Chapitre 18 - Thomas

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L'immeuble avait tout du charme hindou et du confort anglais, je me sentais comme chez moi et compris aisément pourquoi Adèle tenait tant à revenir ici. Il y faisait plus frais, accueillant et une verdure luxuriante me tendit les bras dès l'entrée. Nos sacs furent montés à l'étage après qu'elle eut elle-même demandé à ce qu'ils soient posés dans notre chambre.

Ici, les domestiques étaient des autochtones et non des Européens, et ne bronchèrent même pas en me voyant l'accompagner.

— Puis-je visiter ?

— Je vous en prie, je vais me changer.

Quoique cette possibilité d'assister à un nouvel effeuillage m'attirait plus encore. Durant tout le trajet, elle s'était tenue à dissimuler ses merveilles sous une odieuse robe de nuit tandis que nos lits étaient séparés. Je ressentais comme un manque que j'espérais bientôt combler.

Un jardin ombragé où une fontaine — que dis-je, un véritable bassin — avait élu domicile s'offrait à ma vue à l'arrière de la maison. Un coin accueillant, jonché de bancs, de statues et d'un petit salon où prendre le thé. J'inspirai profondément, des senteurs fleuries et musquées me firent tourner la tête, raviver mes sens. Et mon côté romanesque estima que cet endroit était l'un des plus propices à l'amour que j'avais connu.

Adèle revint vêtue d'un sari bleu et or lui dénudant les bras et le ventre. Je préférai ce type de vêtement à ceux trop stricts qu'elle portait en Égypte.

Namaste, fit-elle en se courbant, les mains jointes. Vous pouvez vous servir dans la penderie de mon époux si vous souhaitez vous mettre à l'aise. Je vais demander à ce que l'on prépare une collation.

Je cherchai donc cette fameuse chambre et l'on m'indiqua une pièce à l'arrière de la maison. J'ôtai mon costume, profitai d'un broc d'eau pour me rafraîchir et trouvai des habits plus légers et confortables que les miens. Cet Henry disposait de divers costumes occidentaux très chics, de bottes, chaussures, chapeaux et ô bonheur, de tenues typiques de la région. J'enfilai un sherwani, cette chemise aux multiples boutons portée sur un pantalon léger. Étonnement, je remarquai que son époux et moi avions la même carrure ainsi que la même taille alors que je faisais tout de même six pieds et trois pouces*, ce qui n'était pas dans la moyenne.

Lorsque je revins, elle était sagement assise sur le rebord de la fontaine, et laissait vagabonder sa main dans l'eau claire. Sa bouche dessina un o de surprise lorsqu'elle me vit. Je tournai sur moi-même.

— Est-ce que cela me va ? Votre époux possédait des goûts sûrs, mais étrangement, nous sommes du même moule, ils me vont comme un gant.

— Oui... oui en effet, vous vous ressemblez beaucoup.

Ses traits se figèrent en une étrange grimace, je crus qu'elle était prête à sangloter sous mes yeux. Avais-je commis une erreur en choisissant cet habit ? Le souvenir de son époux était partout ici, dans les moindres fibres, la moindre feuille d'arbre. Et pourtant elle s'obstinait à vouloir vivre dans son souvenir.

— Je ne voulais pas vous troubler, excusez-moi.

Elle n'ajouta rien et préféra quitter le jardin ainsi que ma présence jusqu'au dîner.

(*) Six pieds et trois pouces, sauf erreur fait un mètre quatre-vingt-treize.

La femme de l'antiquaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant