Olympe d'Esméra

Chapitre 1.3 : neige [v3]

— Je suis vexé que tu ne sois pas venu me voir en premier Beren, je suis ton meilleur ami. Et puis, tu m'as terriblement manqué, beaucoup plus qu'à Oly, ajouta Kyllian en lui décochant un crochet du droit amical.

— Je me doutais bien que tu serais dans le coin nigaud, déclarais-je à mon sacripant de frère.

Un sourire en coin vint familièrement habiller ses lèvres alors que Beren ajoutait en se frottant l'épaule :

— C'est comme ça que vous m'accueillez tous les deux ? Kyli, tu vas me le payer cher mon ami.

Puis, un éclair d'espièglerie remplit ses pupilles avant qu'il ne se jette sur mon frère en le soulevant sur son épaule. Je secouais la tête, levant les yeux en l'air avant de m'écarter de leurs chamailleries. Trop de masculinité par ici, pensais-je en reprenant mon chemin vers le centre. Finalement, je me retournais vers eux pour leur indiquer d'une voix forte :

— Venez nous rejoindre, Elanor et moi, au Gilgalad si vous voulez messieurs. Nous serions ravis de vous y voir.

Qu'il l'ait compris ou non, cela m'était inconnu, car j'entendais toujours des éclats de rire. Leur querelle me remémorait bien des souvenirs de notre enfance. Notamment, la première fois que j'ai rencontré Beren.

C'était une belle journée d'été et j'étais occupée avec un ouvrage sur l'histoire d'Esméra dans la véranda d'études. Les rayons du soleil réchauffaient la pièce mieux qu'un feu de cheminée et leur luminosité se reflétait sur la verrerie colorée en milliers de faisceaux. Des acclamations avaient alors résonné au-dehors et j'avais relevé mon nez de mon livre, interloquée. Malgré les protestations de mon précepteur, je m'étais faufilé à l'extérieur et descendu à toute vitesse l'un des grands escaliers.

Au pied de l'arbre millénaire Aldawëna, se tenait mon frère. La première chose qui me choqua fut la flaque d'eau à ses pieds. Le point d'eau le plus proche se trouvait à une lieue de là et il n'avait pas plu. Kyllian portait un jeune garçon à bout de ses bras d'enfants, essoufflé et mort de fatigue. Trempés tous les deux, ils grelottaient de froid. Tout le monde avait accouru auprès d'eux, emmené le petit garçon et porté Kyllian dans sa chambre au palais. Je l'avais suivi du mieux que je pus, me faufilant entre les grandes jambes des adultes.

Mon frère, une fois réveillé, m'expliqua que le petit garçon s'appelait Beren et qu'il avait été blessé. J'eus beau lui demander, curieuse, comment, quoi, pourquoi, mais il refusa catégoriquement de me le dire. Il avait préféré courir au chevet du malade et y rester de longues heures durant. Les soigneurs avaient pris grand soin de Beren et au final il s'était rétabli rapidement. J'avais enfin eu le fin mot de l'histoire quand notre nouvel ami s'était réveillé. Depuis, ils étaient inséparables. Un peu comme Elanor et moi.

D'ailleurs c'est elle que je cherchais en arrivant sur la grande place après avoir laissé les garçons. Je claquai rapidement mes talons sur les pavés parfaitement propres et alignés tout en cherchant mon amie des yeux dans la foule remplie d'elfes de tout âge. Nous avions prévu de déjeuner ensemble après sa torture hebdomadaire pour parler de la cérémonie. Celle-là même qui déciderait de notre destin. Notre stress grandissant nous amenait à partager avec effusion nos envies et nos peurs à l'approche du verdict. Un bien grand mot pour désigner notre futur métier au sein de la communauté elfique. Bien que je connaisse déjà le mien.

Je déglutis difficilement et ressentis un pincement au cœur. Mon avenir était déjà tout tracé, ce qui me déconcertait au plus haut point. Les responsabilités pèsent sur mes épaules comme le poids du monde. Ce monde que j'aimerais tant parcourir, libérée de responsabilités dont je ne veux pas et que je n'ai jamais voulu. Celles que je ne suis pas encore prête à adosser. De plus, le chemin que je devais emprunter pour y arriver me semblait semé d'embûches. Mes aptitudes limitées, pour une elfe, ne correspondent pas aux attentes que mon rang me confère.

Toute la communauté elfique dispose d'une aura à la couleur définie, même mon frère qui est très doué d'ailleurs dans son rôle. Je serrai les poings et des larmes de frustration montèrent à mes yeux. Je pris une grande goulée d'air et fixai le ciel. Je ne me sentais pourtant pas si différente. La sensation de l'étincelle en chaque être vivant, la vibration du dôme sous ma paume, chacun de mes sens décuplés faisaient partie de moi. Un jour viendra où je découvrirai qui je suis. À ce moment-là, ils sauront. Ils sauront quelle est ma valeur en ce monde.

Mais cet instant n'est pas encore arrivé et j'espère au moins pouvoir rester fidèle à moi-même et à mes amis d'ici là. J'avais déjà deviné le verdict d'Elanor même si elle n'était elle-même pas rassurée. Son souhait le plus cher sera, je l'espère, exaucé. Ela est l'une de mes seuls amis, ou en tout cas de ceux qui ont toujours été là pour moi. Son caractère constamment positif et son envie de prendre soin des autres sont sans aucun doute ce qui m'ont amené à me prendre d'amitié pour elle presque instantanément.

Elanor montre beaucoup de tendresse et d'attention, surtout envers sa famille qui compte plus que tout dans sa vie. D'ailleurs, cette dernière sort vraiment de l'ordinaire étant composée de pas moins de quatre frères et sœurs. La veille même, j'avais pu, encore une fois, partager un moment familial folâtre avec eux. Elle avait préparé sa fameuse tourte, un met succulent à base de champignons, et avait servi sans exception chaque membre réunis autour de la grande table. Je m'étais sentis à ma place.

Je croisai finalement le regard d'un émeraude profond — et surtout moqueur d'Elanor. Ce petit air distinctif m'était si familier qu'il était gravé dans ma mémoire. Son visage plein, entouré de longues boucles rouge-orangées, était parsemé de taches de rousseur et rehaussé par un nez délicat. Son aura d'un vert tendre et sa tenue aux teintes naturelles ne faisait que mettre en valeur ses courbes pulpeuses et l'éclat de ses cheveux de feu.

Je courus alors vers elle pour lui déposer un baiser sur la joue et lui soufflai un remerciement bien mérité.

— Comment était ta promenade ? As-tu au moins pensé à bien te couvrir cette fois ?

— J'ai les pieds glacés, mais ça m'a fait un bien fou, comme d'habitude tu me diras ! La neige est tellement belle, et l'odeur des sapins, incroyable ! On se croirait dans un autre monde, papillonnais-je en me remémorant mon excursion.

— Ne veux-tu vraiment pas me dire comment tu réussis l'exploit de traverser le dôme à chaque fois sans te faire prendre ? me supplia-t-elle en arborant une moue triste.

— C'est un secret et cette fois-ci je suis passée beaucoup plus facilement. Merci encore pour tout à l'heure, je n'avais vraiment pas envie de rester enfermée toute la journée, ajoutais-je d'un air coupable en prenant son bras entre les miens.

— Vous m'étonnerez toujours ma chère.

— Et toi, comment s'est passée ta corvée ?

— De quelle corvée parles-tu ? C'est un bonheur de garder les enfants, ils étaient tout simplement adorables avec moi. Je ne comprends pas que tu ne veuilles pas te joindre à moi Oly, me réprimanda-t-elle tendrement tandis que nous marchions lentement en direction du restaurant.

Trop doucement au goût de mon estomac qui grondait à en faire pâlir plus d'un.

— J'ai croisé les garçons tout à l'heure, Beren sera là aussi.

— Oh je m'en réjouis, s'exclama-t-elle, ses lèvres charnues esquissant un sourire énigmatique. Allez viens, sinon nous allons être en retard à la cérémonie.

À peine m'eut-elle laissé entendre sa mise en garde qu'elle commença à courir, me lançant un regard de défi. Il ne me fallait rien de plus pour la suivre avec la ferme intention de gagner cette course. Mon déjeuner en dépendait après tout. 

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Dernière salutation du chapitre, chère lectrice, cher lecteur,
Alors l'intervention de Kyllian t'a plu ? Comment trouves-tu notre douce Elanor ? N'hésite pas à me laisser des commentaires pour partager ton opinion. Je prendrai toutes tes remarques en compte.
À bientôt pour la suite des aventures de notre héroïne,
Meira.

PS: Merci à @Lawrage pour son aide lors de la correction.