9. Gotiques

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Je me réveille dans le matelas le plus inconfortable au monde.

« - Bienvenue dans l'hôtel le plus réputé de Queen ! m'annonce Why, toute enjouée.
- C'est vraiment merdique.
- Ouais mais sept dollars la nuit.
- Ha ouais. T'allais faire quoi ?
- Bah me coucher il est minuit chéri.
- Ah. »

Et je crois que je me suis rendormi comme une masse.

Le lendemain

On a éclaté la carte bancaire dans un friperie où Why voulait absolument aller, parce qu'on ne pouvait pas « être fringué comme un tas de merde à New York ».

Alors elle a acheté un collant résille et un tee-shirt Nirvâna noir qui lui arrivait mi-cuisse.
Puis des Doc's Martens noires, mais celles là on les a pas vraiment achetées. Un emprunt à longue durée comme elle dit.
Moi elle a insisté pour qu'on me prenne un jean trop large et déchiré de partout, un tee-shirt noire basique et une deuxième paire de Doc's.

Et préparez vos oreilles, elle m'a fait percé l'oreille gauche.
Moi, l'oreille percée. J'ai maintenant un truc noir qui me traverse le lobe.

Mais j'avoue qu'on est super beaux.

Elle a mis du rouge à lèvre noir, des créoles, et malgré ce look elle semble toujours aussi enfantine, bien que beaucoup plus sexy.

- Mais fais marcher ton cerveau cinq secondes, Clyde, elle me fait la morale. On est à New York. On fait quoi à New York ? On va dans un bar avec que des gothiques psychopathes. Merci.

Et je me suis entraînée dans ce tour à rats, où des adolescents en chaleur à moitié nus (l'autre moitié c'était du noir) se déchaînaient devant une scène ou un bassiste, un batteur et un guitariste se défoulaient.

Mais on se laisse vite emporter, et bientôt, je m'agite dans tous les sens, en regardant Why faire de même, les cheveux totalement emmêlés, et la vie, elle un peu moins.


On sort trois heures, cinq verres d'un mélange d'alcool vraiment forts, et deux joins plus tard.
On est totalement défoncés, et on rigole vraiment pour rien.

- Tu sais quoi, Clyde ? elle demande.
- Ben non je sais pas, Why.
- Pendant le temps qu'on est à New York, on va faire tout ce qu'ils disent dans les paroles de New York avec toi.
- Ça c'est une riche idée Why.
- Je crois qu'on est défoncés non, Clyde ?
- Je crois aussi, Why.
- Arrête de dire mon prénom, Clyde.
- D'accord, Why.
- Connargqjdknse.

Elle vomit sur le trottoir.

- Clyde j'ai vomi.
- Je vois ça. On rentre à l'hôtel Why ?
- On dessoûlera sur le chemin.

On marche, et je vois pas tout à fait la ou je mets les pieds.

- Faudra qu'on se fasse un tatouage aussi Clyde.
- Ça c'est une riche idée Why.
- Tu sais j'ai déjà rêvé que j'embrassais Cole Sprouse dans un buisson ?
- Bah ça alors c'est peu commun !
- Tu l'as dit. »

Ensuite on s'est arrêté dans un parc, et on s'est assis sur les balançoires. Elle écoute Colombine, un groupe de rap français dont je ne comprends pas du tout les paroles.
Elle elle chante du yaourt, et putain c'est horrible.
Puis on est resté là deux bonnes heures, et quand on se sentait mieux, un peu moins soûls, on est rentrés.





« - J'ai presque des plus grands pieds que toi ! elle rigole.

On est allongé sur un vieux matelas de l'hôtel le plus miteux au monde.
On a les pieds en l'air, et on les fixe comme deux idiots.

- N'importe quoi ! T'as des pieds de lilliputiennes !
- Meme pas vrai ! Je fais du 37 attends !

J'explose de rire.

- Du 37 ? Du 37, Why ?!
- Mais non 47, t'as mal entendu, elle sourit.

Elle sourit énormément. Si bien que son rouge à lèvre noir se craquelle sur ses lèvres pulpeuses que je rêve d'embrasser.
Elle s'est maquillée aujourd'hui. Elle était un peu gothique et ça lui allait à ravir.
J'ai tourné la tête, et je la fixe désormais. Elle est tellement belle.

- J'les aime bien tes yeux, dit elle.

Je me rend compte qu'elle ne fixe plus le plafond, mais moi.

- Ils sont profonds. C'est un bleu magnifique, un peu comme un ciel avec des nuages. C'est fluide.

J'hoche la tête alors que je ne comprends pas du tout.
Je comprends jamais rien à ce qu'elle dit de toutes façons, je suis bien trop intéressé par le mouvement de ses lèvres noires et de son regard quand elle parle.
Même quand elle raconte des conneries (et Dieu sait qu'elle en raconte souvent) elle est toujours concentrée sur ce qu'elle dit, comme si l'avenir de l'humanité dépendait de ses dires.
C'est assez marrant à voir.
J'utilise tout le temps le mot marrant.
Et merde, je pense beaucoup trop.
Pourquoi je pense autant alors que les lèvres de la plus belle fille au monde se trouvent à trente centimètres de moi ?
Je préférerais l'embrasser.
Comme dans les films.

Elle sourit et elle me regarde, comme si c'était moi qui la faisait sourire.
Elle parle et pourtant je ne capte pas un mot de ce qu'elle dit.

À ce moment là, j'ai vraiment eu envie de poser mes lèvres sur les siennes.
Mais j'étais ordinaire et elle était extraordinaire, j'étais purement maladroit et elle infiniment sûre d'elle, j'étais attrayant et elle était fascinante.
J'étais moi et elle était elle.

Et pour une fois dans ma vie, j'ai eu confiance en moi.
Je me suis rapproché doucement d'elle, et je l'ai fait. Je l'ai embrassé, coupant le flot de paroles qui sortait de sa bouche.
J'ai actuellement l'impression qu'un feu s'artifice est déclenché dans mon ventre.

- Dis le si je te soule, elle murmure contre mes lèvres, et je souris.

Putain je m'en rends compte, qu'est-ce que je souris. Elle rend tellement heureuse.
Je me retourne sur elle et me mets à califourchon.
Elle agrippe mes cheveux et les tire, sa langue se fraye un chemin entre mes lèvres et se mêle à la mienne.
J'attrape les pans de son tee shirt et le relève doucement, elle se laisse faire tout en approfondissant notre baiser.
Puis je l'enlève, et je découvre sa magnifique poitrine seulement recouverte d'un soutien gorge noir en dentelle.

Tout est noir, et à la fois tout est rose.

Elle retire mon haut, puis essaye d'enlever de chaussures en vain, ce qui nous fait rire. Je descends dans le lit pour défaire les lacets de ses Doc Martens.
Une fois à terre, je prends son colant résille et le tire vers moi. Il tombe au sol, et je remonte le long de son corps.

Et nos habits volent dans la pièce, et les draps volent sur le lit.
Puis moi je plane au septième ciel, avec une fille volée aux étoiles.

C'est sur un matelas de merde, ou nous ne devions pas être les premiers à faire ça, dans un hôtel de merde paumé dans New York que j'ai fait l'amour la première fois de ma vie, avec la fille la plus folle que j'aie jamais rencontrée.

THE BIG WHYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant