FAUSSE NOTE yoonseok

XVII

Cette bonne impression demeura. Le docteur Kim aussi. Yoongi partit peu après, je voulus le raccompagner chez lui à pied, mais il préféra rentrer seul, sans doute pour que sa mère ne nous voie pas ensemble.

Quand je réapparus dans la salle à manger, Maman et le docteur Kim étaient en pleine conversation et j'eus le sentiment très net qu'ils changèrent de sujet en m'entendant revenir. Une demi-heure plus tard, le docteur Kim partit à son tour.

— Je préfère rentrer avant que les filles n'aient dévasté la maison!

Le son de leur voix me parvenait depuis l'entrée.

— Les enfants de pédiatres sont pires que les autres!

Quelques instants plus tard, Maman passait la tête par la porte de ma chambre.

— Comment va Yoongi?

— Bien. Pourquoi?

— Pour rien. Je voulais juste savoir si sa main était guérie. Bon, je vais préparer le dîner de notre jardinier favori. Seokjin, je veux dire le docteur Kim, veut qu'il vienne aussi travailler chez lui.

Bizarre, Maman avait déjà demandé des nouvelles de sa main à Yoongi. Deviendrait-elle distraite avec l'âge?

[...] Mercredi, en partant pour le lycée, j'étais plutôt de bonne humeur. J'avais quasiment terminé le poème sur lequel je travaillais depuis quelques jours.

Bleus au corps
Bleus au cœur
À fleur de peau
À fleur de cœur.

Naturellement, c'était à propos de «vous-savez-qui». Avant le début des cours, j'ai discuté avec Taehyung. Il semblait différent, comme s'il avait la tête ailleurs. Il est vrai qu'il a souvent la tête ailleurs.

À l'heure de la cantine, j'ai retrouvé la tête de Taehyung. Et Taehyung avec! Je sortais des salles de techno, quand je l'ai aperçu avec Jungkook. Je veux dire, vraiment ensemble, quoi! Littéralement, collés l'un à l'autre, comme du chewing-gum!

«Bien sûr..., me dis-je. La boum de samedi!»

Taehyung m'a adressé un regard gêné. Jungkook, il m'a jeté un regard ravi. Moi, ça m'étais bien égal. En fait, j'étais même soulagé.

— C'était ça, tes exercices de physique? ai-je lancé en poursuivant mon chemin.

À la bibliothèque, assis à sa place habituelle, un gars, des cheveux soyeux, me sourit.

— Bien, je ne voudrais pas te faire perdre ton temps, déclarai-je d'un ton très homme d'affaires. Mais il faudrait tout de même qu'on regarde les textes pour le journal? Hier, à cause de toi, on ne s'en est pas vraiment occupés!

— À cause de moi? Mais, c'est toi qui as... commencé!

— Bon, chipotons pas! Tu veux revenir chez nous, cet après-midi?

Yoongi hésita.

— J'ai piano. Demain plutôt? Chez nous?

Incroyable... J'étais à nouveau autorisé à pénétrer dans le palace des Min.

— Si tu veux...

Brusquement, je fus pris d'un doute...

— Ta mère n'aime pas que tu viennes chez nous, c'est ça?

Yoongi fixa la table.

— Je suis désolé, Hoseok. Ce... ce n'est pas facile pour elle. Papa veut que...

— Merde alors! Mais qu'est-ce que tu crois? Que c'est facile pour moi!

Je me levai violemment. Des élèves des bureaux voisins tournèrent la tête de notre côté.

— Si ma famille n'est pas assez bien pour tes emmerdeurs de parents, va te faire voir!

Et je suis sorti ; sans un regard pour Chanyeol et Baekhyun, qui entraient à ce moment-là. J'étais dans une telle colère que ce fut seulement arrivé au milieu de la cour que je m'aperçus que j'avais oublié de lui demander s'il avait eu les résultats de son contrôle de physique.

J'ai mis l'après-midi à me calmer. Pendant le cours de techno, Taehyung a grommelé :

— Au fait, Hoseok... j'avais pas l'intention d'agir dans ton dos... pour Jungkook, je veux dire...

— T'inquiète! J'espère que vous serez très heureux et que vous aurez beaucoup d'enfants!

Taehyung déglutit.

— Je croyais que lui et toi, vous étiez...

— Nan... Il me prend pour un dragueur, comme tout le monde!

La voix du prof s'éleva sèchement.

— Au travail vous deux! Tout de suite!

Après les cours, je suis allé attendre à l'endroit habituel, sûr d'y trouver Yoongi. En m'apercevant, il a hésité un instant puis il a continué d'avancer, ce qui me donna aussi l'idée d'un vers nouveau pour mon poème.

— Salut! Écoute, si tu es toujours d'accord, je peux venir chez toi, demain.

— Parfait, dit-il.

Mais il semblait indifférent.

Tout en marchant, je lui parlai du docteur Kim. De ce qu'il avait raconté sur ses enfants, et sur d'autres sujets. Sans obtenir davantage de réactions. C'était pas difficile de comprendre pourquoi les autres prenaient Min Yoongi pour un frimeur.

Mais je m'accrochai.

— Tu sais que Taehyung et Jungkook sortent ensemble?

Yoongi esquissa un sourire.

— C'est chouette. Jungkook est tellement...

— Tu trouves aussi, n'est-ce pas?

J'avais réussi à le faire rire. Un rire timide. Pas un vrai rire à faire se retourner les gens autour de nous.

Entre-temps, on était arrivés à la ruelle, celle qui relie les deux rues. À mi-chemin, je me suis arrêté. Yoongi a jeté un bref coup d'œil dans chaque direction, preuve qu'il avait deviné mon intention diabolique.

Même à la fin d'une chaude et longue journée de classe, il sentait encore le savon frais. Et moi?

Il avait posé une main autour de mon cou, comme hier. De l'autre, il tenait encore son sac de classe.

— Lâche ton sac! ordonnai-je sur le ton du méchant dans un film policier.

Et tandis que je l'embrassai, un bruit sourd s'éleva. Pas à cause de mon baiser, mais de son obéissance.

Je voulais encore le faire rire. Lui prenant le bras, je commençai à l'embrasser, exactement comme la veille.

— Non, Hoseok!

Ça, ce n'était pas comme hier... ce qui ne m'empêcha pas de continuer au-delà du poignet.

— Quelqu'un peut venir...

Bande de veinards! De toute façon, je n'étais pas d'humeur à laisser Min Yoongi me donner des ordres. Je remontai jusqu'à son coude.

D'abord, il ne bougea pas, puis il eut un mouvement de recul. Sans desserrer mon étreinte, je relevai la manche et déposai un baiser, puis un deuxième, au creux de son bras.

Et là, ce fut mon tour de rester saisi. J'aurais jamais dû oublier de lui demander les résultats de son contrôle de physique ; ce fut ma première pensée...

Sur la peau tendre, au creux du bras gauche de Min Yoongi, s'étiraient deux nouvelles entailles rouges.