Chapitre 46 - Partie 1/2

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Elle était montée dans la voiture en silence et je roulais depuis quelques instants quand elle sembla oser prendre la parole.

— Est-ce que tu peux ralentir s'il te plait ?

Mes yeux se posant sur le compteur instantanément, je réalisai que je roulais bien au-delà de la limitation de vitesse alors qu'il faisait nuit, froid et que la route glissait par endroit. Ses antécédents d'accidents de la route me revinrent à l'esprit rapidement et sans répondre, je relâchai simplement l'accélérateur laissant l'aiguille de la vitesse s'abaisser petit à petit, en silence. Et alors que je m'y attendais le moins, Aly prit la parole, les yeux posés sur la route devant elle.

— Raphy est l'un des infirmiers du centre. Il passe sa vie à essayer de me changer les idées parce qu'avec tout ça je n'arrive pas à dormir. Je refuse régulièrement les médicaments. Et il s'acharne, souvent en vain. Mais ne pas être seule m'aide quand même à ne pas broyer du noir toute la journée et toute la nuit.

Je restai silencieux face à ses révélations. Ce n'était donc pas ce que je croyais ? Réellement ? J'avais du mal à y croire. Elle était constamment irréprochable, sur tous les points, et j'étais celui qui fautait à chaque pas, qui dépasser les bornes en permanence. Et ce soir, je l'avais torturée. Autant mentalement que physiquement et je n'étais capable de m'en rendre compte que maintenant que le mal était fait. J'ignorais ce que j'étais supposé répondre, j'ignorais même si j'étais supposé répondre. Son regard semblait perdu. S'il n'y avait pas eu du brouillard à ne pas y voir un mètre devant, j'aurais pu croire qu'elle fixait la route. Laissant le silence reprendre le dessus dans l'habitacle, je fus plus que surpris de l'entendre à nouveau prendre la parole.

— Pourquoi tu flippais ? s'enquit-elle à nouveau.

Je la dévisageai quelques secondes avant de comprendre ce dont elle parlait. Quand son regard croisa le mien, je m'empressai de détourner les yeux afin de les reposer sur la route, ou ce qu'on pouvait en voir. Elle me prenait au dépourvu, et la colère étant redescendue, je me retrouvais même à découvert. Mon silence dura plus longtemps que prévu et les mots ne sortaient pas. Plus le temps s'écoulait, plus mon courage s'effaçait.

— Parce que je t'ai dit que je t'aimais ? demanda-t-elle doucement.

Comment pouvait-elle se croire responsable ? Je secouai la tête lentement, de gauche à droite. Il fallait que je lui sorte ça de la tête rapidement.

— Parce que je crois que je t'aime, soufflai-je, les yeux rivés sur la route.

J'étais incapable de tourner la tête pour affronter son regard. Je le lui avais dit et aucune marche arrière n'était envisageable en cet instant. C'était pourquoi je n'avais pas voulu lui en parler avant : parce que je refusais de franchir ce pas sans être certain de ce que je ressentais. Mais je lui devais la vérité, j'en prenais conscience peu à peu. Finalement, face à son silence, je risquai un coup d'œil vers elle pour découvrir son visage presque impassible, ses yeux à peine éclairés mais brillants braqués sur la route. Et puis son cri : « Attention », me ramena à la réalité. Tournant brusquement la tête pour regarder la route, j'eus juste le temps d'apercevoir un sanglier au milieu de la route.

Pédale de frein. Coup de volant. Plaque de verglas. Coup de volant. A-coups. Silence. La lumière des phares éclairant un talus en lisière de forêt. Sa respiration, forte. La mienne couvrant à peine les battements de mon cœur dans ma poitrine. Rapidement, mes yeux se posèrent sur elle. Sa main droite était cramponnée à la poignée de la portière. Sa main gauche serrait son siège. Son regard était porté à travers le pare-brise, sur ce que nous permettait de voir le brouillard, c'est-à-dire pas grand-chose.

Souviens toi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant