Chapitre 7 - #4

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Tim entre le premier dans le vaste salon. En dehors d'une vieille armoire en bois branlante et d'un vieux canapé défoncé, tous les meubles ont été enlevés ou désossés. Alors que je m'apprête à entrer à mon tour, Jeremy me passe sous le nez et file visiter le premier étage. Il revient, quelques minutes plus tard, bredouille.

— RAS au premier, annonce-t-il d'une voix tout à fait sérieuse.

— RAS au rez-de-chaussée aussi, lui répond Tidji.

Devant l'attitude innocente du gosse, je souris discrètement avant de me reprendre aussitôt. Malgré moi, je ne peux m'empêcher de lui trouver quelque chose d'attachant et ça m'effraie. Après avoir fouillé tous les recoins de la maison, il pose enfin ses fesses dans un coin et farfouille dans son sac pour bidouiller des objets qu'il a emportés avec lui.

Camélia s'affale sur le canapé, l'air un peu pâle ; bien qu'elle ne se soit pas plainte de la journée, sa blessure n'est pas encore tout à fait cicatrisée et elle souffre encore beaucoup. Khenzo s'assied à ses côtés et s'endort aussitôt, la tête légèrement inclinée vers l'avant. Sans qu'ils aient eu besoin d'échanger le moindre mot, Ed et Nedj prennent le premier tour de garde. Un deal est un deal et si je n'ai qu'une parole, je ne suis pas sûre qu'il en soit de même pour Tête Aplatie. Mieux vaut rester prudents.

Malgré tout, je décide de profiter de ce moment de repos puisque nous avons déjà deux sentinelles opérationnelles. Tandis que chacun s'installe dans un coin de la maison, je vérifie une dernière fois mon détecteur avant de l'éteindre. Dans un rayon de cinq cents mètres, il y a une centaine d'armes – cela va de l'arme de poing au fusil d'assaut – et environ trois cents âmes vivantes. Pas plus de danger que ce que j'ai pu constater de mes propres yeux donc et l'attitude décontractée des habitants me pousse à croire qu'ils ne sont pas souvent inquiétés par le NGPP.

La soirée passe doucement et je me laisse bercer par ce sentiment de sécurité qui se fait tellement rare. Je me prends à imaginer la vie des habitants qui occupaient ces lieux avant la Rupture. Un homme d'une quarantaine d'années, propriétaire depuis peu. Peut-être marié à un autre homme, plus jeune. Sans doute en procédure d'adoption. Ou bien un couple de quinquagénaires, coulant de doux jours heureux en attendant la fin. Et ils auraient un chat. Un beau chat roux et blanc aux yeux bleus. Avec une perruche aux couleurs flamboyantes. Qui balance sa tête, de gauche à droite, sur une chanson d'Eddy Moon, le roi de la pop-rock. Oui. C'est cool une perruche. Et tous les samedis, leurs petits-enf...

— Allez miss, c'est à notre tour !

Surprise, j'ouvre grand les yeux. Tidji est penché au-dessus de moi et me secoue vivement le bras. Mécontente d'avoir été réveillée en plein rêve, je marmonne quelques mots fleuris. Pour une fois que je ne faisais pas un cauchemar !

Cela n'émeut pas pour autant mon camarade de voyage qui s'éclipse à l'extérieur de la maison en riant sous cape. Je le rejoins dans l'obscurité et me laisse tomber lourdement sur les marches du perron. Le froid me saisit aussitôt et je remonte le col de mon manteau en constatant qu'il neige à gros flocons.

— Je t'ai réveillée au moment où le prince charmant t'embrassait ? se moque Tidji.

— Ferme-la.

— Que de grossièreté dans la bouche d'une femme... tsss.

Je ne relève pas. Il a raison. Mais j'ai froid et je suis de mauvaise humeur.

Mon attention est soudainement attirée par un mouvement sur le côté de la maison. Comme je m'y attendais, Tête Aplatie a fait poster des hommes tout autour de nous. Je préfère penser que c'est au cas où nous ne tiendrions pas parole. Sinon, nous sommes plutôt en mauvaise posture.

Horizons #1 - Sombre baladeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant