Chapitre 3 : Recherche

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Le lendemain, toute ma journée de travail fut polluée par mon incapacité à me concentrer. Mon esprit était assailli par les questionnement concernant le jeune rappeur. Ce type m'intriguait, je voulais savoir pourquoi il me regardait avec tant d'insistance, je voulais comprendre ce qu'il lisait en moi lorsqu'il me scrutait.

Il fallait que je parle de cet événement à Anna, j'étais trop perturbée, ce n'était pas bon signe. Aussi, lorsque j'eus terminé mon travail, je lui envoyai un message pour lui proposer de boire un verre. Elle accepta avec joie et je la retrouvais quelques minutes plus tard dans un bar.

— Tu as besoin de faire un point "mariage" ? me demanda mon amie.

— Non il faut que je te raconte quelque chose, j'ai revu ton rappeur !

Anna ouvrit des yeux rond comme des soucoupes.

— Hein ? Nekfeu ? Mais quand ?

— Cette nuit, sur les quais on s'est fixés pendant au moins cinq minutes, sans rien dire. Puis il est parti en laissant ça sur le banc.

Je sortais de mon portefeuille la page déchirée la veille par le jeune homme, elle le lut et s'exclama :

— C'est vraiment pas juste, tu vas te marier avec un type génial, ta vie est parfaite et tu trouves en plus le moyen de te faire draguer par l'un des hommes les plus convoités de Paris !

— Attends, qui parle de drague là ? Il ne m'a pas draguée, ce n'est pas ça. On a juste des échanges de regards, une sorte de discussion silencieuse, je ne sais pas comment t'expliquer. Mais ça me perturbe beaucoup, je ne sais pas quoi faire.

Anna leva les yeux au ciel, comme toujours lorsqu'elle trouvait que je disais des conneries.

— Tu ne vas rien faire du tout Clem, il ne te mate pas pour t'inviter à la bibliothèque. Il sait très bien ce qu'il fait, rester silencieux lui permet de se rendre ultra mystérieux. Crois moi, encore deux échanges comme ça et tu lui sautes dessus. Donc tu vas éviter de le recroiser et si jamais ça arrive tu vas directement lui parler, comme ça tu brises le charme.

Je réfléchis un moment, mon amie n'avait pas tort, le fait de ne pas se parler avait contribué à attiser ma curiosité. Ce n'était pas sain, je ne devais pas chercher à le revoir.

— Tu en as parlé à Paul ?

— Non, je ne vois pas pourquoi je le ferais, il n'y a rien du tout, il ne comprendrait pas en plus.

C'était vrai, il n'y avait rien. J'avais simplement vu deux fois en deux jours, le même type qui avait plus ou moins cherché à me séduire avec des regards appuyés. Fin de l'histoire, pas de quoi fouetter un chat. Le fait d'en parler avec Anna m'avait permis de dédramatiser la situation et surtout de me rendre compte qu'il n'y avait même pas de situation. Je remettais machinalement le papier griffonné dans mon portefeuille et changeais de sujet.

— On a eu la péniche pour le mariage !

— C'est vrai ? Oh Clem c'est génial !

— Oui, Paul a vraiment eu un coup de coeur dessus.

— Et toi ? demanda la jolie blonde.

— Moi tu sais... tant que tout le monde rentre dans l'espace et que personne ne finit à la flotte...

— J'ai jamais vu aucune femme être aussi peu intéressée par son propre mariage !

Anna leva les yeux au ciel pour la centième fois depuis que je l'avais retrouvée. Je savais que mon attitude désinvolte par rapport au mariage n'exaspérait pas qu'elle, Paul me le reprochait souvent également. J'ignorais pourquoi je réagissais ainsi, tout ce qui avait attrait à cet évènement me provoquait une sorte de malaise, une boule se formait au creux de mon estomac lorsque l'on abordait le sujet. Cela devenait de plus en plus intense à mesure que la date approchait. Le 25 juillet : Quatre mois... Je mettais cette réaction désagréable sur le compte du stress, il était normal qu'une telle étape m'angoisse, c'est d'ailleurs ce qu'avait répondu ma mère quand je lui en avait parlé. Je n'avais pas de doute sur mes sentiments pour Paul et c'était le principal, j'aimais mon fiancé de tout mon coeur, il était formidable et me prouvait chaque jour un peu plus son amour.

Lorsque je rentrais chez moi, je vis que ce dernier m'avait laissé un mot, il passait la soirée avec des amis et ne rentrerait que tard dans la nuit. Je décidais alors de mettre ce temps à profit pour me détendre, prendre un bain, lire et regarder une série.

Après avoir diné, je fis malgré moi quelques recherches sur Nekfeu, je savais qu'il était très connu. J'avais entendu son nom prononcé des centaines de fois dans la bouche d'adolescents, mais je n'avais jamais vraiment fait le rapprochement avec ce visage que j'avais dû apercevoir plusieurs fois dans des magazines ou sur internet. C'est pourquoi, il m'avait paru familier lorsque je l'avais vu dans le métro, mais l'association du nom et de l'image ne s'était pas faite d'emblée. J'appris qu'il faisait partie de plusieurs collectifs de rappeurs, mais à part 1995 je n'en connaissais aucun. Je lançais une ou deux chansons du groupe qui me rappelèrent effectivement mon année de terminale, je me souvenais qu'ils étaient très à la mode à Paris à ce moment là. Tout le monde écoutait dans ma classe, Anna était assez fan.

Je fermai mon ordinateur, comme pour tourner la page de ce bref chapitre visuel avec le rappeur. Le fait d'en apprendre plus sur lui me déstabilisais, je savais son prénom "Ken" et il ignorait le mien, je n'aimais pas ça. Pourquoi n'étais-je pas tombée sur un inconnu que j'aurais pu rapidement sortir de ma tête ?

Jetant un coup d'oeil à l'heure, je m'aperçu que j'avais passé bien trop de temps à enquêter sur Nekfeu, il était tard, je travaillais le lendemain. Pourtant je n'avais pas sommeil et luttais contre une furieuse envie d'aller me promener sur les quais, ma curiosité était vraiment beaucoup trop dangereuse. Pour vider mon esprit, je me plongeais dans la lecture d'un ouvrage dont je devais faire le rapport à l'éditrice et finis par succomber au sommeil.

Avide Tempête Où les histoires vivent. Découvrez maintenant