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Accrochées l'une à l'autre comme si ça pouvait les aider, pleurant à chaudes larmes et se mouchant dans leurs manches, Jade et Manon ne ressemblaient plus qu'à deux éponges trop pleines, défigurées, lamentables. Inès et sa sœur Talia étaient tétanisées, fixant avec dégoût le contenu de leur assiette.

Maël, assit tout près d'Enzo, était figé sur sa chaise. Ses poings serrés tremblaient de nervosité et ses mâchoires étaient crispées au point que ses dents grinçaient les unes contre les autres.

- Enzo ?, l'interpella Amanda d'une voix peu assurée.

Le jeune homme cligna des yeux, s'arrachant à la comptemplation de la mixture qui nageait dans son assiette. Il n'ouvrit pas la bouche, se contentant de répondre à sa professeure par un mouvement de la tête.

- Est-ce que... Est-ce que ça va ?

- Non madame...

- Je suis... Vraiment désolée.

- Ce n'est pas de votre faute madame, se voulu rassurante Joséphine.

- Bien sûr que ça l'est, se mit à geindre l'enseignante. C'est mon travail de vérifier les endroits où je vous emmène. Et... Et je ne comprend absolument pas ce qu'il se passe et pourquoi on nous fait ça... Ça n'aurait pas dû ressembler à ça...! On-on m'avait promis une chasse au trésor dans un beau château ancien... Je-j'ai...

Joséphine et Yvan, d'un même geste et sans se concerter, posèrent leur main sur les bras de leur enseignante, pris d'une soudaine pitié envers elle. Et Amanda se mit à pleurer à son tour. Elle ne voulait pas manger ça.

Soudain, Maxime commença à s'étouffer. Tournant la tête vers lui, ses camarades le virent recracher le contenu de son verre sur la table.

- Mais pourquoi t'as bu imbécile ?, lui lança Talia.

Amanda renifla, calmée, et demanda à Maxime s'il s'était étouffé.

- Non madame, c'est...

Prit d'un haut le cœur, le jeune garçon montra le reste du contenu de son verre.

- C'est du sang madame...

La plupart des élèves poussèrent une exclamation de dégoût. Pas mal eurent des hauts le cœur. Amanda se saisit de son propre verre, et huma l'odeur qui s'en dégageait. Ça sentait le fer.

Dégoutée, la presque trentenaire reposa son verre. C'est alors que Talia fit remarquer à tout le monde que cinq minutes s'étaient déjà écoulées.

Alors tous, se mirent à fixer le contenu répugnant de leur assiette.

Baignant dans un liquide jaunâtre, une énorme cervelle de porc trônait au centre de la faïence. Quelques tarentules grillées flottaient tout autour, rencontrant quelques roupettes blanchâtres. Et enfin, nageant pour tenter de s'enfuir de sa prison de porcelaine, une grosse larve blanche encore vivante.

Ce fut Jade qui vomit la première. Elle regardait les garçons qui commençaient à dépouiller et détailler ce qui se trouvait dans leurs assiettes, et elle ne put retenir le liquide amer qui envahit sa gorge. Se baissant du côté de Manon, elle vomit l'intégralité de son petit déjeuner sur le sol.

Amanda sortit son téléphone portable de sa poche, tout en gardant un œil sur les deux jeunes femmes qui s'étaient installées en face d'elle, contre le mur, de chaque côté de l'écran de télévision qui n'affichait déjà plus que vingt minutes et douze seconde.

Mais aucune d'elle ne broncha. Sans s'être dépêtrées de leur sourire malaisant, elles observaient Amanda. Celle ci composa le 17 et porta le téléphone à son oreille. Et c'est entendant le bip de réseau qu'elle comprit pourquoi les jeunes femmes ne réagissaient pas. Un brouilleur devait avoir été installé dans le coin, les empêchant de se servir de leur téléphone.

Assise tout près de sa professeure, Joséphine sortit à son tour son téléphone, et se rendit compte que même le réseau internet était inaccessible. Prise d'une soudaine intuition, elle dirigea l'objectif de son téléphone vers les deux jeunes femmes et prit une photo. Au moment même où le bruit du déclencheur parvenait à leurs oreilles, les douze autres invités virent le téléphone de la petite rousse de seize ans s'écraser dan son assiette, tandis que son corps se mettait à convulser.

Sans réfléchir, Léo, son petit ami, la saisit par les épaules pour la calmer. Mais le courant électrique se propagea alors jusqu'à lui, le faisant reculer, le corps remplit de spasme. Le jeune garçon parvint néanmoins à ôter ses mains de sa petite copine, et recouvra ses esprits, pendant que Joséphine continuait de trembler.

Du sang commençait à couler de sa bouche, preuve qu'elle se mordait la langue sous la puissance du choc.

Tout ça ne dura que quelques secondes. Mais lorsque se fut enfin terminé, Joséphine s'effondra sur le dossier de sa chaise, sans mauvais jeux de mots, éteinte. Amanda observait son élève, inquiète. Léo et Enzo la fixaient, maintenant parfaitement conscients de la situation.

Inès, Talia, Jade et Manon, au summum de leur peur, se tenaient les unes aux autres, enfonçant leurs ongles dans les bras de leurs amies.

Et soudain, Enzo se saisit de sa fourchette. Il la plongea dans son assiette, piqua un petit testicule blanc épais, et le porta jusqu'à ses lèvres.

Le compte à rebours affichait maintenant seize minutes.

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La sortie scolaire Infernale. Tome 3. [Terminée] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant