

— Tu veux venir boire quelque chose? proposa-t-il.

J'hésitai.

— Non, merci. Vaut mieux que je rentre. Ça me tiendra lieu de balade à vélo pour aujourd'hui. C'est moins risqué... Je ne fais pas de gestes grossiers quand je marche.

Yoongi éclata de rire ; de cet incroyable rire.

— Papa a trouvé ça très drôle.

— Et ta mère?

Il secoua la tête.

— Nous ne lui en avons pas parlé.

Au passage, je notai le «nous». Mais aussi, l'éclat de ses dents lorsqu'il riait ainsi que la courbe délicate de sa bouche.

— À plus! dis-je.

Il sembla surpris.

— À plus, Hoseok.

Et voilà! Il avait aussi prononcé le prénom fatidique. Je m'éloignai d'un pas rapide. J'avais refusé d'entrer chez lui parce que je n'avais aucune envie de croiser la mère «Fluide-Glacial» pour qu'elle s'imagine que je tournicotais autour de son fils. Mais également parce que j'avais besoin d'analyser dans quoi je mettais les pieds.

Le temps d'arriver chez moi, j'avais conçu un autre projet.

Ma mère aussi! J'avais à peine débarqué qu'elle m'annonça qu'elle quittait la restauration pour la santé publique!

FAUSSE NOTE yoonseokOù les histoires vivent. Découvrez maintenant