Chapitre 36

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Je n'avais pris le risque que de lui confier qu'elle s'était pris une balle. Me pensant très certainement loin de la réalité ou menteur, il n'avait pas insisté pour en savoir plus, me promettant qu'il saurait ce qu'il s'était vraiment passé tôt ou tard. Et ça, il était loin de se douter qu'il était aussi proche de la vérité puisqu'il serait très certainement au courant des affaires dans lesquelles sa fille était impliquée, par ma faute. Pourtant, une fois arrivé à l'hôpital, je me contentai de gagner le bureau de mon père. Ne l'y voyant pas, j'interpellai la première infirmière, de manière peu agréable je pouvais le concevoir, pour lui demander où il était. Devant son ignorance, je commençai à nouveau à m'agacer.

— Tu sais où elle est ou non ? me demanda son père à la fois agacé par mon comportement et inquiet pour sa fille.

— En réanimation, vous voyez bien que je ne suis pas avec elle en ce moment, m'agaçai-je un peu plus.

À cet instant, mon père apparût au bout du couloir. Je le rejoignis rapidement, attendant qu'il m'informe sur l'état d'Aly. Il était supposé me tenir au courant et pourtant il ne m'avait pas rappelé. Son premier geste fut de me serrer brièvement dans ses bras avant de finalement serrer la main du père d'Aly.

— Docteur Claret, se présenta mon père.

— Patrick Bernard, répondit formellement le père d'Aly.

Mon père se chargea d'interpeller une infirmière qui passait non loin pendant que je m'interrogeais, le temps d'une seconde, sur la raison pour laquelle Aly ne portait pas son nom de famille.

— Sylvie, je te laisse amener le jeune homme ici présent en réa, confit le à Yoann, dis-lui que c'est le fiancé d'Alyson Kingston.

— Fiancé ? releva le père d'Aly aussi surpris qu'amer.

— Monsieur Bernard, je vais vous recevoir dans mon bureau pour vous expliquer la situation et ce qu'il en est. Je pourrai également appeler la mère d'Aly...

Le reste s'échoua au loin dans le couloir, mes yeux n'étant plus concentrés que sur les pas de Sylvie qui me guidaient dans l'hôpital. Je le connaissais cet hôpital et pourtant en cet instant tout me paraissait si différent, si concret et abstrait à la fois, j'étais incapable de m'y repérer seul, j'étais incapable d'imaginer dans quel état j'allais la trouver... Souriante et fatiguée, légèrement cernée. C'était ainsi que je l'imaginais, la jambe blessée mais presque requinquée. Cette image m'aidait très certainement à me sentir moins mal. Pourtant, quand elle me confia aux mains de Yoann, il ne m'emmena pas tout de suite la voir, ce qui me surprit.

— Il faut que vous sachiez qu'elle est branchée à plusieurs appareils afin de contrôler ses constantes et elle est intubée afin de laisser le fonctionnement de son corps reprendre normalement. Ça peut parfois être surprenant mais il faut comprendre que ce n'est pas forcément mauvais. Son réveil à la sortie du bloc s'est bien passé, puis elle a été transférée ici. Elle est très faible et un peu assommée par les médicaments, ce qui est normal.

Me contentant d'acquiescer, je m'étais efforcé d'écouter ce qu'il avait à me dire. D'habitude c'était elle qui jouait les oreilles, et moi l'impatient. Concilier les deux avait été compliqué, d'autant plus avec la fatigue de ma longue nuit blanche et de la soirée de la veille. Rapidement je le suivis à travers les couloirs. Quand il ouvrit doucement la porte de l'une des chambres, je ne fis qu'un pas à l'intérieur. Son sourire, ses yeux rieurs quoi qu'un peu cernés, sa douceur légendaire... Je me stoppai net, prit de nausées. Rien de tout ça. Elle était simplement ailleurs, loin, branchée de partout, pas même en train de respirer d'elle-même. Le cœur serré, je finis par avancer à nouveau dans la pièce. Comment pouvait-elle se retrouver là ? Le seul bruit qui me parvenait aux oreilles en cet instant était celui de son cœur, indiqué par un bip régulier. C'était le premier bruit que j'avais entendu à mon réveil quelques semaines auparavant. Et la première chose que j'avais senti, avec ça, avait été sa main dans la mienne. Pourtant, je me sentais incapable de le lui rendre en cet instant. Ce tuyau qui sortait de sa bouche, ces électrodes posés sur sa poitrine, cette aiguille dans son bras branchée à divers liquides, cette pince au bout de son doigt... le drap recouvrait le reste de son corps. Sa peau était d'une extrême pâleur, ses lèvres sèches et ses paupières closes lui donnaient un air pourtant si calme. Elle semblait à ce point fragile et fébrile que je me sentais incapable de la toucher.

Souviens toi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant