10. Le tatouage

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Je suis réveillé par le soleil qui transperçait la fenêtre en raison du store non-fermé de la veille.
Un halo de lumière se déposait sur le visage de Why, faisait ressortir ses tâches de rousseur et ses pupilles bleues.
Les événements nocturnes me revinrent en mémoire, étirant instantanément un immense sourire sur mon visage.

Sa tête était posée sur mon torse et ses cheveux noirs en pagaille, éparpillés un peu partout, contrastaient avec ma peau et les draps pâles.

« - Hey, je murmure quand elle ouvre les yeux.
- Hey, elle sourit. »

Qu'est-ce que je l'aime.

***

« - Mais on y est déjà allé, Why, je grogne.
- Mais pas partout ! Allez Clyde s'il te plaît !

Je ronchonne et finis par murmurer quelque chose d'inaudible qui est censé dire « oui ».

- Merciiii !

Elle saute dans mes bras, et nous rentrons dans Central Parc.
J'avais pris un livre, le même que j'ai depuis les début du voyage. Je compte le relire pour la cinquante quatrième fois (j'ai marqué le nombre de lectures sur la couverture du bouquin).

Il est vraiment usé par le temps, les couleurs de la couverture sont passées et les pages jaunies.

Je m'allonge dans l'herbe pendant qu'elle sort un livre à son tour. Qui es-tu Alaska, que nous avons acheté il y a quelques jours.
Elle pose sa tête sur mon ventre et entame sa lecture.


« - Clyde ? elle murmure.
- Mmmh ? je demande en sortant la tête de mon bouquin.
- Pourquoi t'étais si touché par le fait que j'ai vendu mon corps ?

Je me retourne vers elle.
Elle s'est relevée, et semble soudainement intéressée par les brins d'herbes qu'elle arrache nerveusement.
Comme si elle avait peur de ma réponse, ou honte de sa question.

- Tu veux que je te raconte ?

Elle hoche la tête.

- Ma mère était une pu... prostituée.
Puis un jour, un gars l'a mise en cloque. T'imagines sa réaction, elle voulait pas de gosse. Pendant qu'elle était enceinte, elle a rencontré Georges, mon beau-père. Un vrai connard. Il restait avec elle pour son fric, tu vois ?
Et il lui a dit que ça allait, un gosse c'est bien. Il lui a sorti les clichés nuls sur les enfants qu'elle s'était ancrée en tête. Puis finalement ils ont décidé de garder l'enfant. Ils étaient contents, même.
Mais ça c'était pas moi. C'était mon frère.
Je suis arrivé quelques semaines plus tard.
Elle attendait pas un gosse mais deux. C'était la goutte d'eau. J'étais la goutte d'eau. Et cette débile, elle voulait avorter d'un seul gosse, moi, mais on lui a dit que c'était pas possible.
Là elle a peté un câble. Donc elle s'occupait de mon frère, jamais de moi.

Flashback, onze ans avant

« - Joyeux anniversaire bébé ! crie ma mère quand je descends les escaliers.

J'esquisse un énorme sourire. C'est la première fois qu'elle me souhaite mon anniversaire !
Je m'approche d'elle.
Mais ce n'est pas à moi qu'elle s'adressait. Mon frère était déjà dans ses bras, et quand je suis passé à côté d'elle, elle m'a ignoré.
Puis Georges m'a tendu un paquet cadeau, et j'ai écarquillé des yeux. Ils ne m'en avaient jamais donné.

Fin du flashback, retour au présent

«- C'était les emballages des cadeaux de Chase, mon jumeau. Vides. Quand j'ai eu onze piges, j'ai fabriqué un mur pour séparer ma partie de ma chambre et la sienne.
Et tu sais fait de quoi ? De toutes les boites de chaussures, de voitures télécommandées, de jeux vidéos reçus par Chase.
J'avais un matelas par terre, lui un lit double. Il avait trente carreaux de carrelage à son sol et moi quinze. Il avait des vêtements neufs. Il avait des parents et moi personne.
Et un jour, elle m'a mis une robe à fleur, cette salope, en répétant que c'était mixte. Moi j'men foutais, tu sais. Mais quand t'es en cinquième, les gens en ont pas rien à foutre. Ils m'ont vidé un flacon de parfum pour petite fille dans les yeux.
En cours de lutte, les profs me mettaient contre les lourdingues, les potes de Chase.
De mes six ans à mes dix-sept on a passé son temps à me frapper, à se foutre de moi sous le regard de mon propre frère.
Tout ça pourquoi ? Parce qu'un gars a refusé de se protéger en couchant avec ma mère. P't'être qu'il la payait plus et qu'elle avait besoin d'arrondir les fins de mois.

THE BIG WHYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant