Je reste un moment sans bouger, et Nate arrive à son tour. Il doit comprendre, vu comme il la regarde : il a du la reconnaître par rapport au tableau.
Je finis par bouger et fonce vers Why devant le regard des gars, puis l'entraîne dehors. Je lui indique de monter dans ma vieille Chevrolet d'un signe du menton et elle s'exécute. Nous bouclons notre ceinture et je démarre la voiture, sachant parfaitement où j'allais.
Le trajet se déroule dans un silence pesant et tendu, lourd de toutes les choses que nous avions à dire. J'ai peur que des larmes ou des insultes ne débordent si j'ouvre la bouche.
Je finis par me garer dix minutes plus tard sur un parking désert, face à la mer. Le ciel orangé par le soleil couchant rappelle la couleur de son débardeur qui moule parfaitement sa poitrine. Elle a un jean bleu foncé, large et droit, déchiré par endroit et des Converse noires hautes. Elle est vachement belle, quand même.- Elle est sympa ta voiture, finit-elle par lâcher maladroitement.
Mais ça me convient parfaitement, sa voix, que je n'avais pas entendue depuis un an résonne dans mes oreilles, s'empare peu à peu de mon corps. J'aimerai qu'elle parle encore et encore des choses les plus débiles au monde, juste pour l'entendre à nouveau.
Puis je me rappelle de son départ, de mon mal-être, de ma dépression, de mon mutisme. Je me rappelle que je lui en veux.- Je sais pas quoi dire, souffle-t-elle, consciente de sa gaucherie.
- Pourtant t'es là, et tu devrais au contraire avoir un paquet de trucs à balancer, dis-je sur un ton de reproche.Je la vois déglutir.
- Pourquoi t'es partie, je reprends.
- Ça me paraît assez logique.
- Pour moi clairement pas.
- Je te détruisais, Alec. Et je crois que je te détruis toujours.
- On casse pas quelque chose de déjà cassé.
- Si, justement. On brise l'assiette encore et encore, jusqu'à ce que les miettes deviennent des miettes. On arrête seulement quand il n'y a plus rien à casser.
- Tu n'aurais pas du partir.
- Bien sûr que si ! Regarde, regarde où tu en es ! T'as des amis, une vie normale. Je n'aurais jamais pu t'en offrir une.
- Mais je n'en avais pas forcément envie ! Ça ne me dérangeait pas d'avoir une vie de détraqué, tant qu'elle était avec toi. Mais non, toi tu as préféré partir en laissant pour tout excuse une lettre bidon !
- Ça a été dur pour moi aussi.
- Mais ne te fais pas passer pour la victime ! Tu es partie, Why ! Tu m'as laissé en plan !
- Mais tu pouvais tout avoir ! Avoir la vie que tu as maintenant ! Tu pouvais réussir, avoir un bon job, une femme, trois gosses et un labrador ! Moi je n'avais plus rien !
- Mais tu dis n'importe quoi, tu m'avais moi ! T'avais également tes parents ! A qui tu n'adressais jamais un mot ! Je n'ai pas de parents, Why ! Je n'avais que toi, et tu est partie, criai-je.
- Tu ne m'avais plus, Alec, tu ne comprends pas ? Je ne m'avais pas moi même ! Je te tuais à petit feu ! Et j'ai bien fait, regarde où tu en es ! T'as une vie géniale et je ne suis pas dedans, c'est très bien comme ça !
- Tu n'es pas dedans ? Tu n'es pas dedans, répétai-je. Putain, mais tu crois que je ne te vois jamais nulle part ! Que j'ai déjà vécu un jour sans penser à toi, une nuit sans rêver ou cauchemarder de toi ! Tu es partout, PARTOUT ! T'es écrite en gros dans mon cerveau et je n'arriverai probablement jamais à gommer ton putain de prénom ! T'as une place énorme, qui envahit tout, qui bouffe mon cœur et mon corps. T'es absolument tout pour moi, Why.
- Mais ça ne devrait pas marcher comme ça, murmure-t-elle.
- J'en sais rien. J'ai même pas envie de savoir.On arrête de parler un instant, je fixe l'océan que le soleil rend rose. Je sens son regard plein de larmes posé sur moi. Je voudrais la regarder, parce que j'ai beaucoup trop de choses à rattraper avec elle. Mais je sais que j'exploserai en sanglots dès que les yeux croiseront les siens.
- Pourquoi tu n'es pas venu me voir ? demande-t-elle en essayant de masquer les sanglots de sa voix.
- Je suis venu te voir. Deux fois.
- Une fois en décembre, pas vrai ?
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THE BIG WHY
RomanceC'est dans une gare, où un gars et une fille purement inconnus se rencontrent : « - Viens on part. - Où ? - Je sais pas, mais le plus loin d'ici. » C'est comme ça qu'ils se retrouvent à traverser l'Amérique. Mais quand on a seulement 17 ans, que...