Chapitre 2 - Thomas

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Enfin, j'arrivai au Caire. Cela faisait des mois que je préparais cette aventure, ayant rassemblé tout l'argent que je pus afin de payer ce voyage et convenir à mes projets. Depuis l'instauration de la nouvelle route des Indes, il ne fallait pas plus de trois mois pour atteindre Bombay, c'était ma destination. La Compagnie britannique des Indes orientales étant établie depuis près d'un siècle venait de voir sa licence prolongée pour quelques décennies encore. Je savais que le commerce pouvait être florissant pour qui avait le cran de se lancer. Et je voulais être de ceux-là.

Comme il était de bon ton dans ce genre d'entreprise, je logerais chez l'habitant. Je ne connaissais pas vraiment ce monsieur, Tyler Miller, mais il m'avait été conseillé par des amis de mes parents à Londres, ma mère patrie. J'avais griffonné l'adresse sur un parchemin, aujourd'hui abîmé d'avoir séjourné des semaines dans le fond de mes poches. Après avoir interrogé plusieurs autochtones, aucun ne parlant l'anglais, je trouvai enfin un guide qui me conduisit jusqu'à sa demeure. En route, je fus toisé de nombreuses fois par les hommes vivant dans ce quartier, mais également des femmes. Au demeurant fort belles pour le peu qu'elles laissaient voir de leur personne, la plupart me souriant puis se dissimulant prestement sous un voile.

Cette culture s'avérait très différente, mais passionnante.

Je n'avais pas grand-chose avec moi. Juste un sac, vestige de ma vie passée dans la marine, ma bourse, mes documents officiels et bien entendu, toute la motivation dont j'étais capable.

Je passai à proximité d'un marché, les senteurs des épices excellaient par ici. Autre chose que les poissonniers vendant la morue à la criée dès l'aube. Et parmi cette cohue de couleurs et de parfums, l'appel provenant du minaret qui fit se raréfier les acheteurs dont nombreux se rendaient à la prière. Je pus me déplacer avec plus d'aisance et trouvai enfin la maison de cet ami. Il s'agissait d'une double porte en arche coincée entre deux murs aveugles, je frappai.

Si l'extérieur ne payait pas de mine, l'intérieur était un tout autre monde. Une cour pavée, une fontaine rafraîchissante vers laquelle je me dirigeai alors qu'un serviteur me menait au maître des lieux. J'y plongeai la main, m'aspergeai le visage et continuai, ravi de ces découvertes.

— Heureux de vous connaître, cher ami. Thomas Winter n'est-ce pas ?

Il s'avança, bras ouverts afin de m'accueillir. Il s'agissait d'un homme au seuil de la quarantaine dont le teint hâlé par le soleil du pays l'aurait presque fait passer pour un égyptien pur souche. Bien que je possédais un bronzage honorable suite à mes multiples missions en mer, j'en étais encore loin.

— Venez avec moi, vous devez être exténué par ce voyage.

— Asséché serait le mot juste, riais-je, soulagé d'être en aussi bonne compagnie. Je vous remercie de votre hospitalité Sir.

— C'est bien normal. J'espère néanmoins que j'aurais le temps de vous faire découvrir les splendeurs du Caire.

— Je ne suis pas spécialement pressé.

— Grand bien vous fasse ! rit-il à son tour.

Il me mena vers un petit salon d'extérieur disposé à l'ombre où un serviteur s'empressa de servir du thé. Non pas dans des tasses de porcelaine, mais dans de petits verres aux gravures dorées, versant le breuvage en tenant éloigné le bec de la théière.

— Tout d'abord, goûtez ceci. Par de fortes chaleurs, il est conseillé de boire son thé chaud. Celui-ci vous ravira.

Les effluves de menthe poivrée me montèrent jusqu'au nez dès que je fus assis, tandis que de perçu depuis le balcon, les rires cristallins de quelques jeunes filles moins farouches que celles que j'avais croisées.

— Elles semblent vous plaire, coupa mon hôte en pleine contemplation. Il s'agit de mon harem, mes appartements ainsi que mes femmes et esclaves. Mais si vous le souhaitez, pour le temps que durera votre séjour, nous pouvons vous trouver de la compagnie. Je connais justement un endroit idéal pour cela.

Parfait ! Moi qui étais en partance pour l'Orient, j'avais fait escale au paradis.

La femme de l'antiquaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant