Chapitre 11

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Je jetai simplement un coup d'œil à l'heure : il était minuit passé. Il referma la porte derrière lui avant de s'approcher de moi. Il avait retiré sa blouse de médecin et s'apprêtait très certainement à rentrer.

— À partir de demain tu sortiras toute la journée, m'informa-t-il.

J'arquai un sourcil, surpris, et me rappelant alors de ma dernière altercation douloureusement.

— J'ai fait remplacer ta porte d'entrée hier et Julia passera te prendre demain matin pour ta première journée.

J'acquiesçai simplement. Il fallait dire que ce détail m'avait échappé : mon appartement avait été saccagé et fouillé de fond en combles.

— Et quand est-ce que je pourrais rentrer définitivement ? demandai-je.

— Histoire que tu comprennes bien les choses : quand ton arcade sourcilière sera totalement cicatrisée.

Je soupirai mais ne protestai pas. Au fond, il avait raison, mais je n'étais pas coupable, je n'avais rien demandé à personne. Je reposai tout le travail d'Aly sur la tablette qui me servait à manger en temps normal. Puis, je fis tourner la bague qu'elle m'avait donnée entre mes doigts avant de la tendre à mon père.

— Ça te dit quelque chose ? tentai-je.

Il l'attrapa doucement et sourit légèrement en l'observant avant d'acquiescer.

— C'est la bague de fiançailles de ta mère. Elle me l'a rendue au divorce et je te l'ai confiée en suivant.

Je me décomposai intérieurement, certainement aussi rapidement que mon visage puisque mon père fronça les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il simplement.

— Pourquoi Aly l'avait au doigt ?

Je connaissais la réponse, je savais pourquoi, j'en étais certain, mais cela m'échappait. Je ne pouvais pas l'admettre, je ne voulais pas l'admettre parce que je ne pouvais pas l'envisager.

— Parce que tu lui as demandé sa main, répondit-il.

Je secouai la tête en récupérant la bague qu'il me tendait. Cela me paraissait tellement insensé.

— Je l'aimais ? m'enquis-je pourtant certain de la réponse.

— Plus que tout.

J'acquiesçai doucement avant de regarder à nouveau la bague que je faisais tourner entre mes doigts. Il n'était pas le premier à me le dire, et j'avais cru le comprendre, mais c'était encore trop dur de pouvoir le penser réellement alors que je ne me souvenais pas de notre histoire. Des éléments étaient revenus, mais rien ne la concernant et c'était certainement ce qui me troublait le plus.

— L'année dernière, c'était compliqué entre nous, commença-t-il. Ça ne faisait que quelques mois que vous étiez ensembles, et pourtant, elle s'est chargé de maintenir notre relation. Tu ne voulais plus entendre parler de moi, parce que j'ai voulu t'envoyer dans un centre de désintoxication. Je ne sais pas comment, mais elle a réussi à me convaincre de lui laisser neuf mois. Neuf mois pendant lesquels tu as refusé de me parler, tu ne m'as pas répondu pour ton anniversaire, ni pour des questions importantes, mais elle s'est chargée de le faire. Je pense même qu'elle a caché certains de mes messages qui auraient pu t'énerver ou te faire replonger, ce dont je n'avais pas conscience avant ça. Elle me donnait de tes nouvelles, en évoquant rarement ton état d'addiction et en se contentant de me dire si tu allais bien ou si tu ne te tuais pas à la tâche au boulot. Quand est arrivée la fin de ces neuf mois, elle est venue me trouver chez moi. Tu refusais encore de me voir ou de me parler, mais tu acceptais de repenser à la question pour un peu plus tard. Elle m'a simplement amené trois relevés d'analyse de sang datant des trois derniers mois. Aucun n'indiquait la présence d'une quelconque drogue dans ton sang. Ce jour-là, j'ai réalisé à quel point j'avais de la chance qu'elle soit dans ta vie, et à quel point j'étais redevable envers elle. Quelques semaines après, tu as trouvé un nouvel appartement. Elle m'a simplement tenu au courant du fait que vous le retapiez avec acharnement et un beau matin, tu m'as invité à bruncher dans ton nouveau chez toi. C'était en février dernier. On ne s'était pas vu depuis un an et j'ai cru voir un nouveau fils, tellement heureux... Tu m'as annoncé que tu comptais demander Aly en mariage et que tu voulais demander sa main à son père, dans les règles. Je ne pouvais pas m'y opposer, et je ne voulais surtout pas le faire, pas après tout ce qu'elle avait réussi à opérer sur toi. Alors je t'ai laissé y aller, mais ça n'a pas donné ce que tu espérais. Elle n'avait plus aucun contact avec son père depuis quelques mois, ce que j'ignorais. Elle gérait ses études, elle te gérait toi, et elle travaillait en plus de cela. Je ne l'ai appris qu'il y a peu. Elle vivait chez Julia depuis tout ce temps. Quand tu es arrivé chez son père, il a accepté d'ouvrir la porte et il t'a menacé. Si tu faisais ta demande, il comptait trouver un moyen de te mettre sur la paille et... Tu l'as quand même faite, au mois de mai, et elle a accepté.

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