Chapitre 21 : Coups

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Cela faisait maintenant une semaine que je vivais dans l'appartement de Ken. Je n'y étais pas beaucoup car mon travail était vraiment prenant et bien plus éloigné par rapport à mon ancien logement. Je devais déjà visiter plusieurs studios, il me tardait de retrouver une parfaite indépendance. Non pas que le jeune grec soit difficile à vivre, au contraire, il n'était presque jamais là. J'étais loin d'imaginer qu'un rappeur travaillait autant. Mais j'avais besoin de me sentir vraiment chez moi.

Ken était absent depuis trois jours et ne devait revenir que le surlendemain. Il avait le tournage de Tout nous sépare qui se terminait. Tout son crew l'avait accompagné, personne ne squattait l'appartement. Avant qu'il parte j'avais fait la connaissance de Doums et Adèle, je m'étais assez bien entendue avec eux, mais c'était aussi pour cela que j'avais envie d'avoir rapidement un chez-moi, je n'avais pas l'habitude de voir autant de monde.

En tout cas, je pensais être une colocataire plutôt agréable pour Ken, ayant été habituée à vivre avec un homme qui ne faisait pas grand chose par lui même, c'est assez naturellement que je m'étais mise à faire ses lessives, à préparer de vrais repas que je répartissais dans des Tupperware à l'intérieur du frigo. « Ma parole t'étais vraiment bonne à marier en fait ! » avait-il plaisanté un soir en découvrant une pile de linge propre sur son lit. Sa pique ne m'avait fait qu'à moitié sourire car la douleur était toujours bien présente.

Anna me manquait terriblement, j'avais besoin de parler à quelqu'un, de ce qui s'était passé avec Paul, de ce que je vivais avec Ken. C'était dur de devoir gérer ça toute seule. J'avais deux deuils à faire en même temps et le faire sans personne pour m'épauler était au dessus de mes forces. Je me noyais dans mon travail c'était ce que je savais faire de mieux.

La veille du retour de Ken, je traînais sur le canapé en relisant un manuscrit quand quelqu'un sonna à la porte. Je jetais un œil à ma tenue, je portais un short de sport et un t-shirt que j'avais emprunté à mon colocataire. Tant pis, ça ferait l'affaire.

J'ouvrais et me trouvais face à une jeune fille superbe, des yeux verts de chat, de longs cheveux bruns, une peau mate et un corps de déesse. Clairement avec mes yeux maronasse, mon chignon perché et ma tenue d'intérieur, je faisais pâle figure.

— Oui ?

Elle m'adressa un regard perçant, j'étais un peu mal à l'aise.

— Ken est là ?

Ok bonjour à toi aussi, me dis-je.

— Non, il n'est pas à Paris cette semaine. Je peux faire passer un message peut-être.

Ses yeux me parcoururent des pieds à la tête, s'arrêtant sur mon t-shirt. Je me sentis rougir.

— Dis lui seulement que Léa est passée.

Léa ? C'est d'elle dont j'avais entendu parler le jour où 2zer et Framal étaient à l'appartement. Je m'efforçais d'avoir l'air gentille et de lui sourire.

— Pas de problème, je lui dirai dès qu'il rentrera.

— Merci, bon courage pour l'attendre, tu y passeras ta vie.

Je ne comprenais pas ce qu'elle voulait dire. Mais je me contentais de hocher la tête et de sourire. Cette Léa avait l'air un peu triste, j'aurais bien voulu faire plus pour elle mais c'était une parfaite inconnue et j'ignorais si Ken aurait été d'accord pour qu'elle rentre chez lui.

— Bon bah euh salut.

Elle repartit en sens inverse et je retournais dans l'appartement, surprise par cette rencontre inopinée avec celle que je supposais être l'ex de Ken.
Quelques minutes plus tard, mon téléphone sonna, je ne connaissais pas le numéro affiché sur l'écran, peut-être était-ce pour le travail.

— Oui ?

— Clémentine ?

Je reconnu la voix de mon ex belle-mère. Ça ne me plaisait pas du tout.

— Catherine.

— Oui, c'est moi. Écoute, nous avons eu Paul toute la journée à la maison. Je pense que cette mascarade a assez duré, j'ai des choses à te dire.

— Cette mascarade ?

— Je ne sais pas ce qui te prend, quelle mouche t'as piquée de t'enticher d'un voyou alors que tu allais épouser un homme merveilleux. Tu devrais avoir honte, tu verrais l'état dans lequel est Paul. Mais bon, il est prêt à passer l'éponge si tu reviens à la raison. On peut encore sauver ce mariage Clémentine, ta mère est d'accord avec moi.

— Un voyou ? Revenir à la raison ? Ma mère ?

C'était trop d'un coup là, elle était clairement en train de me dire que c'était de ma faute si tout était fini entre Paul et moi.

— Oui, franchement avoir trompé Paul avec ce... rappeur et l'avoir quitté en laissant ton amant le tabasser. C'est intolérable Clémentine. Je n'en reviens toujours pas, après tout ce qu'il a fait pour toi !

Je n'en croyais pas mes oreilles.

— Je... vous n'avez certainement pas eu la version complète des faits. Lorsque j'ai embrassé mon voyou comme vous dites, j'ai tout de suite été honnête avec Paul. Lui m'a trompée avec Anna, ma meilleure amie, je l'ai découvert et suis partie. Mon ami m'a accompagné le lendemain matin pour récupérer mes affaires et Paul m'a traitée avec beaucoup de violence, c'est pourquoi il s'est senti obligé de me défendre. Mes parents connaissent cette version, je leur ai raconté au téléphone le lendemain.

Silence au bout du fil, je l'entendis éloigner le combiné et parler à quelqu'un.

— Écoute Clémentine, un homme trahi par la femme qu'il aime peut faire beaucoup d'erreurs. Enfin regarde aussi tes torts ! Si tu avais joué ton rôle de fiancée vous ne seriez pas dans cette situation. Je ne te reconnais pas, toi qui étais si douce... tu dois vraiment être gravement manipulée par ce garçon.

Elle mélangeait absolument tout, Ken n'avait aucun rapport dans tout ça, c'était n'importe quoi.

— Paul m'a brisé le cœur, il m'a fait du mal physiquement. Je ne pourrai jamais lui pardonner. Il n'y aura pas de mariage, faites vous une raison.

— Tu es une lamentable égoïste Clémentine. Six ans que Paul a construit sa vie pour toi et avec toi, six ans qu'il te fait vivre une vie que tu n'aurais jamais vécu avec le misérable pécule de tes parents. Mais toi tu en profites un moment et quand un type plus célèbre passe par là et te retourne le cerveau, tu plantes l'homme qui aurait donné sa vie pour toi. Comme quoi c'est pire que ce que je pensais, ce voyou a fait de toi sa catin alors que tu aurais pu être une femme respectable. Je croyais pouvoir t'ouvrir les yeux et te faire entendre raison, mais il est clair que tu es bien trop manipulée. Tu ne méritais pas mon...

Je ne voulu pas en entendre plus, la douleur était trop grande dans mon cœur. Je raccrochais au nez de cette femme malsaine et m'effondrai en larmes dans le canapé.

Avide Tempête Où les histoires vivent. Découvrez maintenant