Chapitre 30 - Thomas

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J'étais étonné de voir Miller ici, j'ignorais qu'il lui arrivait de voyager aussi loin du Caire, j'aurais pourtant dû m'y attendre. Sans nouvelle de ma part, il s'était sans doute déplacé dans l'espoir de me retrouver. Son air réjoui ne fut pas plus clair. Nos rapports n'étaient plus vraiment cordiaux bien que je ne lui avais fait aucun reproche concernant son odieux mensonge. Juste une missive avant de quitter l'Égypte sans précisions sur mes projets, le remerciant pour son hospitalité. Je n'étais pas vraiment adepte des us et coutumes hypocrites, je m'y pliai pourtant, afin d'éviter tout scandale.

— Cher ami, vous êtes bien loin de chez vous, comment vous portez-vous depuis tout ce temps ?

— Ma foi très bien. Mais que dire de vous que je découvre en charmante compagnie.

Si ces mots avaient été couchés sur papier, nul n'aurait pu convenir qu'il y avait une certaine animositédans l'intention. Ainsi que dans le regard lancé vers Adèle qui s'esquiva derrière son éventail de dentelle. La connaissant, elle aurait pu très bien lui répondre, mais c'était à moi de le faire vu qu'il n'avait pas encore daigné lui adresser la parole directement. Les autres convives derrière nous avaient baissé d'un ton jusqu'à se taire, attentifs à notre discussion.

— Charmante en effet et quelque peu fatiguée, hélas. C'est fort triste de vous croiser si tardivement, nous nous apprêtons à rentrer.

— Vraiment ! Allons, vous aurez bien encore quelques minutes à me consacrer.

Je lui souris, me retenant de lever les yeux au ciel. Je sentis ma douce se crisper sous ma main gardée à sa taille. Pourtant, j'acceptai. Qu'il se décide à percer l'abcès et que nous puissions nous expliquer. Dommage que cela doit se faire en public.

Je fis asseoir Adèle face à lui et me tint debout à côté d'elle tandis qu'il prit place sur l'autre siège. Il réclama un brandy, j'acceptai de trinquer puisqu'il insista. Il ne proposa rien à ma compagne.

Il avait un don certain pour signifier à quel point il la tenait en mésestime et ne fut pas long à la piquer au vif.

— J'espérais de vos nouvelles concernant notre petite affaire, mon ami.

— Disons qu'il y a eu erreur et que l'affaire n'existe plus. J'ai pu tenir entre mes mains la preuve de l'achat de l'objet dont vous me parliez.

— Et vous y avez cru ? Tom, voyons. Comme vous êtes bien naïf. Mais il est vrai que vous ne connaissiez pas cette crapule de Henry.

— Monsieur ! s'interposa Adèle, prête à en découdre tout autant que de nous faire remarquer.

Je posai ma main sur son épaule, elle leva tête et me lança un regard suppliant. Pourquoi son époux aurait volé ce livre alors qu'il avait de quoi le payer au centuple ? D'après ce que j'avais ouï dire de lui, il s'agissait d'un négociateur hors pair.

— Comme je vous l'ai dit, cela doit s'agir d'un malentendu, rien de plus, insistai-je tout en faisant tourner le liquide ambré dans mon verre, faisant mine que rien de fâcheux ne se déroulait de notre côté.

Décidément, je devais bien mal connaître Miller qui contre-attaqua.

— Brave petite, je vois que vous êtes devenu son nouveau maître, ce doit être excitant de l'avoir à son service. J'aimerais au nom de notre amitié, venir vous rendre visite l'un de ces jours et, qui sait, l'essayer moi aussi.

Là, il allait trop loin et je jugeai bon de stopper cette mascarade.

— Faites immédiatement vos excuses Miller, de quel droit osez-vous insulter ma compagne ?

Les conversations se turent.

— Votre compagne ? Votre putain, vous voulez dire.

Quelques femmes furent outrées derrière nous et les murmures s'animèrent. Que tentait-il de faire ? Nous discréditer ? Tous ici savaient ou du moins se doutaient que nous étions amants. Et pourtant, je ne pouvais laisser passer cet affront.

— Monsieur, je demande réparation pour cette offense. Et en tant qu'offensé, j'aurai le choix des armes, je vous attends demain, à l'aube dans le petit parc jouxtant cette propriété.

La femme de l'antiquaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant