Olympe d'Esméra

Chapitre 13 : cicatrices du passé

Le vent siffla et seul un réflexe inouï me permit de contrer son attaque directe. Les armes s'entrechoquèrent au-dessus de nos têtes dans un bruit métallique assourdissant. Mes gestes semblaient avoir un temps de retard et une de ses lames passa comme une flèche à ras de ma joue. Effarée, je vis une mèche châtain s'envoler. Un rictus mauvais décora alors mes lèvres et mon visage tourna au rouge. Je contractai les mains sur les poignées de mes épées et pris une grande inspiration.

Ma poitrine se souleva affluant le sang et l'oxygène dont mes muscles avaient besoin pour asséner mon estocade d'un bond. Seulement, la taillade qu'il abattu sur mon corset me laissa essoufflée, presque pantelante. Mon flanc douloureux, ma gorge en feu par le manque d'air, je le repoussai alors d'un coup de pied bien placé. Ma contre-attaque rugissante le fit flancher et je vis une lueur stupéfaite s'allumer dans ses yeux lorsqu'il releva la tête. Vengeance pour ma chevelure bien-aimée.

Contente d'avoir pu le déstabiliser, même un moment, je m'évertuais à prendre le dessus et m'avançais d'un pas chassé. Mais je n'eus pas le temps de tenter ma parade que contractant la mâchoire, il riposta, tous les muscles bandés. Kyllian enchaînait les coups à une vitesse fulgurante, sûrement contrarié d'avoir été repoussé de la sorte, et je ne pus que parer sans même pouvoir riposter. Nous étions en sueur sous l'effort. De la poussière se soulevait à chacun de nos pas sur la terre séchée par le soleil qui traversait les branchages, me piquant les yeux.

Son énième charge enragée, accompagnée d'un cri furieux, me fit reculer sur mes appuis qui laissèrent un sillage profond sur le sol. Choquée, je le fixais la bouche béante. Le choc résonnait encore le long de mes os. Il fallait que je me reprenne, il ne devait pas avoir le dessus. Faisant taire la douleur de mes bras tressaillants, je me repris pour l'attaquer à nouveau. Nous continuâmes notre danse mortelle, tantôt tranchant, fendant, esquivant.

La chorégraphie que nous offrions paraissait calculée, comme si chacun de nos gestes était prévu. Seule notre incroyable connaissance l'un de l'autre nous permettait de deviner les attaques de notre adversaire et de les esquiver. Kyllian assénait ses ruades de manière réfléchie sans jamais faiblir, rompant le rythme de notre affrontement de façon imprévisible. Il avait beau revenir à la charge, je ne capitulais pas. J'enchaînais les bottes qu'il m'avait appris, prenant exemple sur lui, sur sa force à puiser dans ses ressources pour continuer le combat.

C'est alors que dans un râle, je réussis à percer sa garde. Mon épée rencontra une légère résistance avant de continuer son mouvement. Une estafilade barrait à présent le biceps de Kyllian. Il chancela en grognant de douleur tandis que le liquide rouge rubis giclait de la plaie profonde que j'avais incisée. Son avant-bras comprima la lésion afin de diminuer le flot du sang, le temps que les chairs se referment. Je me figeais sur place, enfin consciente de mon geste.

Mon frère, lui, ne m'avait pas une fois blessé, faisant minutieusement attention à ces gestes. Et il avait suffi d'une ouverture pour que je l'entaille. La culpabilité fondit sur moi comme un aigle. Les serres se resserrèrent sur mon cœur et l'inquiétude fronça mes traits. Je déglutis difficilement, la gorge sèche.

— Kyli, tu vas bien ? Excuse ..., tentais-je de demander en m'approchant prudemment de lui.

Soudain, silencieux, il s'accroupit et tournoya sur lui-même. La poussière du sol desséché se souleva en une petite tornade et je vis sa jambe former un arc de cercle. Surprise, je réussis in extremis à reculer d'un saut. Perdant à moitié l'équilibre, j'ancrais mon talon au sol pour me redresser, ne comprenant ce qui se passait qu'à la dernière seconde. En effet, cette petite diversion n'était qu'un prétexte pour se rapprocher suffisamment de moi.

Dans un geste fulgurant, ses lames glissèrent l'une sur l'autre et provoquèrent un frottement métallique digne d'une pierre à aiguiser. Elles passèrent habilement la faille que j'avais ouverte par mégarde dans ma position défensive pour se trouver au niveau de mon buste. Estomaquée, je demeurais stoïque lorsque la sensation du métal mordant la peau atteignit la base de mon cou.Deux lames symétriquement croisées surplombaient mes épaules. Contrastant la température glacée de mon entaille, je sentis la chaude expiration de mon frère sur mon visage figé.