J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
Allongée sur son lit, seule, toujours seule, beaucoup trop seule, elle pleure. Les trois mots tournent dans son crâne, tourbillonnent, brûlent.
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
De l'ambiance dans la maison, des engueulades toujours trop fortes, celles qui témoignent que quelque chose ici s'est brisé. Des mots, amers, visqueux, brûlants, qu'elle jette en réponse de ceux que sa sœur lui envoie, blessants, cassants, incroyablement blessants. Des disputes, trop fréquentes, celles qui n'étaient pas là avant. Pas là avant que ses parents n'explosent son monde.
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
Des déceptions, des désillusions, de ses rancœurs, de la culpabilité qui lui étouffe le cœur. N'est elle faite que pour faire du mal aux gens à qui elle plait ? Est-ce que ça s'arrêtera, ce cercle infernal ? Quand est-ce que le calme ne sera pas autre chose qu'une nouvelle illusion, instable, qui dure quelques heures avant d'éclater ?
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
De savoir sa mère autre part que chez elle, de se rappeler des mots brûlants qu'ils ont échangés, son père et sa mère, des cris, des pleurs, des mots qu'elle a lus et qui lui ont brisé le cœur. De savoir qu'après deux semaines elle devrait avoir tourné la page mais qu'elle en est incapable.
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
De se dire que la prochaine fois, elle ne sera probablement plus auprès de sa sœur et de son frère. De se dire que la prochaine fois, ils vont vivre ce qu'elle a vécu sans qu'elle puisse être là pour les protéger.
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
De la douleur lancinante du manque. Elle rêverait de pouvoir retourner au cirque, de s'y défouler, de sentir ses muscles la tirer, la fatigue l'étreindre et la bercer. Elle rêverait de retrouver le Conservatoire et les points blancs dans le mur noir qui l'hypnotisent, la salle si mal construite pour le théâtre, tout en hauteur, et les rires, le chocolat chaud, la puissance créative de son groupe. Elle rêverait de s'échapper dans ses mondes passionnés quand elle est coincée dans une réalité qu'elle n'a plus envie d'affronter.
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
De se savoir si petite, si peu serviable, si inutile, si peu douée. De se savoir stupide d'avoir mal ainsi pour des choses si stupide. De savoir qu'au lieu de gérer la situation comme elle le devait elle s'était renfermée dans un monde de silence. "J'm'en fout. Ils font ce qu'ils veulent". Combien de fois elle l'a dit ? Combien de fois elle a mentit ?
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
Elle voudrait voir du monde, créer de nouvelles choses, faire briller son sourire, oublier l'angoisse, lourde, sourde, qui grogne tout prêt de son cœur. Oublier qu'elle a cru pendant des heures que son père allait mourir, qu'elle a su que sa mère roulait à 180 sur l'autoroute pour l'en empêcher, qu'elle tenait dans ses bras sa sœur effondrée, qu'elle voyait son frère s'enfermer dans son monde pour oublier et qu'elle regardait son frère de cœur tenter de comprendre sans pouvoir lui expliquer.
J'en peux plus j'en peux plus j'en peux plus
Mais comment faire quand elle est si seule ? Alors elle pleure. Ca défoule. Et ça ne règle rien. Mais c'est pas grave, si peu savent qu'elle est encore rongée par l'inquiétude, les remords, et cette énergie, noire, si noire, qui l'a avalée quand la dispute a éclatée. Celle qui lui a soufflée qu'elle était assez inutile pour qu'elle ne doive pas monter sur scène. Celle a qui elle a failli obéir.
Merde. Elle est encore là, et même ses pleurs ne la font pas s'enfuir. C'est elle qui hurle dans son crâne, qui la rend si fragile, si instable émotionnellement. Elle qui lui rappelle. Elle voudrait s'arracher les cheveux pour ne plus y penser, se griffer le crâne, crier à se briser les cordes vocales.
Mais elle pleure juste. Parce que ça défoule, un peu.
J'en peux plus
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Pluie de Larmes
RandomParce que parfois des larmes tachent mes textes. Et que les bavures qu'elles étalent ne sont pas si laides au final. Parce que parfois, écrire ne sert qu'à se vider d'un trop plein de noirceur, même si ce n'est pas sa propre histoire qu'on exprime...