Chapitre 7 - Adèle

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On m'apporta des fruits ainsi qu'un vêtement, mais je ne souhaitais prendre aucun risque. Je quittai cette demeure, empruntant le couloir destiné aux serviteurs jusqu'à une porte dérobée. Une fois dehors, la foule me permettrait de me faufiler jusqu'à chez moi.

Mon personnel fut choqué de me revoir dans cette tenue, mais aussi soulagé de rentrer après des jours sans nouvelles.

Je pouvais enfin souffler, à l'abri, en sécurité. J'allai dans notre hammam situé dans un petit bâtiment attenant à mes appartements et pu me plonger dans un bain chaud et parfumé. Je fermai les yeux. Je pouvais souffler. Et l'image de cet homme, cet anglais me revint. Je ne devais plus songer à lui de cette façon, dès demain, j'enverrai mon intendant présenter mes excuses, lui verser la somme que je lui dois et je pourrai oublier toute cette affaire.

Je devrais néanmoins engager quelqu'un de fiable pour mes prochains déplacements et préférer adopter une attitude patiente plutôt que de me jeter sur le premier navire venu.

Mais le souvenir de ses yeux, de son sourire me troublèrent de nouveau. Et dire qu'il m'avait vue pratiquement nue, j'en frissonnai tout en m'immergeant jusqu'au menton.

Pourtant un amant m'aurait peut-être convenu. Les souvenirs m'assaillaient, ceux du jour où, à l'aube de mes dix-neuf ans mon époux m'avait permis cela.

— Je ne suis pas capable de t'honorer et une jeune femme telle que toi à des besoins à combler, m'avait-il dit. Je ne veux pas que tu souffres de cela et t'autorises à prendre un amant, tout ce que je te demanderai sera de demeurer discrète.

— Jamais de la vie, m'étais-je alors écriée. Je vois bien que cela vous coûte de me le permettre et je ne vous ferai jamais souffrir. Je vous serai fidèle.

Et j'avais tenu ma parole de ne jamais aimer un autre que lui. Ce n'était pas le véritable amour certes, mais j'étais attachée à cet homme. Et malgré son impuissance, il prenait soin de moi à tous les niveaux. Tout comme je prenais soin de lui. Il était néanmoins tactile et aimait que je dorme nue à ses côtés, me blottissant contre lui. Il aimait également que je le caresse et que je flatte son membre de ma bouche. La première fois, la chose m'avait paru si déshonorable que j'en avais pleuré, mais à force de le voir heureux, cela m'avait apporté un peu de plaisir à moi aussi.

— Tu me manques, pensai-je tout haut tout en retenant mes larmes.

À quoi bon ? Ici personne ne me verrait et je pouvais me laisser aller. Je demeurai ainsi un long moment, m'étant fait apporter de quoi manger, ma peau fripée me rappelait sans cesse qu'il était temps que je me sèche et je reportai cet instant, préférant mes souvenirs lorsque l'on vint m'avertir d'une visite impromptue.

— Madame, un homme demande à vous voir. Il dit s'appeler Thomas Winter. Il a l'air en colère.

— Est-il seul ?

— Oui madame.

— Faites-le attendre dans le petit salon, servez-lui du thé.

Je me levai et commençai à m'angoisser. Il s'était déjà aperçu de ma disparition et ne devait pas vraiment apprécier cela. Je le comprenais fort bien et lui ferai remettre dès ce soir la somme due. Mais il débarqua, poussant la porte ainsi que mon employé. Il avait dû suivre la servante. Je me retrouvai de nouveau dévêtue face à lui, complètement cette fois.

Il me jaugea, avala difficilement sa salive alors que je demeurai tétanisée par cette arrivée brutale avant de lancer.

— Madame, sachez que je fais valoir mon droit puisque vous avez failli à votre parole. Vous êtes ma propriété ainsi que vos biens. 

La femme de l'antiquaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant