Chapitre 69 : Honte

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Je n'avais qu'une idée en tête, manger, manger, manger. J'avais déjà ingurgité des quantités astronomiques, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Il fallait que je comble ce trou béant à l'intérieur de moi.

Cela faisait plusieurs fois que cela ce produisait, c'était nouveau. Pourtant j'avais fait des progrès énormes, mais une nouvelle bête s'était réveillée en moi, quelque chose qui me faisait encore plus de mal qu'avant, quelque chose qui me forçait à passer de longues minutes au dessus des toilettes pour rendre ces aliments à peine digérés.

Je n'avais rien dit à Ken, j'avais tellement honte de moi, et cette peur de grossir, de devenir une fille grasse qu'il n'aimerait plus, cette peur me retournait les entrailles.

Deen trouvait suspect que la nourriture disparaisse aussi vite de mon frigo et mes placards. Moh me fit également la réflexion.

Et ce soir là, c'est lui qui comprit que quelque chose de pas net se passait. Je n'avais pas eu le temps de faire la vaisselle, ni de jeter les poubelles. J'étais affalée sur mon lit, épuisée par ma crise quand il me trouva.

— Mandarine ! C'est quoi ce zbeul ? On se croirait dans la cuisine de ma tante après l'Aïd ! Tu nous fais quoi là ?

Je refusai de répondre, la honte m'empêchait d'avouer.

— Oh réponds ta race ! T'es boulimique maintenant ?

Il l'avait dit. Il avait prononcé le mot. Ce mot qui me hantait depuis des jours.
Je n'en pouvais plus, je voulais guérir, je voulais reprendre une vie normale, rendre Ken heureux, mais mon corps semblait me l'interdire.

Comme les sanglots me submergeaient, Sneazz s'approcha de moi et me pris dans ses bras.

— Le Fenek est pas au courant hein ?

Je secouai la tête négativement, mon meilleur ami m'obligea à le regarder en levant mon menton avec son pouce.

— Faut que tu lui dises.

Nouvelle dénégation pour moi.

— La vie de oim Clem, si tu lui dis pas c'est moi qui le fait.

— J'ai trop honte Mohammed...

Le rappeur souffla un coup, excédé.

— Balec, c'est pas une question de ficha putain ! C'est ta santé là ! Ton psy y dit quoi ?

— Je... il dit que je dois en parler.

Moh me lança un regard l'air de dire « tu vois, j'ai raison. »

— Il revient quand ?

Je compris qu'il parlait de Ken.

— La semaine prochaine, c'est la fin des festivals. Il va être à Paris un moment puis on part à Istanbul ensemble.

— Ok, si t'as rien dit avant le départ pour la Turquie c'est moi qui m'en charge.

La pire des choses serait qu'il l'apprenne par quelqu'un d'autre que moi. Il m'en voudrait énormément. Je comprenais Moh, il pensait que Ken pouvait m'aider. Mais j'avais à cœur de me sortir de ce combat sans tout reporter sur celui que j'aimais.

— D'accord, soufflai-je, mais promets moi que tu diras rien à Deen, j'aimerais que le moins possible de personnes le sache.

Mohammed hocha la tête . Après ce que Deen m'avait avoué, je ne voulais pas lui causer trop de peine, qu'il cesse un peu de se soucier de moi pour se concentrer sur sa vie et son bonheur.

Lorsque Ken revint de la tournée, il était tellement crevé et content de me retrouver que je ne voulus pas l'abattre dès le premier soir.

Le deuxième, c'était lui qui avait quelque chose à m'annoncer.

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