Chapitre 10 : la magie élémentaire

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Comme l'avait prédit Elendìl, je fus en retard. Vraiment en retard. Tous les élèves prenaient déjà place à travers la vitre de la porte. Je me cachai sur le côté. Le temps était passé si vite. Les propos du directeur résonnaient encore à mes oreilles, m'intimant le doute. Adossée au mur, les mains collées à la paroi et la tête levée vers le plafond, j'hésitais à entrer. Mon cœur indécis pesait le pour et le contre. Les yeux fermés, j'entendais mes camarades discuter dans la classe avec entrain.

Mille questions passèrent dans mon esprit. Fuir. Rester. Abandonner. Persévérer. Et à quelle fin ? Je voyais déjà la déception dans les traits de mes parents. Désillusion après avoir placé leur confiance en moi. Ne pas pleurer. Surtout ne pas pleurer. Les larmes ne pourraient plus s'arrêter. Ma gorge se serra et un goût d'amertume envahit ma bouche. Je déglutis avec difficulté. Prenant une profonde inspiration pour tenter de me calmer, je fixais mes chaussures, les tempes battantes et la tête en feu.

Soudain, l'éclat de rire de Laurelìn traversa ma bulle et toucha mon cœur. Douchant le doute qui m'avait envahi, il provoqua un déclic. L'incertitude est une chose, le regret en est une autre. Je pensai à mon frère, à Elanor et même à Beren, interrompant ma quête de réponses. Quel que soit l'obstacle qui se dressait sur mon chemin, leur mine approbatrice m'encouragerait. Avec détermination je me décidai à rejoindre les autres. J'essuyai discrètement mon visage, effaçant la preuve de ma déconvenue avant d'entrer dans la pièce.

Nombre de bureaux individuels étaient disposés en cercle et de grandes fenêtres diffusaient une luminosité bienvenue. Mes yeux cherchaient leur objectif, mais Laurelìn avait déjà pris place à côté d'autres élèves dont je ne connaissais pas l'identité. Un soupir de déception traversa mes lèvres et je m'avançais vers la seule place libre : entre Aeyden et une jeune femme au teint d'ébène.

Heureusement, le professeur n'était pas encore arrivé. Enfin, c'est ce que je croyais avant qu'elle ne m'interpelle. À peine eus-je pris place qu'un petit bout de femme assise parmi les étudiants déclara d'une voix réprobatrice :

– Merci de vous joindre à nous, mademoiselle Olympe.

Mon cœur manqua un battement et mes yeux s'écarquillèrent. Sous l'effet de la gêne, mes oreilles se mirent à chauffer. Toutes les têtes se tournèrent vers moi. Premier cours et déjà première remarque. Je n'essayais même pas de me justifier et me tus, une moue contrite sur mon visage baissé.

– Bien, maintenant que tout le monde est présent, nous allons pouvoir commencer le cours, ajouta-t-elle en s'adressant au reste de la classe. Bonjour à tous, je suis le professeur Chahira. Je vous enseignerais les bases de la magie élémentaire cette année. Ma collègue Mme Nyota vous enseignera les bases de la métamorphose. Quant au professeur Fëanturi, il vous enseignera les autres formes de magie.

Elle nous dévisagea un par un tandis que nous nous présentions. Son regard semblait transpercer chacun de nous comme pour y déceler notre vraie nature. Laurelìn prit la parole en premier. Quelle surprise, n'est-ce pas ? Puis, Menediel, que je connaissais déjà ainsi que d'autres étudiants. Ayeden, moi-même et enfin Earwen, la mystérieuse jeune femme au teint d'ébène. Les mots de Laurelìn me revinrent en mémoire : la colocataire au mur recouvert de plantes dans notre chambre. L'étonnement me prit au dépourvu et je n'entendis qu'à moitié la suite du discours de Mme Chahira.

– Formez des binômes, je vous prie, avec votre voisin de gauche. Un projet sera assigné à chaque groupe et comptera pour la validation de ce module. Il sera bien sûr adapté à vos éléments respectifs.

Je me retrouverais donc avec ma nouvelle colocataire qui ne semblait pas enchantée. La suite du cours se poursuivit sans encombre. Mme Chahira pratiquait apparemment elle-même plusieurs éléments. Chose très rare, car ardue. De nature sylvaine, son élément aurait dû être la terre. Et, en effet, elle nous fit la démonstration qu'elle le maîtrisait de façon spectaculaire. Mais, au vu de ses connaissances sur la magie élémentaire, elle avait développé les autres éléments dans son panel de pouvoirs.

– Ce que je vous ai montré tout à l'heure, je l'ai acquis après de longues années d'expérience. Ne soyez surtout pas découragés si vous ne parvenez pas à faire de même. Vos progrès vous étonneront vous-même, j'en suis sûre, nous encouragea-t-elle avec un sourire bienveillant.

L'espoir naquît en moi de pouvoir un jour découvrir mon élément et avoir des pouvoirs comme elle. Si j'y mettait toute mon énergie je suis sûre d'y arriver.

Elle enchaîna pour nous expliquer les valeurs de l'apprentissage. Que si l'on y était attentif, chaque décision, chaque moment de notre vie nous permettra d'apprendre et que c'est cette curiosité et notre motivation qui nous aidera à maîtriser nos pouvoirs.

En vérité, bien que la magie provienne le plus souvent du magicien, il s'avère qu'elle peut provenir de notre environnement si on sait s'y prendre correctement. Qu'elle soit naturelle ou héréditaire, sa maîtrise ne peut être atteinte sans effort. Il s'agit d'un travail de tous les jours, comme nous l'expliquait notre professeur.

La magie élémentaire, elle, provient du porteur alors que la métamorphose est naturelle et ne demande pas d'énergie propre. Bien sûr, certains scientifiques ont inventé le moyen de transférer de la magie dans des objets, comme les boules luminescentes qui éclairent nos demeures. Mais leur puissance est loin d'égaler celle de vrais mages.

Nous étions accaparés par le discours de Mme Chahira. Sa connaissance de la magie élémentaire m'impressionnait. Nous buvions ses paroles comme du petit lait. Et, pour ma part, j'étais impatiente de commencer la partie pratique.

Je me penchai pour attraper ce fichu stylo. Il m'avait encore une fois échappé des mains ; mon esprit trop occupé à penser aux fameux pouvoirs que je convoitais tant. Afin de tendre mon bras au maximum, j'avais posé ma tête sur le pupitre, la main gauche en appui. Cherchant à tâtons ledit objet, acheté à Amëira dans sa boutique « sarmë a taman », sur le sol de marbre.

Ma peau rencontra la sienne, douce et chaude au toucher. Ma main recula par réflexe et je me redressai aussitôt.

– Tiens, me chuchota-t-il en me tendant mon bien avec un sourire à couper le souffle.

Je n'y avais jusqu'alors jamais prêté attention.

Hantalë, euh, merci soufflais-je en fixant ses yeux de prédateur, successivement un œil puis l'autre.

D'un bleu profond, ses iris entourés de noir avaient changé de couleur. La première fois que je l'avais vu, son regard indifférent était noisette.

Mes joues rougirent et mes oreilles chauffèrent pour je ne sais quelle raison. Le cœur battant la chamade, je remis mes cheveux derrière mon oreille et me focalisa sur le professeur en plein monologue. Non sans donner un dernier regard au jeune homme. Mais, il avait déjà détourné son attention pour reprendre sa prise de notes.

– Nous reprendrons après la pause, déclara l'enseignante.

Le fonctionnement des cours se basait sur des demi-journées. Une part de celles-ci étaient dédiées à la théorie et l'autre à la pratique. C'est en forgeant que l'on devient forgeron comme le dit l'adage. Cette après-midi sera donc consacrée à un cours de magie en extérieur, toujours avec Mme Chahira. En attendant, quelqu'uns de mes camarades de classe et moi-même étions étalés dans l'herbe pour le déjeuner. Contents d'enfin pu se dégourdir les jambes après ses trois heures intensives.

La danse endiablée des nuages sur le ciel bleu cobalt retenait toute mon attention. J'essayai de deviner, ici un aigle volant vers sa proie, ici une femme sur son métier à tisser dans le méandre des cumulus. La végétation, d'un vert clair joyeux chatouillait mes doigts tandis que je passais mes mains à sa surface. L'humidité de la terre transperçait ma tunique légère. Je me sentais bien, mais quelque chose me manquait. Comme si une partie de moi avait disparue. 

Menediel ayant choisi le même cursus que moi, nous nous étions retrouvés, heureux de connaître quelqu'un d'Esméra. Les discussions allaient bon train, mais cela ne m'empêchais pas de me sentir seule. Que faisait mes amis en ce moment ? Que faisait mon onòna

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Bonjour à vous les Istyien et les Istyiennes,
Ouh ça chauffe :) Entre ses indécisions, sa nouvelle coloc Earwen et le petit contact avec la gente masculine intense.
J'attends avec impatience vos commentaires !
Bécots,
Meira.

Olympe d'EsméraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant