11 messages sans réponses. C'était ce qui était ressorti de notre relation dans les semaines suivant son appel. Elle m'avait répondu « Merci toi aussi » pour mon message lui souhaitant la bonne année. Jour et nuit j'avais l'espoir qu'elle me réponde. Pourtant, à chaque fois c'était la désillusion. J'avais l'impression que notre relation, qu'elle, que tout ça n'existait pas vraiment. Le 31 janvier, je finis par prendre la voiture que Georges me prêtait encore gracieusement pour me rendre au centre. Je devais la voir. Je lui avais laissé le temps, et elle ne m'avait jamais répondu.
Posté devant la fenêtre qui séparait le couloir et la salle de rééducation, je l'observais depuis quelques minutes déjà. L'infirmière à côté de moi finit par me demander si je voulais aller la voir mais je refusai. J'avais peur d'affronter à nouveau son regard à l'instant où elle me verrait, alors je me contentai de l'observer encore de derrière mon perchoir. Debout, avec une nouvelle attelle, elle s'appuyait sur deux barres latérales, debout. Ses yeux étaient rivés au sol et quand elle sembla à bout de force, elle se rassit sur un fauteuil positionné juste derrière elle. Le kiné discuta quelques secondes avec elle avant qu'elle n'acquiesce doucement et qu'elle repositionne ses bras sur les barres latérales et qu'elle ne se redresse pour recommencer. Puis elle avança sa jambe de seulement quelques millimètres. Au bout de quelques instants, elle ramena sa jambe intacte à côté avant de relever le regard vers le kiné. Ses yeux larmoyaient, peut-être même avait-elle pleuré, mais elle souriait. Puis elle se rassit sur la chaise derrière elle avant de se passer les mains sur le visage, visiblement ravie. S'essuyant le front, elle tendit la main en l'air et une jeune femme en fauteuil roulant vint taper dans celle-ci. Voulais-je vraiment gâcher son moment de victoire ? Rompre ce semblant de bonheur qui semblait l'habiter en cet instant ? Le kiné lui ramena ses béquilles et elle se releva pour prendre la direction de la porte. Si je voulais m'éclipser, c'était le moment ou jamais. Pourtant, je ne bougeai pas. Elle passa la porte et se retrouva, contre toutes ses attentes, face à moi.
— Matthieu, constata-t-elle simplement, son visage se fermant totalement.
— Je... voulais savoir comment ça aller alors je me suis permis de venir. J'ai vu que tu avais réussi à..., commençai-je.
— Je me suis tenue sur mes deux pieds, oui. C'est pas nouveau, tu m'as obligé à le faire la dernière fois qu'on s'est vus, répondit-elle.
Touché. Je ne pouvais pas lui en vouloir de réagir ainsi après tout, mais plus le temps passait et plus elle semblait remontée contre moi. Les semaines écoulées n'avaient vraisemblablement pas plaidé en ma faveur.
— Je sais que je n'aurais pas du, je suis désolé Aly. J'espère que ça n'a rien...
— J'ai eu mal, c'est tout ce que ça a fait. Mais ça aurait pu être pire.
Piquée à vif, elle semblait emmagasiner durant ses semaines de silence pour pouvoir se défouler en me voyant.
— Je suis désolé, repris-je simplement.
— Et moi dont, répondit-elle.
Puis elle se remit en marche pour me contourner.
— Attends Aly, on peut parler ?
Elle soupira et me fit simplement un signe de la tête pour que je la suive.
Rien n'était ressorti de cette entrevue, elle n'avait ouvert la bouche qu'une dizaine de fois. Elle était totalement fermée et j'étais reparti plus atterré qu'avant.
***
Son cadeau de Noël glissait entre mes doigts depuis de longues minutes. Je ne lui avais pas envoyé de message, je n'y étais pas retourné depuis ma visite passée et pourtant tout ça me travaillait. Elle m'échappait et je n'avais plus aucune emprise sur elle. Plus elle s'éloignait, et plus elle semblait se monter contre moi. Pour ma part, je n'étais plus très sociable. Je répondais de temps en temps à Julia, un peu moins à Guillaume, quasiment plus aux autres. Seul mon père faisait exception. Et Georges, à qui je parlais au travail, tous les jours. Il y avait un peu plus de 10 jours que je me questionnais sur tout. Sur l'enquête, sur Aly, sur le passé, sur le futur, sur le travail. Mes nuits étaient courtes, mes journées intenses et mon esprit embrumé. Pourtant, alors que je regardai son bijou argenté glisser encore et encore entre mes doigts, une autre idée me parvint. Je devais lui offrir son cadeau de Noël, avec pas mal de retard. Mais une nouvelle occasion se présentait à moi : nous étions à 4 jours de la Saint-Valentin. Peut-être trouvait-elle la symbolique trop forte... Julia. Julia pouvait venir avec moi. Et Guillaume aussi. Simon. Peut-être serait-elle moins réticente si nous y allions ensemble. Espérer qu'elle puisse sourire et être content de nous voir me semblait relever de l'utopie, mais si cela pouvait un minimum lui faire plaisir... Secrètement, je nourrissais aussi l'espoir qu'elle soit avec les autres comme elle était avec moi, comme pour comprendre que je n'étais pas la cause de sa colère. Pourtant, je savais pertinemment que je n'y étais pas étranger.

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Souviens toi !
RomanceMatthieu se réveille de deux mois de coma mais ne se souvient de rien, ou presque. Il reconnaît son père mais ignore tout de la jeune femme qui l'accompagne, qui tient sa main dans cette chambre d'hôpital. Comment est-il arrivé là ? Que s'est-il pas...