Chapitre 3 - Adèle

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Ils m'avaient enfermé dans une chambre dépourvue de charme. Les murs blanchis s'écaillaient et l'unique et minuscule fenêtre était garnie de barreaux. J'avais ordre de me vêtir et de me coiffer. Mon estomac criait famine, je n'avais rien osé avaler de crainte que l'on m'empoisonne afin de me rendre docile. Dans un tel état, je n'aurais rien pu tenter pour ma libération. Mais ces gredins étaient intelligents, ils me couvrirent de la tête aux pieds lors de mon arrivée, impossible de dire si j'étais européenne ou africaine, puis m'avaient enfermée ici sans que je ne puisse parler à quiconque.

Cela faisait des jours qu'ils me retenaient prisonnière et je pressentais qu'ils avaient fait demi-tour jusqu'à Suez pour ensuite prendre la route du Caire. Dire que j'étais sans doute si proche de l'une de mes demeures. Je devais fuir d'ici.

Je brossai mes cheveux, leur rendant leur aspect soyeux puis m'habillai de ces étoffes peu pudiques. Elles ne dissimulaient que le nécessaire, laissant deviner le reste du corps par transparence.

Enfin, on frappa à la porte, je couvris le bas de mon visage et suivis celui qui était venu me chercher. J'avais déjà entendu parler de marchés aux esclaves, celui-ci était à ne pas en douter réservés aux grosses fortunes. Dans le large couloir menant à une salle emplie d'acheteurs, je croisai une autre femme à la peau sombre, huilée et parfumée afin de faire ressortir ses charmes. Elle était nue, les yeux baissés alors que son nouveau maître palpait sa poitrine des deux mains d'un air satisfait.

J'en ressentis un frisson de peur et de dégoût.

Était-ce le sort qu'ils me réservaient ? Me vendre au premier ribaud venu ? Comment allais-je m'en sortir si je ne pouvais parlementer mon achat ?

Je fus placée au centre de la pièce et les enchères débutèrent. Je tâchai de reconnaître parmi ces visages des connaissances de mon époux venus y dénicher de potentiels serviteurs et commençai à paniquer ne voyant aucune opportunité de m'en sortir.

Les mains se levèrent un grand nombre de fois alors que les regards se fixaient sur moi, me déshabillant littéralement. Le préposé aux ventes s'approcha lorsque l'un d'eux, prêt à débourser une grosse somme, insista pour voir la marchandise.

Et cette marchandise, c'était moi.

Je me reculai. Il se saisit du tissu qui me couvrait le haut du corps et je fuis vers la sortie. Ils n'allaient tout de même pas me mettre à nu comme ils avaient fait avec la précédente !

Je fus amortie et stoppée net par un homme rejoignant la salle. Ses cheveux châtains, son regard vert et ses habits typiquement européens m'assurèrent qu'il s'agissait peut être d'un français.

— Aidez-moi, je vous en prie !

Il sourit, me détaillant de haut en bas et je me rendis compte alors que je lui dévoilais bien plus que mes intentions. Je couvris ma poitrine dénudée de mes mains, hésitant entre réitérer mon appel ou me fâcher de son rire plus franc à présent. Il n'y avait rien de drôle.

Afin de regagner ma place, je fus empoignée par les gardiens, mais le jeune homme les stoppa.

Please ! Wait !

Il n'était pas français, mais britannique ! Comme mon époux ! Et il me semblait retrouver dans son visage des traits qui furent les siens. J'eus comme un vertige face à cette espèce de fantôme, bien plus jeune et plus robuste.

— Aidez-moi, lui répétai-je en anglais. Je vous rembourserai, je vous le promets. Quel que soit le prix.

Derrière moi, l'acheteur potentiel fit scandale alors que je me sentais de plus en plus mal.

— Chère petite madame, fit-il alors avec un puissant accent, je ferai de mon mieux.

La femme de l'antiquaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant