Chapitre 67 : Reconstruire

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Juillet 2017

— Allô ? fit la voix de Violette à l'autre bout du fil.

— Oui ma belle, je te dérange ? C'est Clémentine.

Je ne l'avais pas appelée depuis un petit moment, avec la rupture et les problèmes qui avaient suivi, je n'étais pas sure qu'elle se souvienne de moi.

— Oui, ton nom s'affiche, je savais que c'était toi ! Comment tu vas ?

Je souris à Ken qui m'observait à l'autre bout de l'appartement.

— Ça va très bien, est-ce que tu as prévu de refaire le Paléo cette année ?

— Oui j'en avais très envie, mais mon copain vient de me quitter alors... j'avoue que je suis pas trop dans le mood pour le faire toute seule.

Devant mon regard triste, Ken me jeta un regard interrogateur, je mis le haut parleur.

— Et si je te dis qu'on pourrait le faire ensemble et qu'après on serait heureux de dîner avec toi ?

Le rappeur se leva du canapé et me rejoignit.

— Sérieux ? Genre toi et Nek vous passeriez une soirée avec moi ?

— Ouais, après si tu veux pas voir Clem je comprends, elle est un peu chiante, je peux venir alone.

Un petit cri répondit à la phrase du Fenek et il m'adressa un clin d'œil mutin. Je lui présentai mon majeur.

— Je préfère que Clémentine soit là aussi, rit Violette.

— Alors c'est d'accord, le concert est à 15h, tu paies rien t'es invitée, je te retrouve sur place et on attendra que la diva ait fini de faire hurler ses groupies en chaleur pour aller à Genève. Ça te va ? demandai-je.

— Ouiiiiii ! À dans deux semaines alors !

— Bisous, concluai-je.

— Ciao la tipeu, continue d'être fan de moi.

Violette éclata de rire en raccrochant et je donnais un coup coude à Ken.

— T'es vraiment insupportable.

— Non je suis deux-supportables, répondit-il en m'attirant contre lui.

— Et t'as un humour moisi.

Il embrassa tendrement mes lèvres puis me donna une grosse claque sur les fesses.

— Allez bouge toi, faut qu'on aille courir.

Je levai les yeux au ciel et partis me changer dans ma chambre. Depuis quelques temps, Ken, sur les conseils de Deen, m'avait motivée à me mettre au sport.

Sur le coup, je lui avais ris au nez, je n'avais jamais fait de sport de ma vie, quelle idée de s'y mettre.

— Justement, m'avait-il dit, ça peut t'aider à te remplumer, faut manger quand on fait du sport.

Après de longues négociations, il m'avait emmené courir avec lui, une fois, puis deux, et j'avais fini par prendre goût à ces moments que nous partagions tous les deux.

Il voulait maintenant que je choisisse un sport dans lequel je pourrais me défouler, me fixer des objectifs et persévérer. J'avais déjà essayé d'aller à la salle avec Deen mais ce n'était pas trop mon truc.

Tous ces hommes en sueur qui vous reluquaient le derrière quand vous vous penchiez, merci mais très peu pour moi.

— La boxe ? avait alors proposé Nek.

J'avais ri très longtemps en entendant cela.

— Ken, si tu me mets une pichenette je me casse en deux.

Il avait froncé les sourcils et un sourire mutin était né sur son visage.

— Pourtant, pour ce qui est du combat au corps à corps, je te trouve plutôt douée.

Force était de constater que Nek le Fenek n'était jamais très loin, même après une dépression. L'humour nous aidait beaucoup tous les deux, lorsque nous nous sentions mal, lorsque je n'arrivais pas à manger, lorsque nous avions des doutes pour la suite. L'un ou l'autre se chargeait de rassurer ou dérider celui des deux qui allait moins bien avec une bonne vanne.

Je ne dirais pas qu'il n'y avait plus d'embrouilles, nous nous prenions toujours un peu la tête pour rien. Mais nous essayions de davantage nous faire confiance et surtout d'exprimer nos ressentis. C'était long et compliqué, mais le jeu en valait la chandelle, nous avancions pas à pas.

— Beauté faut que je vienne t'aider à te saper ?

Il s'impatientait dans le salon mais j'étais fixée sur le miroir de ma chambre, auscultant le moindre changement de mon corps. Je remarquai que mes cotes et les os de mes hanches, si saillants habituellement, étaient légèrement moins voyant. J'ignorais pourquoi cette constatation me faisait peur, je m'étais habituée à ce corps chétif et le voir changer me dérangeait.
Pour tout dire, je me sentais un peu grasse.

La porte s'ouvrit sur Ken, il fronça les sourcils en me voyant en culotte face au miroir.

— T'étais pas censé en avoir pour deux minutes ? Qu'est-ce que tu fous à oilp en train de te mater ?

Je lui adressai un regard un peu amer. Il ne pouvait pas vraiment comprendre ce que je ressentais, c'était difficile pour moi de faire face à ce changement.

— Qu'est-ce qui va pas bébé ? demanda-t-il en se rapprochant doucement de moi.

— Je... rien, c'est juste que je grossis.

Ken écarquilla les yeux.

— M'en veux pas ma chérie, mais d'une part j'ai du mal à le voir, et en plus c'est une très bonne nouvelle. Donc pourquoi tu fais cette teuté toute triste ?

Je sentais les larmes monter, comment expliquer ce qu'on ressent lorsque toute notre perception de notre corps est déréglée.

— Je sais pas... c'est difficile pour moi de le voir comme quelque chose de positif.

Ken s'assit sur mon lit et tendit les bras vers moi.

— Viens là, murmura-t-il.

Je me lovais contre lui et il caressa doucement ma peau nue.

— J'ai du mal à comprendre ce qui se passe dans ta tête, comment tu peux avoir envie de garder ce corps là, comment ma Clémentine qui aimait tant la bonne bouffe peut aujourd'hui la regarder avec autant de dégoût. Mais c'est pas grave parce que tu vas guérir ok ? Un jour tu reprendras plaisir à grailler, je pourrai golri en te voyant dévorer une assiette de pâtes, je t'emmènerai bouffer tes plats préférés dans leur pays d'origine. Un jour j'craindrai plus de t'étouffer en te serrant dans mes bras, je pourrai râler quand je te porterai en te disant que t'es trop lourde, j'aurai plus peur de te casser quelque chose quand j'te ferai l'amour, un jour j'aurai plus envie de chialer en voyant tes os saillants. Je te ferai aimer ton corps Clémentine, j'te promets.

C'était comme un baiser à l'âme. La voix enrouée de l'homme que j'aimais, les vibrations de ses cordes vocales contre ma tête, sa chaleur rassurante autour de moi, et cette odeur que j'aimais tant dans mes narines.

Comment avais-je pu penser une seconde qu'il était mauvais pour moi ?

Avide Tempête Où les histoires vivent. Découvrez maintenant